Pourquoi s’intéresser à Étienne Poizat ?

 

 

Sa pierre tombale est encore debout au cimetière d’Écoche où il repose depuis janvier 1892. Et il est un des derniers « enterrés » à être né au XVIIIème siècle en 1797 exactement. Né sous le Directoire, il a vécu sous le Consulat, le 1er Empire, la Restauration, la monarchie de Juillet, la seconde République, le second Empire, la Commune de Paris et enfin la IIIème république. Il a connu pas moins de 13 maires différents à Écoche. Et il semble assez représentatif des Écochois de ce temps (si l’on excepte bien sûr sa longévité).

 

Né à Écoche en 1797, il est le fils d’un Poizat d’Arcinges venu habiter à Écoche par mariage avec une Écochoise. Sa mère, Françoise Chavanon descend des Chavanon qui furent des gros fermiers à la Quichère du marquis de Vichy. Voir granges et grangers.

 

Lui-même épouse une fille de Cours mais leur couple s’installe à Écoche ; au recensement de 1841 ils sont domiciliés à l'Ardillat ; puis à partir de 1846 ils sont au Crêt Loup  et Étienne noté négociant , c'est-à-dire sans doute simple marchand de toiles. En 1851,ils habitent toujours au Crêt Loup où ils sont dits cultivateurs propriétaires  :  avec eux vivent leurs 10 enfants : Jean-Claude est fabricant (toiles ?), Génie, Madeleine, Pierrette sont tisseuses, Rémy qui n’a alors que 14 ans est berger, tout comme Ferdinand 12 ans ; et suivent les petits Célestine, Jacques, Baptiste et Julien. Il leur fallait sans doute une maison assez grande, du moins pour la boutique (tissage) car deux ou trois chambres suffisaient à l’époque. Maison sans doute à la limite entre l'Ardillat et le Cret-Loup, ce qui induit l'hésitation des agents recenseurs.

 

Plus tard, la famille part vivre à Fillon (sans doute dès 1854 voir ci-dessous)   et dans la même maison (grosse) que son fils Baptiste. Mais après la disparition de sa femme, pourtant plus jeune (en 1880), il va avec sa fille, veuve Danière, au Bourg - où il décède en janvier 1792, âgé de 94 ans

 

Père de famille nombreuse, il eut une assez grande descendance, alliée  souvent avec les familles écochoises. Un de ses petits-fils, Marius fut le dernier de la lignée à demeurer dans la grosse maison de Fillon ; très connu il était surnommé le « marquis » et aimait à montrer dans ladite maison la cache où aurait séjourné un prêtre réfractaire pendant que des sans-culottes venus de Roanne pillaient les ressources de la ferme (légende ou fait avéré ?). Cette maison avait à la fin du XVIIIème siècle été celle d’une petite nièce du curé Carré épouse d’un Poizat, mais une lignée différente.

 

Si l’on suit les généalogistes, ses descendants s’installèrent à Cuinzier, Maizilly, Cours, Coublanc etc. et bien sûr Écoche où il est encore l’ancêtre (quadrisaëul) du maire actuel.

 

Bref, une personne qui, par ses ancêtres (originaires de diverses paroisses circonvoisines), ses descendants (nombreux) et  ses activités familiales (agriculture et textile) est bien représentatif d’un Écochois du XIXème siècle. Qui plus est, habitant à l'Ardillat, le Crêt Loup, Fillon (principalement) puis le Bourg, il fut de tout le territoire de la commune. Jusqu’à son patronyme très courant à Écoche depuis l’Ancien Régime jusqu’en 1970 ! Cependant les archives ne nous renseignent guère sur sa vie intime, ses maladies, sa taille, ses croyances…



L'acte de mariage ci-dessus est classique. On note:

-le lieu du mariage : la commune de naissance de l'épouse

-le fait que la mère de l'époux demeure désormais à Arcinges, bien que née à Écoche et y habitant du temps que son mari vivait encore.

-l'erreur sur la date de naissance d'Étienne  1717 ce qui lui aurait donné l'âge vénérable de 108 ans!

-l'autorisation donnée à la femme mineure (19 ans)

-les signatures : tous les hommes, pas les femmes!

-la vérification de l'identité de l'époux par le juge de paix de Belmont qui ne donne plus la date du calendrier républicain, alors que celle-ci est donnée pour le décès du père : bizarrerie de l'époque.

-les professions : fabricants, ce qui signifiait sans doute tisseurs à domicile. Mais propriétaire et non cultivateur pour Etienne : le droit de propriété était alors sacré.

-la publication des bans qui se fait pour partie "devant la principale porte d'entrée de l'église du dit Cours sur les neuf heures du matin à l'issue de la messe paroissiale" , mélange typique de l'époque de la Restauration entre la vie civile et la vie religieuse ; à noter qu'en ce mois d'octobre, la messe était de bonne heure.

