Misère ou aisance?


Une idée  bien ancrée est celle de la misère des campagnes au XIXème et sous l’Ancien Régime. N’est-ce qu’un cliché ou cela relève-t-il de la réalité ? Si l’on prend les critères contemporains (notamment pour le confort), cela ne fait aucun doute : nos ancêtres Écochois étaient bien mal lotis. Si l’on essaie d’affiner les choses, on sera forcément plus nuancé.

 

L’impression provient, semble-t-il, de plusieurs textes : celui de Fénelon au XVIIème qui décrit une misère noire dans toutes les provinces, ce qui est corroboré par les études historiques (cf Goubert Louis XIV et vingt millions de Français) : le règne de Louis XIV fut économiquement désastreux –ce qui peut expliquer a contrario la popularité pérenne du bon Henri IV. Ensuite, au XVIIIème, les physiocrates et autres agronomes voulant promouvoir la « Révolution agricole » forcèrent le trait sur l’immobilisme paysan. Enfin Théodore Ogier dans ses livres sur la France par canton en 1856 s’intéresse d’abord à la qualité des sols pour juger de la richesse des habitants et dans toutes les communes du canton de Belmont il en montre la faible fertilité. Pour Écoche « Les produits de l’agriculture sont les mêmes que dans les autres communes du canton : froment, seigle, sarrasin, colza, légumes, pâtures et prés ; le tout réussit assez bien. Les bois y couvrent une superficie de 303 hectares 95 ares 50 centiares ; il y a pourtant une certaine étendue de terres vaines. Tous ces produits ne peuvent être classés que dans les qualités ordinaires ». Il est douteux que Théodore Ogier se soit rendu dans toutes les communes de la Loire, il a dû se renseigner auprès du curé et peut-être est-il passé à Cadolon car la seule description un peu personnelle concerne Cadolon (ainsi que l’église). Seule est d’une précision extrême la superficie des bois, le reste est plus vague. Sur le canton de Belmont, son texte est précieux : voir ci-dessous.

Ainsi ces textes bien connus dégagent-ils une impression de pauvreté. Cependant deux passages contredisent cette première impression. A propos du bourg –où l’auteur est peut-être allé, mais le texte peut plutôt refléter l’opinion du curé Puillet, il est écrit « Ce village, peu considérable, se présente avantageusement ; il est assis sur la pente occidentale d’un coteau. Les quelques maisons qui le composent, et au milieu desquelles s’élève l’église, édifice neuf et de belle construction extérieure, tranchent par leur teinte blanchâtre avec la riche verdure qui les environne de toutes parts »

 

A propos de l’église il est écrit  « L’église date de 1840, elle est grande, dégagée »

 

Il y avait donc pour Ogier (ou du moins son informateur) de belles maisons bien crépies, ce qui indique une petite aisance au moins. Et l’église encore inachevée est neuve et grande. Même si l’on sait par ailleurs la difficulté à trouver les finances pour sa construction, il n’empêche, une population de moins de 2000 personnes en comptant les enfants, a pu se permettre de posséder un tel édifice. D’ailleurs le milieu du XIXème siècle voit toutes les paroisses du canton se doter d’une église nouvelle : Belleroche et Cuinzier en 1829 (les dates sont celles des débuts de la construction), Sevelinges en 1830, La Gresle en 1834, la nouvelle paroisse du Cergne peut-être dès 1838 (achevée vers 1856), Arcinges et Écoche en  1840, Saint Germain en 1848, Belmont (aux dimensions presque d’une cathédrale) en 1874.


NB 1 : l'escamite est un tissu de coton très léger

NB 2 : les halles de Belmont étaient partie construites partie en projet en 1856 ; l'une des deux halles est alors une halle aux cotons


En effet sur le territoire de la commune d'Écoche, en 2018, nombre de maisons datent du 19ème siècle ; seules celles en pierres sont encore debout -mais d'autres ont été éboulées lors de la déprise démographique qui sévit entre 1900 et 1970. Beaucoup de ces maisons en pierre gardent fière allure et certaines sont même de bonnes dimensions principalement au bourg. Elles retent donc les témoins de la relative aisance de quelques familles. Mais d'où provenait cette aisance?  On tente une esquisse de réponse dans la rubrique de quelques notables et marchands


Cet acte notarié date de 1823 et nous en apprend un peu  sur le niveau de vie.

