Marie Anne Rolin


Marie Anne Rolin (ou Marianne) (ou Rollin)

 

Marianne Rolin  n’a jamais habité Écoche, pourtant elle semble avoir eu de l’importance sur le devenir de ce territoire.

 

Elle naquit -disent certaines sources- le 17 mai 1646 dans une famille noble et fut baptisée dans l’église de Saint Vincent de Reins le 15 octobre 1649. Son père était Jean Rolin seigneur de Montout (le château de Montoux se trouve dans la haute vallée du Reins). Selon le mercure galant de 1694 la maison de Rolin est illustre et descendrait de Nicolas Rolin chancelier à la cour de Bourgogne de Philippe le Bon et qui avait eu comme fils un évêque d’Autun devenu cardinal en 1448. Sa mère était Anne Charreton fille toujours selon le mercure galant de Claude II seigneur de la Terrière et autres lieux. Les Rolin et les Charreton sont en tout cas des familles de gens de robe de l’Élection de Villefranche

 

Elle épouse  le 14 août 1670 Jacques d’Amanzé baron de Choffailles. D’amanzé a des frères et sœurs : Jean, seigneur d’Arcinges, Basile seigneur d’Estieugues et Gabrielle mariée à Marc de Saint Georges seigneur de Montceaux, et peut-être Claude seigneur de Saint Julien de Cray.

 

Jacques et Claude meurent en 1679 dans des conditions suspectes, peut-être empoisonnés tandis que Basile pratique le brigandage dans la région et rançonne les voyageurs. Marie Anne Rolin devenue comtesse de Chauffailles – c’est elle selon la tradition qui aurait imposé la graphie Chauffailles plutôt que Choffailles- n’a de cesse comme tutrice de ses enfants mineurs (nés en 1672, 1673) de garantir leurs droits et parts d’héritage, et d’abord avec Gabrielle puis aux dépens d'elle mais aussi des héritiers de la première femme de feu son mari, Jeanne d'Albon et surtout contre Jean seigneur d'Arcinges. Pour cela elle se fait assister d’hommes de loi et de personnages  fidèles et efficaces tels un Jean-François Voisin Dessauge chevalier de Saint Lazare ou un notaire de Saint Vincent de Reins Messire Besson. Elle ne cède rien, portant les affaires devant Monsieur Delamartine** conseiller du roy au bailliage présidial de Mâcon et dans un acte de 1884 elle est même qualifiée d"impitoyable" par les avocats du  seigneur d'Arcinges. Et la suite : ".. Le nouveau procès qu’elle lui forme de gaité de cœur et par un pur esprit de vexation qu’il n’a qu’à défendre la disposition indicieuse et équitable de son père approuvé par la mari de la dame Rolin pendant qu’il a vécu et reconnu par elle-même dans un traité solennel fait en présence et par la médiation de monsieur le comte d’Amanzé..." ou encore"mais il n'y a rien de saint ni de sacré que la déffenderesse n'entreprenne de violer quand il s'agit d'exercer se passions" ou enfin "la dame Rolin toujours inquiète rallume le feu de la dissention  dans le temps qu'on la croit apaisée..". Elle gagne ses procès mais il semble, à lire le long texte des hommes du seigneur d'Arcinges que celui-ci considère comme  une  mésalliance le mariage entre un d'Amanzé, d'illustre famille et de noblesse immémoriale et une Rolin, qualifiée de "fille d'un élu de Villefranche". Vieille noblesse d'épée contre bourgeoisie de robe.

 

A partir de 1703 (année où son fils se marie) elle réside au château d’Arcinges qu’elle apprécie peut-être davantage que celui de Chauffailles, non sans doute à cause du confort bien rudimentaire mais plutôt à cause du site qui ressemble à celui du château de Montoux : à mi-pente et bien exposé alors que le château de Chauffailles plus encaissé et entouré de douves doit être très humide. Elle y réside avec son homme de confiance Jean-François Voisin dit Dessauges ; il meurt en mars 1726 âgé de 72 ans. Marie Anne Rolin, dénommée alors souvent la dame d’Arcinges meurt quelques mois plus tard, et est enterrée dans l'église d'Arcinges le  16 janvier 1729 ; âgée dit le registre paroissial de 86 ans ; de 83 ans selon d’autres sources. En tout cas son fils Antoine exprime sa tristesse en ne signant pas sur le registre paroissial.

