Bataille de dames.

 

Dans les archives des Vichy numérisées par Claude Franckart on trouve un dossier de 1692 écrit par Messire Claude de la Ronzière* de Charlieu pour rendre compte de l’état de la succession de Jean d‘Amanzé seigneur d’Arcinges (un mémoire de près de 300 pages destiné à demander le remboursement des frais qu’il a engagés entre 1685 et 1692 et à destination de Monsieur le lieutenant général en la sénéchaussée siège présidial de Lyon) . Document très technique mais qui montre une véritable bataille autour de l’héritage : des domaines, des dettes et hypothèques, certaines obligations laissées à la mort d’Anthoine d’Amanzé et de son épouse Françoise de Damas, dont certaines d’un montant très élevé (38962 livres par exemple, la question étant de savoir ce qu’en ont fait les enfants du couple, Jean, Claude, Jacques, Gabrielle).

 

Pour cette succession donc (en 1686), il y a plusieurs femmes réclamant ce qu’elles prétendent leur être dû :

 

-Charlotte de Thélis veuve de Gaspard seigneur du Bost dite dame de Moulin qui veut garder le domaine de la Guillermière (actuellement à Saint Germain la Montagne) mais qui va perdre en partie son procès. A ce sujet il est question des bâtiments qu’elle devait faire réparer mais les réparations ont été si mal faites que la neige (abondante en 1685) et les orages ont mis à bas les bâtiments qu’il a fallu de nouveau reconstruire... Petite remarque : le texte utilise le français local estamper pour dire étayer.

 

-Gabrielle  de Rogemont veuve de Jean Defranc seigneur d’Anglure qui se dit créancière mais qui a acheté un domaine au seigneur d’Arcinges lequel ne semble pas avoir été réglé entièrement et qui est alors hypothéqué!

 

-Gabrielle d’Amanzé épouse de Saint Georges sœur du défunt seigneur d’Arcinges, appuyée par son mari –et dont l’arrière petite fille épousera Abel de Vichy, mais on ne le sait évidemment pas en 1686 !

 

-Lucrèce de Sirvinges belle-sœur car veuve de Claude d’Amanzé, sans enfants, laquelle semble-t-il ne récupère pas grand-chose.

 

-Marie Anne Rolin  belle-sœur veuve de Jacques d’Amanzé mère de deux enfants mineurs dont les tuteurs sont Ponthus de Bessie représentant son gendre  César Rolin de Montoux, frère de Marianne et Marc de Saint Georges oncle paternel.

 

-Deux religieuses d’Auvergne, demoiselles Marguerite Marie et Françoise d’Amanzé qui avaient prêté de l’argent au seigneur d’Arcinges leur cousin, argent qu’elles voudraient bien récupérer ; s’ensuivront de longs procès.

 

 

 

Il y a parfois des alliances (entre Gabrielle d’Amanzé et Marianne Rolin en février 1686) mais le plus souvent c’est chacun pour soi. A ce jeu la plus « efficace » semble Marie Anne Rolin. De la Ronzière la soupçonne même de tricherie, parlant ironiquement d’une possible erreur de calcul : alors qu’elle avait droit à un certain pourcentage des 36 000 livres d’une obligation, elle l’aurait utilisée entièrement...ce n’est qu’un exemple. Des domaines sont en jeu comme celui de la Motte de Chauffailles.

 

De la Ronzière, un tantinet désabusé écrit : « Ledit de la Ronzières croyait par toutes ces démarches honnêtes avoir vaincu la dureté que ladite dame Marianne Rolin avait pour son fils puisné mais cela ne servit de rien il a fallu en venir à la rigueur de la justice quoiqu’elle eut signé ou ratifié ces sentences arbitrales... » De la Ronzière porte le procès à Mâcon et Marianne Rolin est condamnée mais à ...dix-huit livres seulement. Et « l’opiniâtreté de la dame Rolin ne s’arrêta pas là... »

 

« les remontrances que [le comptable] a faites à la dite dame Rolin ne l’ont pas jusques ici obligée à débourser un seul denier ; il a fallu obtenir une sentence contradictoire le 5 septembre 1690 au bailliage de Mâcon par laquelle elle y est condamnée. Mais pour la rendre illusoire ladite dame a fait publier aux prosnes de toutes les paroisses circonvoisines et de sa justice, des défenses de payer audit de la Ronzière lequel a été obligé d’avancer pour le frais cent livres... »

 

De la Ronzière estime aussi Charlotte de Thélis « dame inconstante et malicieuse tout ensemble ; ayant demandé de voir [un acte] pour se remettre en mémoire quelques clauses et icelui ledit Nompère lui ayant apporté l’original, elle se jeta dessus et le voulut déchirer avec les dents, elle en fut pourtant empêchée... »

 

Toutes ces affaires sont rendues particulièrement complexes et coûteuses par le nombre d’intervenants à divers échelons et en divers lieux : comptables, procureurs, juges, notaires, avocats, capitaine châtelain.....à Charlieu, Châteauneuf, Chauffailles, Thizy, Saint Symphorien de Lay, au bailliage de Semur, au bailliage de Villefranche  à Mâcon, etc...

 

 

 

*Claude de la Ronzière juge, bailli ou prévôt de la ville de Charlieu avait épousé en 1682 Catherine de (la) Rivoire et de ce fait était apparenté aux Deschezeaux d’Escoches.

source : https://www.geneanet.org/archives/registres/view/?idcollection=79414&page=1