Assises générales tenues au lieu de Fragny, [terre de] cette juridiction située en la paroisse de Belmont en la place publique du Fragny sans tirer à conséquence ni déroger aux droits et soumissions attribuées à la juridiction dudit Fragny et dépendances dont les habitants sont tenus de comparaître en l’endroit accoutumé dudit lieu. Les dites assises tenues pour Mademoiselle d’Armagnac dame dudit Fragny et dépendances, par nous Gabriel Ducarre avocat en parlement juge civil et criminel et de police de ladite juridiction et dépendances à la diligence et poursuite de Me François Alix procureur fiscal en ladite juridiction qui nous a dit avoir fait publier par le ministère de Peguet notre huissier audiencier la tenue des dites assises dimanche dernier à l’issue de la messe paroissiale dudit Belmont pour ce jourd’hui vingt octobre mil sept cent quarante six dix heures du matin à laquelle heure et place susdite se doivent trouver les justiciables du dit Fragny. Lesquels ont été appelés par Me Léonard Ray notre greffier soussigné et à l’instant sont comparus :

C sieur Nicolas Duperron

 

C Louis Dubouis

 

C Antoine Desroches

C Pierre Audin

D C La veuve de Théode Grizard

C Claude Couturier

C Jean Puillet

C La veuve de Nicolas Christoph(l)e

C Benoît Marchand

C Claude Lacroix

village de Pezière

C Claude Devaux

C Estienne Duperron

C Antoine Aulas

C Claude Christoph(l)e

D C Antoine Clavière

C Claude Marchand

C Claude Aubrun

village Place

C Claude Vallet

D C Jean Cartellier

D C Benoît Rivier

D C Antoine Devarenne

D C Claude Marchand

Les quatre vents

C Jean Morel

D Joseph Puillet

D Benoit Puillet

D Jean Puillet

Desquelles comparutions ouï ledit procureur fiscal avons donné et octroyé acte et défaut contre les non comparants pour le profit duquel les avons condamnés en l’amende que nous avons modérée par grâce à la somme de trois livres au paiement de laquelle ils seront contraints par toutes voies dues et raisonnables et avons enjoint aux comparants d’observer les ordonnances suivantes

Premièrement défenses sont faites à tous les justiciables de jurer et blasphémer le saint nom de dieu, de la sacrée vierge Marie et des saints et saintes de paradis à peine de l’amende et peines portées par les ordonnances

D’aller au cabaret pendant le service divin et de jouer à aucun jeu à peine de dix livres d’amende qui sera pareillement encourue  contre les cabaretiers

De se tenir aux portes de l’église pendant le service divin pour y causer, rire, badiner et raper du tabac à peine de pareille amende que dessus

De tirer aucune borne faisant séparation de justice et de leurs héritages à peine d’amende et d’être poursuivi extraordinairement

De faire aucun larcin ni retirer larron sans le révéler à justice.

De chasser dans les terres céans à quelques bêtes que ce soit sous les peines   portées par les ordonnances.

De pécher dans les rivières et étangs [de] cette justice à peine de dix livres d’amende

De ne garder chez eux aucunes chèvres sous les peines portées par les ordonnances

De tenir chacun en droit soi les chemins en bon état pour que l’on y puisse  passer commodément à peine de cinq livres d’amende.

De comparaître en première instance par d’autres juges que nous dans les causes dont la connaissance nous appartient.

D’assister et d’apporter leurs dentées aux foires et marchés de Châteauneuf qui sont établies et qui seront renouvelées le tout sous peine d’amende

De ne couper aucun bois dans les forêts de son altesse et de rien usurper sur ses terres et domaines

De faire encrotter les bêtes mortes.

De révéler tous peines et délits qui seront commis dans les terres de la dite justice à peine d’amende et de plus grandes peines

De ne point receler les épaves passé les vingt quatre heures sans les révéler à justice à peine de dix livres d’amende

A tous marchands tant en gros qu’en détail de tenir faux poids et mesures à peine de dix livres d’amende

A qui que ce soit de s’injurier et de se battre sous peine d’amende.

Comme aussi leur avons fait Teller (?) autres défenses que de droit avec injonction de comparaître tous les ans à tel jour que ce jourd’hui ou autre qui sera par nous indiqué à ce lieu pour ouïr nos ordonnances et réitérer leur foi et hommage le tout quoi ils ont promis faire et observer aux peines de droit.