 

Comment est-elle en rapport avec Écoche ?

 

 > En premier lieu la « dame de Chauffailles » fut sollicitée pour être la marraine de certains enfants notamment de familles notables. En novembre 1699, elle a pour filleul Claude Marie Vaginay, fils du sieur du But; à cette occasion le curé l'appelle Anne Marie Rolain comtesse de Chauffailles ; le parrain était l'avocat Claude Peguin. En 1714,  par exemple, elle fut la marraine de Claude Dechezeaux le fils de Catherine Bouquet à Écoche. En 1703 à Arcinges elle avait été la marraine de Jean-François Fargeton, dont le parrain était Jean François Voisin Dessauges chevalier de Saint Lazare, son fondé de pouvoir, alors que le curé d’Arcinges est un Dechezeaux (Claude lui aussi) de la famille des notaires d’Écoche.

 

> Elle achète pour 9 993 livres en 1718 le fief du But à Claude Vaginay, devenant ainsi seigneur.e du But pour ses enfants ; le But resta ensuite dans la famille d’Amanzé (Antoine) puis de Vichy (Abel). Dans les actes l’ensemble des possessions d’Écoche deviendra ainsi seigneurie d’Escoches membre dépendant de la seigneurie d’Arcinges. A Écoche on ne parlera plus-ou presque- que de la « dame d’Arcinges » qui semble avoir inspiré de la crainte voire de l’hostilité comme en témoigne cette anecdote transmise oralement : lors d’un parcours en chaise à porteur entre son château et l’église d’Écoche, les porteurs auraient laissé choir la dame dans la boue. Vraie ou fausse l’anecdote  est significative.

 

> Ayant acheté le fief du But, elle fait immédiatement signifier par acte notarié aux habitants de ne plus la comptabiliser dans le rôle de la Taille puisqu’elle est noble (à la différence de Vaginay) donc exemptée de cet impôt royal ce qui augmente d’autant ce que doivent payer les autres habitants de la communauté Arcinges-Écoche.

 

> Elle renouvelle les baux de ses fermes parfois en changeant de fermiers en s’appuyant sur des notaires de son choix, dont Besson notaire de Saint Vincent de Reins.

 

> Elle gère les bois de Rottecorde n'hésitant pas à engager une procédure contre un acheteur qui avait trop tardé à enlever les pieds de chênes vendus  par feu son mari.

 

> Ayant gardé dans sa dot et jusqu’à sa mort des possessions à Mardore, Ranchal, Saint Vincent ce qui montre le maintien de ses liens avec sa vallée du Reins, il se peut qu’elle ait favorisé les liens entre celle-ci et Écoche-Arcinges. Or ces liens amènent des marchands ou autres. Parmi ceux-ci Gabriel Batailly qui épouse en 1694  Marie Dechezeaux, justement tante de sa filleule d’Écoche.

 

Le 26 juin 1713 un domestique originaire de la Chapelle de Mardore (où Marie Anne Rollin avait des terres) se marie à Arcinges (dans la chapelle du château) avec une autre domestique originaire d’Écoche. Or Estienne Glatard et Antoinette Butty les jeunes mariés sont les grands-parents de Laurent Glatard qui s’installe en 1778 à Écoche et est à l’origine de la "dynastie" écochoise des  Glatard (industriels, maires, propriétaires fonciers).

 

Marie Anne Rolin avait en effet gardé des liens étroits avec sa famille puisque, par exemple, lorsque Ponthus Rolin de Montoux met enceinte une jeune femme, celle-ci vient trouver asile au château d’Arcinges où son fils est baptisé.