Ici, on voit qu'un Écochois est contraint de vendre un petit ensemble de champs pour payer ses dettes. Ce qui montre l'existence de prêts à intérêt au profit d'une bourgeoisie extérieure à la commune.

On note également, en l'absence de cadastre (celui d'Écoche date de 1833) une grande approximation dans les limites du terrain ; la seule indication précise est donnée par un nom de lieu, aujourd'hui disparu (en fait ce terrain est situé à proximité du village de la Quichère).

On a laissé les noms de personne en raison de l'éloignement dans le temps : plus de 200 ans soit  sous le règne de Louis XVIII.

La modestie de l'échange et la nécessité de l'avoir par écrit -légalement- explique le nombre de notaires très important à l'époque ; ici l'acte est passé audomicile du notaire au bourg d'Écoche.

Ci-dessous la transcription complète ; ci-contre photographie de la 1ère page.

Louis par la grâce de Dieu roi de France et de Navarre à tous présents et avenir salut, faisons savoir que

 

Par devant Joseph Jacquet  notaire royal soussigné résidant à Belmont chef lieu de canton arrondissement de Roanne département de la Loire et présents témoins

 

a comparu sieur Jean Claude Lefranc propriétaire cultivateur demeurant en la commune d’Écoche , lequel de gré vend avec maintenue et garantie

 

à sieur Claude Berthier propriétaire cultivateur demeurant en ladite commune d’Écoche ici présent et acceptant

 

un tennement de terre et pré de la contenue ensemble de quarante neuf ares cinquante centiares situé en ladite commune territoire des goutes joignant de matin et midi la terre de Jean Lefranc fils, de midi déclinant soir  le surplus dudit tennement réservé au vendeur ; de soir par une petite partie un chemin de desserte et des autres parts les paquier et vassible de la veuve Chassignol ; sauf dudit tennement meilleurs confins et sans que le plus ou le moins de contenue puisse donner lieu à augmentation ni diminution du prix ci après stipulé étant alienné tel qu’il s’étend et comporte, pour l’acquéreur en entrer en propriété dès ce jour et  pour lui en jouir de la même manière que le vendeur en avait le droit au terme de l’acquisition qu’il en a faite d’autre Claude Berthier suivant acte reçu Me Destre sous sa date enregistré au dire des parties

 

Il est convenu attendu que la partie de pré présentement vendue est inférieure à celle réservée que les eaux de cette partie serviront  à l’irrigation de celle vendue ; en conséquence le vendeur ne pourra vendre les dites eaux à qui que ce soit et ne pourra les divertir que dans la partie de fond qu’il s’est réservé afin que sortant de là elles puissent arroser le pré vendu.

 

Cette vente est consentie moyennant la somme de quatre cent cinquante francs a compte de laquelle l’acquéreur a présentement compté celle de cent francs au vendeur qui lui en fait quittance. Quant au trois cent cinquante francs restant le vendeur les délègue pour être payés en son acquit, savoir au sieur Jean Plaquard de Champoly , deux cent trente francs pour les semblables qu’il lui doit suivant une obligation reçue Me durillon notaire à Thizy enregistré et cent vingt francs à Pierrette Berthier d’Ecoche  pour semblable qu’il lui doit suivant une obligation reçue Me Valory notaire à Chauffailles sous sa date enregistré au moyen duquel payement dont l’acquéreur sera tenu  justifier au vendeur ce dernier entend vendre les objets ci-dessus franc d’hypothèque.

 

dont acte fait et passé  à Écoche cabinet du notaire soussigné le douze octobre mil huit cent vingt trois en présence des sieurs Francois Larue et Denis Aucler les deux propriétaires demeurant à Écoche, témoins requis qui ont signé avec nous notaire non les parties qui requises de le faire ont déclaré ne le savoir après lecture faite.