Sorties de messes.

 

Souvenirs de 1960 (par exemple).

 

En ces années-là, le curé de la paroisse célébrait tous les dimanches deux messes : une messe basse à 7 h l’été, 7 h 30 l’hiver et une grand’messe à 9 h 30 l’été et 10 h l’hiver. L’alternance était assurée, en cette époque d’heure unique, par les fêtes de Pâques et de la Toussaint. Entre toussaint et Pâques, on portait le manteau ; entre Pâques et la Toussaint, la veste et ce, quelle que soit la météo. A la grand’messe l’assistance était très nombreuse, ce qui ne se percevait guère à l’entrée car personne n’arrivait en même temps. Mais à la sortie, l’église lâchait son flot de paroissiens sur la place. Celle-ci était pleine, animée, bruyante. Là, on piétinait ne remontant que lentement, très lentement vers la croix du haut : on discutait, les Écochois des villages du haut retrouvaient ceux du bas, ceux de la Quichère avaient à parler à ceux de Bertillot, ceux de Juin à ceux de Fonteret etc. Tous endimanchés, tous ou presque couverts, qui d’un feutre, qui d’un béret, quelques-uns d’une casquette ; les femmes d’un chapeau, les veuves récentes parfois d’une voilette. On s’échangeait rapidement quelques nouvelles dans l’attente de la prestation du garde champêtre. Puis quand François Auclair -qui avait remplacé Prosper Pradet – arrivait solennellement à la rambarde, tous se taisaient, mais lentement, comme un murmure d’abord, comme un vrai silence ensuite. Le garde chaussait ses lunettes… « Avis à la population » puis suivait la lecture, d’une voix nasillarde, d’un texte du maire ou d’un document officiel ou simplement d’une nouvelle comme « le percepteur de Belmont tiendra une permanence en mairie, le… » Bref c’étaient les Annonces. Quand il repliait ses lunettes, François Auclair revenait à la cime de la place pour entendre parfois quelque distrait lui demander à quelle heure devait venir le percepteur, etc. Et sur la place les conversations avaient repris. Si quelqu’un avait eu à cette époque l’idée de se placer au-dessus de la place, tel un observateur, il aurait eu l’impression d’une petite vague : au début, beaucoup de monde juste aux portes de l’église et quelques pressés sur le reste de la place ; ensuite au moment des annonces, la majorité s’agglutinait face au garde, quelques personnes plus lentes encore en bas ; enfin le gros des Écochois se retrouvait tout en haut puis se dispersait progressivement : les femmes partaient les premières vers les épiceries ou la boucherie ou la boulangerie : les courses du dimanche ; quelques-unes ensuite allaient boire un petit café chez une amie du bourg. Les hommes, toujours d’un pas lent se dirigeaient vers les cafés, d’abord vers le café-tabac de Mme Bernard -bientôt remplacée par Mme Duperron née Verne -  puis vers le café Belleville -qui avait remplacé Denise Christophe. Les jeunes hommes ne désertaient pas la place tout de suite. Certains avaient des motocyclettes (125 Terrot) qu’on admirait. Jusqu’à midi-une heure, on voyait encore de l’animation : femmes qui repartaient à pied, hommes qui changeaient de café, petits groupes qui reprenaient une conversation, etc. Vers 10 h 30 arrivait le car Alix de retour de Roanne, déchargeant ses rares passagers. Certains dimanches (un par mois environ) un marchand de confection de Cours surnommé « petite dame » déployait son étal au bas de la place. Pour finir, au repas dominical reporté un peu plus tard qu’en semaine, chacun rapportait quelques nouvelles de la semaine : la Louise avait failli mettre le feu en brûlant les déchets dans son jardin, le Guste avait déterré un nid de guêpes en labourant et il avait échappé miraculeusement aux piqûres, le François avait acheté un tracteur Pony d’occasion ; parfois des nouvelles d’ailleurs : la Marie de Belmont qu’avait marié le Toine était à l’hôpital, etc. etc.

 

Et puis, au fil des années, il n’y eut plus qu’un seul café ; il ouvrit une salle supplémentaire les dimanches pour compenser la disparition du premier ; puis cette deuxième salle devint moins nécessaire et disparut vers 1980 ; puis il y eut de moins en moins de messes ; puis plus du tout sauf exceptions…donc plus de sorties de messe. Mais celles-ci ont été jusqu’en 1975 environ, un vrai moment de « sociabilité villageoise », pour reprendre cet excellent terme de l’historien Jean-Pierre Gutton.

 

Malheureusement, il ne semble pas que ces moments écochois aient été immortalisés par une photographie