 

Après sa mort les scellés sont mis sur les châteaux d’Arcinges et du But. Si au But l’inventaire montre que Marie Anne Rollin n’y a pas résidé, à Arcinges on y trouve, outre quantité de documents ayant trait à Écoche, des éléments de sa vie quotidienne comme quatre chemises noires, des livres d’heures, une vieille tapisserie de Bergame etc mais rien de beaucoup de valeur.

sources : archives privées de la famille de vichy ; registres paroissiaux AD Loire ; AD  Rhône ; AD Saône et Loire ; fonds Vichy de la médiathèque de Roanne.

** Jean Baptiste de Lamartine arrière-arrière grand père du poéte Alphonse de Lamartine


Devenue veuve Marie Anne Rolin cherche immédiatement à rentrer dans ses droits et dans ses biens. Elle charge donc un huissier royal de Chateauneuf, Boisseaud, d'intervenir pour elle et signe un contrat avec lui moyennant 20 sols par exploit d'huissier ; et au bout de 90 exploits (ce qui est beaucoup) elle lui signe une reconnaissance de dettes, ce qui nous vaut un court écrit de sa main :

Un graphologue serait enclin à deviner la psychologie de la dame : ferme? dynamique? autoritaire?

Un académicien d'aujourd'hui relèverait l'orthographe qui, au XVIIème,, n'avait rien de fixe ; on aurait de nos jours : "Je dois à Monsieur Boisseau du présent compte la somme de quatre vingt dix livres du 29 juillet 1684."

Elle signe toujours Rolin Chauffailles ; un noble en effet n'utilise que rarement la particule sauf après un titre : elle est comtesse de Chauffailles mais, mieux, elle est Chauffailles (comme Louis XV dira qu'il est la nation).

Antoine Boisseau ou Boissaud est le père de Claudine qui en 1699 épouse Jean le Breton apothicaire à Écoche.


Une succession compliquée autour du But.

Un texte de la fin du XVIIIème siècle revient sur une affaire de succession entre 1726 et 1731 : la soeur de Dessauge, se présente comme héritière de cet homme de confiance de la dame Rolin et à ce titre revendique le château du But. Après des péripéties racontées ci-dessous, tout se termine à l'amiable -deux ans après le décès de la dame d'Arcinges- par une transaction passée devant Me Delacolonge de Coublanc. Le neveu de Dessauge renonce au But mais est dédommagé par une somme correspondant au domaine de  Chizelet, que le comte de Chauffailles rachètera un peu plus tard avant que le marquis de Vichy ne le revende à Vermorel.

Le texte présenté ici est incomplet, il manque la fin ; il semble dater de 1788 environ. ON a rajouté quelques ponctuations pour plus de clarté et rétabli parfois l'orthographe actuelle, mais pas systématiquement puisqu'il n'y avait pas alors d'orthographe

Le mémoire instructif pour dame Antoinette Bézard veuve de Mr Jean Baptiste Le Brun et Mr Jacques Bézard chirurgien demeurant en la ville de Lapalisse représentant défunt Louis Perreuille vivant notaire royal et Marie Voisin sa femme dans l’instance qu’ils ont  eu pendante et indécise au ci-devant Parlement de Paris contre Monsieur le comte de Chauffailles et autres.1

 