Et sur ce qui nous a été remontré par ledit procureur fiscal qu’il peut y avoir d’autres nos justiciables dans ladite paroisse de Belmont [sous] notre juridiction que ceux dénommés d’autre part, nous lui avons donné acte de ses références et protestations et les avons condamnés à pareille amende de trois livres pour n’être pas comparus au paiement de laquelle ils seront contraints comme sus est dit et nous sommes soussigné avec le dit sieur Duperron le dit procureur fiscal et ceux qui l’ont su faire.

N'ont signé que Duperron, Jean Morel et un troisième illisible.

Archives de Drée numérisées par claude Franckart cote B020 pages295 et sq

 

Quelques explications :

-Dans l’Ancien Régime la paroisse de Belmont était divisée en plusieurs petits territoires, des anciens fiefs, dépendant de seigneurs différents. Ainsi le fief de Fragny qui, on le voit ici, comprend outre Fragny, les villages de Pézière, Place, les Quatre Vents, dépendait du seigneur du Banchet à Chateauneuf. Or au 18e, cette seigneurie était passée à Charlotte de Lorraine princesse d’Armagnac. En 1740 elle vient à Chateauneuf (d’habitude elle réside à Paris) et dans lesa nnées suivantes elle demande à ses hommes de loi de tenir des assises, d’abord à Chateauneuf puis à Cuinzier, Maizilly, Fragny (en 1746 donc), etc..

 - Son juge-prévôt châtelain est alors Gabriel Ducarre. Il appartient à une famille qui a donné à Châteauneuf de nombreux hommes de loi ; son arrière-grand-oncle, Bonaventure Ducarre avait été assassiné en 1667 par un avocat concurrent, Decligny ou peut-être par la troupe de brigands de Bazile d’Amanzé dont Decligny était un comparse.

-Les interdictions et obligations paraissent  à la fois lourdes et futiles. Mais cela pourrait montrer qu’elles n’étaient pas respectées. Si seuls trois présents signent, cela veut dire que les autres ont déclaré ne pas savoir signer mais cela ne signifie pas qu’ils ne savaient pas ; sans doute ne tenaient-ils pas à s’engager à, par exemple, se passer de tabac ou ne pas ‘injurier !

-Les noms sont ceux des chefs de feux (sans les pauvres qui n’ont rien). Ils sont 23 à être venus  marqués d’un C pour Comparants) ; 3  à ne pas avoir fait le court déplacement (marqué D pour Défaut) ; certains n’étaient pas là au début, sont arrivés en retard, marqués D .

- Un feu, soit en gros un ménage, représente environ 5 personnes en ce milieu du 17e . Le fief de Fragny aurait donc approximativement 120 à 150 habitants. Plusieurs des patronymes d’alors restent bien connus dans le Belmont de 2023.

-On note aussi que les chemins doivent être entretenus par les habitants. A Cuinzier on demande même expressément d’élaguer les arbres le long des chemins.

Selon wikipedia consulté en mars 2023 :

Charlotte de Lorraine née le 6 mai 1677 et morte le 21 janvier 1757 est une princesse de Lorraine, fille de Louis de Lorraine. Elle porte le titre de Mademoiselle d'Armagnac et meurt célibataire.

Charlotte de Lorraine est le onzième enfant de Louis de Lorraine (1641-1718), comte d'Armagnac, et de Catherine de Neufville. Elle appartient à la Maison de Guise, branche cadette de la Maison de Lorraine.

Elle est célèbre à la Cour pour sa beauté et fut une favorite de Louis XIV. Après le mariage de sa sœur Marie avec Antoine (prince de Monaco), la Cour porta une grande attention aux prétendants qui se présentent pour épouser Charlotte. Parmi eux, figurent Saint-Simon ou Georges-Frédéric II de Brandebourg-Ansbach.

Une autre prétendant fut Louis-Alexandre de Bourbon, comte de Toulouse, le plus jeune fils de Louis XIV et de sa maîtresse Madame de Montespan. Le roi s'oppose au mariage et Charlotte de Lorraine ne se marie jamais, mourant célibataire.