Autre remarque : l'oncle maternel Benoît Fouilland est le trisaïeul du futur abbé Joseph Muguet, qui a tant marqué les générations écochoises des années 1920 1930.




Un acte d'huissier retranscrit ici nous montre Étienne Poizat confronté à un problème d'eau et de voisinage. Dans notre 21ème siècle, cela peut paraître dérisoire et nous faire penser que l'on aimait alors la chicane. Peut-être. Mais l'eau potable à demeure sur l'évier était extrèmement rare et d'autre part dans les hameaux -en tout cas à Fillon- les habitants étaient très proches les uns des autres : murs mitoyens, cours communes, droits de passages fréquents sur terrains d'autrui (les micro parcelles n'avaient pas toujours accès, loin s'en faut, à un chemin public), usages collectifs. Voir par exemple histoires d'eau

Ici, le partage dont il est question au départ est celui fait entre les héritiers de Louis Poizat et Jeanne-Marie-Françoise Carré. Cela explique la fréquence du prénom François (le curé d'Écoche, son père aussi, de Charlieu, se prénommaient François : une marque familiale). Ces héritiers sont morts et dans cet acte il s'agit d'une génération suivante, dont certains habitaient encore à Fillon, très proches les uns des autres et souvent alliés à des familles proches entre elles, de Cours etc. Cette proximité évoque une sorte de communauté paysanne mais ne falicite pas pour autant la bonne entente. Etienne n'appartient pas directement à cette lignée, ayant repris une maison à Benoît Desporte (décédé alors) lui-même allié aux Poizat.

La bachasse et les cornets (en bois) existaient encore en 1966, date du décès du "marquis" mais en très mauvais état, car notre marquis était fort amateur de goutte !

 

L’an mil huit cent cinquante quatre, le trente un mars, à la requête de sieur Étienne Poizat, propriétaire demeurant au hameau Fillon, commune d’Écoche, agissant comme étant aux droits de Benoît Desportes propriétaire domicilié lorsqu’il vivait à Écoche, je soussigné François Vernay huissier reçu au tribunal civil de première instance de Roanne résidant à Belmont, ai déclaré et signifié au sieur Giraud propriétaire demeurant au hameau Fillon commune d’Écoche en son domicile parlant à sa personne

 

            que suivant acte de partage entre les héritiers Poizat reçu Maitre Fleury notaire à St Igny de Roche le quinze février 1808 enregistré, les eaux de la bachasse et cornets et canal qui existaient dans la cour de Desportes maintenant du requérant ont été déclarés communs aux quatre premiers lots appartenant le premier à Jean-François Poizat, le second à Henri-François-Marie Poizat, le troisième à Françoise Poizat veuve Vermorel, et le quatrième aux mariés Magnin et Poizat représentés maintenant par les dits Antoine-François Poizat, Magnin aîné, Pierre Desroche, Giraud et Julien Burnichon.

 

            que d’un autre côté aux termes d’un jugement contradictoire rendu entre ledit Benoit Desportes et les sieurs Jean Lafond et François-Marie Poizat  par le tribunal civil de première instance de Roanne en date du treize septembre 1825 dûment enregistré, les principes ci-dessus relatés et admis par  le dit acte de partage des héritiers Poizat ont été complètement terminés par le dit jugement qui en outre ordonne le rétablissement de la bachasse et des cornets qui existaient précédemment et qui avaient été détruits ou dérangés à l’époque du jugement

 

            en conséquence et en vertu des dits actes de partage et jugement j’ai par le présent acte fait sommation aux susnommés Giraud, Antoine-François Poizat, Pierre Desroche, Magnin aîné et Julien Burnichon d’avoir dans la huitaine franche à s’entendre avec le requérant sur le rétablissement à frais communs de la bachasse et des cornets et du canal en question lesquels seront rétablis dans leur état primitif et dans la cour du requérant, toutefois dans l’endroit le moins dommageable et le plus commode à l’exercice des droits des parties, comme aussi de s’entendre sur les réparations à frais communs que peut nécessiter l’état actuel des cornets qui sont nécessaires pour amener les eaux à la bachasse dont il a été parlé

 

            leur déclarant que faute par eux d’obtempérer aux desirata de cette sommation et passé le délai de huitaine fixé le requérant les y contraindra par toutes les voies de droit et se pourvoira pour obtenir toutes pertes réparations et dommages intérêts

 

            et j’ai au dit sieur Giraud, domicile et parlant qu’il est dit donné et laissé la présente copie dont acte coût onze francs 80 centimes. Pour copie Vernay.