Défunt Louis Perreuille épousa Marie Voisin et passèrent un contrat de mariage le 21 décembre 1686. Jacques Voisin  sieur Dessauges chevalier de St Lazard2 frère germain de Marie Voisin y intervient et institue sa sœur son héritière universelle de tous les biens dont il mourirait vêtu et saisi. Il apparut les loyaux d’héritiers de chacun .. et se réserva seulement une somme de  100 livres pour en disposer à son gré. Ce contrat fut dès lors revêtu de toutes les formalités requises. Ledit sieur Voisin Dessauges a toujours demeuré chez le comte de Chauffailles ou chez dame Marie Anne Rolin sa veuve, il y est mesme décédé en mars 1726, il avait un bon patrimoine, Gilbert Redin et le sieur Geroton ses cousins germains lui avaient encore laissé une succession de 30 à 40 000 livres par acte notaire du 10 octobre 1720. La dite dame Marie Anne Rollin alors veuve du sieur Comte de Chauffailles a déclaré et reconnu que l’acquisition qu’elle avait faite du sieur Vaginay de la terre et seigneurie du But le 16 avril 1718 avait été totalement payée des deniers du sieur Voisin Deschauges ; en conséquence elle lui céda et abandonna la terre ; elle déclara qu’elle n’avait rien à y prétendre, elle se réserva seulement les fruits sa vie durant. En indemnité des services qu’il lui avait rendus et pour gage qu’elle lui devait reste entre eux à 250 livres par ans elle lui abandonne en outre toutes plus-values, ensemble tous les meubles linge habits vaisselle d’argent ou étain et autres effets qui pourraient être aux châteaux d’Arcinges ou ailleurs ; elle reconnut de plus que tous les meubles linges et autres ustensiles de ménage qui étaient aussi à cette époque et qui se trouveraient à son décès au château du But appartenant au sieur Dessauges comme étant prévenu de son particulier ; enfin elle reconnut qu’il avait fait compte de toutes les recettes qu’il avait faites pour elle dont elle le décharge. En mars 1726 le sr Desauges tomba malade au château d’Arcinges en Beaujolais. Trois semaines après il mourut. Le sieur Perreuil et son épouse en étaient éloignés de 15 lieues. N’ayant point été instruits de sa maladie, ils ne purent point aller recueillir ses derniers soupirs. La dame Rolin et ses neveux nommés Rolin de Montoux surent mettre à profit l’éloignement des sieurs et dame Perreuil et l’ignorance dont ils étaient de la maladie du sieur Desauges. En effet dans les délires de ses derniers moments, ils mandèrent un notaire facile et à eux affidé nommé Besson et le firent tester ; par ce testament ouvrage de la supercherie la plus révoltante, ils le firent instituer pour son héritier César Rolin de Montoux qui était pour lors alarmé. Comme si cette institution testamentaire -à supposer le testament fidèle et valide- pouvait prévaloir et l’emporter sur la première institution entre contre celle faite en faveur de sa sœur épouse de Louis Perreuille comme si une pareille disposition n’emportait pas avec elle la preuve d’une sujetion manifeste tous les caractères de la fraude d’une lâche complaisance du notaire de l’abus de son ministère et n’était pas proscrit par toutes les lois civiles et naturelles. Quelque chose de plus on fait intervenir des témoins qui ne savaient même pas signer, Aussi le curé qui lui faisait de fréquentes visites, le chirurgien qui le traitait, le médecin qui le dirigeait et plusieurs autres personnes distinguées qui sortaient de la chambre au moment où le notaire et le sieur de Montoux y entrèrent et s’y fermèrent ne purent pas s’empêcher d’exprimer hautement leur indignation à la vue des manœuvres frauduleuses qu’on employait pour frustrer son héritière légitime et faire passer s’il avait été possible ses biens sur la tête d’un étranger. Le sieur Comte de Chauffailles premier à s’apercevoir des spoliations que l’on commençait à connaître, il en fut également soulevé, donne avis mais trop tard au sieur Pereuil de tout ce qui s’était passé et en attendant son arrivée sur les lieux, il prit la sage précaution de requérir le juge de Chauffailles pour apposer les scellés sur le surplus des effets du sieur Dessauge. Le juge y vint et les y apposa effectivement.

 

Louis Perreuil et Pierre Perreuil son fils se transportèrent au château d’Arcinges où demeurait la dame Rollin. Arrivés eux et plusieurs autres personnes qu’on croyait avoir intérêt à sa succession furent assignés à la diligence du procureur fiscal pour assister à l’inventaire des meubles et effets qui estaient sous les scellés ; Louis Perreuil était muni de son contrat de mariage en règle.

 

Étienne Rollin instruit que Louis Perreul était venu pour recueillir la succession du sieur Dessauges, s’occupa avec le sieur Rolland de la Platière3 conseiller au baillage de Beaujolais et le brigadier de la maréchaussée de Thizy son cousin des moyens de lui faire abandonner la recherche de cette succession. Pour réussir dans leur coupable projet ils décidèrent entre eux qu’il fallait que le sieur de Montoux se présenta au procès verbal de levé des scellés qu’il y format opposition et pour motif qu’il y soutint que le juge était sans qualité sans pouvoir pour faire inventaire, ce qu’il fit mais malgré cette raison et tant d’autre non moins utile, le juge passa outre et ordonna que sans préjudice aux droits des parties et sur réquisition de ladicte dame de Chauffailles, de son fils et du sieur Perreuille que les scellés seraient levés et l’inventaire fait. A la vue de cecy, Etienne Rollin de Montoux interjette appel de cette ordonnance mais le juge ne s’y arrêta pas, il ne laissa pas que de procéder à l’inventaire où le sieur Perreul se porta pour son épouse, héritière pure et simple du sieur Dessauge.

 

Le sieur de Montoux indigné de ce qu’il n’avait pu faire ...connaissance des dits scellés et inventaire au sieur Rolland de la Platière son cousin, conseiller au baillage de Beaujolais qui lui avait promis toute faveur dans ce siège, le sieur Rolland de la platière sans aucune cause légitime exerça sur les sieurs Perreul père et fils une voie la plus tyrannique, la plus révoltante, en effet abusant de son pouvoir, il lacha le 1er avril 1726 un réquisitoire au brigadier de la maréchaussée de Thizy pour le faire capturer et emprisonner. Le brigadier parent du sieur de Montoux et du juge, homme entièrement dévoué aux intérêts de ces deux personnages et par conséquent l’un des artisans cachés de leur complot n’hésitant pas un instant à se servir en vertu de ce réquisitoire, il saisit le sieur Perreuil au corps au château du But où il s’était alors occupé à faire faire l’inventaire des meubles et effets du sieur Dessauge ; il traîna ignominieusement la victime innocente et sans tache positivement au jour du marché de Thizy à la face de tout un peuple chez le sieur Rolland de la Platière qui avait donné le réquisitoire car ce juge inique leur reprochait sans pudeur leur hardiesse à se prétendre héritiers du sieur Dessauge comme s’ils ne l’étaient pas en vertu de titres légitimes ou du moins leur épouse et mère qu’ils représentaient ; il ne s’en tient pas là, il les menaça de les faire pendre s’ils persistaient dans leur prétention et n’abandonnaient cette succession à Etienne et César Rollin de Montoux ses cousins.

 

Cette menace qui ne s’est faite que pour intimider des âmes faibles et pusillanimes loin de les déconcerter et de leur faire la plus légère impression ne fait qu’ajouter à la confiance qu’ils avaient dans leurs droits et leur empressement à les revendiquer à faire tout acte nécessaire pour détourner les atteintes qu’on voulait y apporter, ils lui répondirent d’un ton fier et à ne pas laisser de réplique à un homme plus juste et moins indifférent sur le devoir de son état, qu’en vertu du titre authentique, inattaquable, ils étaient héritiers du sieur Dessauge et s’il n’avait pas d’autre raison de les faire ainsi traiter, il fallait qu’il fut bien audacieux, bien insouciant, bien peu délicat mais que la justice faisant leur droit qu’elle criait vengeance contre un outrage aussi sanglant et qu’ils allaient la defferer luy dresser leur juste plainte pour faire punir l’attentat qu’il commettait contre leur honneur et leur liberté.

 

Cette réponse ne fit aucune sensation à ce déloyal suppôt de la justice ; pour mettre le comble à son crime il ordonna à la maréchaussée de les mettre en prison en disant qu’il penserait la nuit sur ce qu’il aurait à faire. Une chambre haute dans une auberge fut la prison où ils furent traduits et où ils furent gardés et retenus jusqu’à minuit ; ces tristes jouets du pouvoir arbitraire ayant enfin cédé au sommeil nécessaire pour calmer leurs sens qu’un pareil outrage avait si violemment agités, la maréchaussée les abandonna et à leur réveil l’hôte leur manifesta que le plus parti qu’ils avaient à prendre était de s’en retourner chez eux à La palisse car Mr Rolland les périrait.

 

Ces menaces, ces violences, ces outrages ne les épouvantèrent point ; fermes comme un roc que les torrents n’ont jamais ébranlé, ils ne voulurent point abandonner leurs biens, loin de là ils s’occupèrent dès lors des moyens de les ... pour cet effet ils requièrent en vain des notaires des huissiers pour verbaliser ; craignant sans doute de s’attirer la haine et le courroux d’un juge aussi inique que pervers aucun ne voulut prêter son ministère son secours son appui. Quel parti pouvaient prendre ces infortunés dans une aussi triste occurrence ? Point d’autre sinon de verbaliser eux-mêmes de prendre à témoin de cet attentat tous les habitants, ce qu’ils firent au milieu de la place de Thizy.

 

D’après cela ils se rendent chez eux, ils se pourvoient au ci-devant parlement de Paris sur leur plainte, ils expédient une commission au lieutenant général criminel du ci-devant baillage royal de Cusset pour informer. Cet officier se transporta à Charlieu et à Thizy, il informe, la preuve de tous ces faits exposés par les plaignants est complète, les sieurs de Montoux et Rolland de la Platière sont décrétés d’ajournement personnel. Ce décret leur est signifié, ils comparaissent, ils subissent interrogatoire et les clauses sont restées en cet état à cause du décès de Louis Perreuil arrivé peu de temps après.

 

Tout ce qui est de la succession, César de Montoux voyant qu’il ne pouvait pas s’empêcher de l’abandonner se permit en 1726 d’aller à Villefranche et de l’accepter pour bénéfice d’inventaire. Il appela ensuite de l’ordre du sieur Dupont qui ordonnait la confection de l’inventaire et présenta requête au juge de Beaujolais et obtint permission de faire assigner le sieur Pierre Perreuil fils de Louis pour se départir de la dite succession et la voir adjugée à luy sieur de Montoux en vertu de testament son présent davance que le sieur Perreuil n’a pas manqué d’être condamné, puisque tous les juges de Beaujolais étaient parents du sieur de Montoux, il demanda son renvoi au lieutenant général de Cusset qui avait été commis pour faire l’information mais il en fut débouté le 14 avril 1728, il interjeta appel de la sentence, il releva cet appel de la sentence et fit intimer le sieur de Montoux au parlement.

 

Celui-ci toujours avide et passionné de jouir d’un bien qui ne lui appartenait pas fit intervenir le procureur du Roy Beaujolais sur l’exposé le plus faux captieux requère le renvoi du fond de la contestation devant son tribunal pour y être jugé ; ce réquisitoire est du 20 août même année.

 

Le sieur Perreuil répond à ce réquisitoire que c’est mal à propos et contre la règle qu’un procureur du Roy fasse une pareille demande qui est sans droit ni qualité pour requérir que le sieur de Montoux jouisse de cette succession et enfin que c’était à de Montoux lui-même de le demander. Le sieur César de Montoux voyant le jour de succès du réquisitoire du procureur du roy se retourna d’une autre manière, il se pourvut de nouveau devant le juge du Beaujolais, il lui demanda qu’au préjudice de l’appel du sieur Perreul la succession du sieur Dessauge luy fut adjugée ce qui luy fut accordé par sentence du premier septembre même année. En luy enlevant son bien par des condamnations aussi injustes on ne laisse pas que de le condamner aux dépens : quelle horreur.

 

Cette sentence lui fut signifiée le vingt six du même mois, il en appela le comte de Chauffailles qui n’était pas bien avec le sieur de Montoux gémissait de voir tant d’actes d’iniquités se succéder et s’accumuler, mais s’étant raccommodé avec le sieur de Montoux , tous les deux se réunirent, spolièrent, prirent et mirent en leur possession tous les fonds de la succession ; durant ce temps la dame comtesse de Chauffailles jouissant du château du But comme se l’étant réservé par l’acte du 10 octobre 1720 elle en a joui jusque à sa mort et le sieur Montoux pour faire déparaitre toute idée en sa spoliation de leur part et après avoir enlevé toute la vaisselle d’argent et tous les effets les plus précieux firent apposer les scellés au château d’Arcinges le sieur Perreul en étant été instruit, il s’y transporta, il voulut se mettre en possession de ce château de tout ce qui le garnissait et de tout ce qui en dépendait, mais le comte de Chauffailles l’empêcha de sorte qu’il fut obligé de former purement et simplement opposition aux dits scellés et de faire saisir et arrêter entre les mains du comte de Chauffailles tous les biens et meubles et immeubles composant la succession du sieur Dessauge.

 

Le 3 février 1729 le comte de Chauffailles fit assigner le sieur Perreuil pour assister et être présent à l’inventaire des meubles et effets mis sous scellés au château d’Arcinges, il comparut mais l’inventaire ne se fit pas. Il ne fut pas même commencé, le sieur de Montoux ayant obtenu de deffenses des juges de Beaujolais qui furent signifiées au comte de Chauffailles lequel les fit contresignifier au sieur Perreuil. Il s’en retourna chez lui sans avoir rien fait mais il ne fut pas plutôt arrivé  que l’on lui avait donné une nouvelle assignation les scellés furent levés et l’inventaire fait en son absence.

 

D’après cette opération le comte de Chauffailles et de Montoux prirent, enlevèrent et partagèrent tout le mobilier. Quant au château du But le comte de Chauffailles en a joui lui-même jusque son décès arrivé en l’année 1733 mais à cette époque la dame de Falconnis sa veuve et le sieur de Montoux tout partagé par acte du 19 août même année : il n’est question que de prendre lecture de cet acte pour voir que le défunt comte de Chauffailles, sa veuve et ses héritiers n’ont aucun droit, aucune prétention non plus que le sieur de Montoux dans la succession du sieur Dessauge mais les représentants du sieur Perreuil n’ont plus aucune prétention relativement aux meubles et effets qui garnissaient le château d’Arcinges et du But. Par acte reçu De la Collonge notaire à Coublanc le 12 octobre 1731, le sieur Perreuil transigea avec le Comte de Chauffailles, le sieur Perreuil lui vendit tous les dits meubles et effets moyennant la somme de 6134 livres 7 sols. Pour le payement de laquelle somme le comte de Chauffailles lui  abandonna sans faculté de .... le lieu et domaine de Chizelet situé en la paroisse d’Écoches où ce mobilier lui appartenait dont il n’était pas moins vrai et légitime héritier des immeubles et les manœuvres que l’on a employée pour l’en frustrer ne sont pas des plus..

 

 notes :

 

1 Les Bézard, Antoinette et Jacques sont très certainement les héritiers de Louis Pereuil ou Pereuille ou Pereul notaire de Lapalisse. En fait, un autre document indique qu'Antoinette et Jacques Bézard sont les petits-neveux du sieur Dessauge (qui avait une autre soeur Pierrette) et qu'en 1792 ils relancent l'affaire contre le sieur Vichy en qualité d'administrateur des biens des héritiers de Marie Anne Rolin, auprès des tribunaux d'appel du district de Roanne.

2 En fait Jean François, homme de confiance de Marie Anne Rolin, très présent à Ecoche où il est par exemple plusieurs fois parrain.

3 Il s’agit de Jean Marie Roland la Platière 1693-1747, père de JM Roland de la Platière, futur ministre girondin de Louis XVI en 1792


Comme le château du But (partiellement), comme le château d'Arcinges (totalement), le château de Montoux a disparu (après avoir appartenu à Valence de la Minardière). Restent  des traces de murs et le site au hameau de Montout à St Vincent de Reins (photo mars 2019)