Le But, un château à l'abandon

Afin d’instruire le procès* entre les héritiers de Marianne Rollin comtesse de Chauffailles, des scellés avaient été posés aux châteaux d’Arcinges et du But. En février 1730 le lieutenant de premier ordre Antoine Claude Destre procède à la levée des scellés et c’est l’occasion de faire l’inventaire de ce qu’ils contiennent en présence d’Antoine Certelon marchand de Chénelette caution du seigneur Cézard Rolin de Montoux****, d’Anthoine d’Amanzé fils de feue la dame Rolin et de deux marchands  sexagénaires de Mars, Louis et Mathieu Dessertine chargés de l’évaluation des biens. Sans oublier le greffier, Suchel commis greffier.

 

Si le contenu d’Arcinges montre un château certes rustique mais habitable, celui du But laisse voir nettement l’abandon des lieux depuis que le fief est passé sous la dépendance des seigneurs d’Arcinges ; mais on parle toujours de château pour un bâtiment qui paraît assez modeste. Les opérations d’inventaire commencent le matin à 7 h (heure ancienne soit au lever du jour), s’arrêtent un peu avant midi et reprennent à 2 heures.

 

A Arcinges on y a trouvé parmi les 160 articles une malle et un cabinet  remplis de papiers dont certains concernent le But :

 

-une liasse contenant 7 pièces qui sont des petits cahiers de recettes de la rente du But appelée Montruchet***

 

- d’anciens baux sans valeur

 

-une liasse de 12 pièces dont la première est l’affranchissement du fief du But faite par le seigneur d’Arcinges, et les autres des traités et copies d’iceux faits entre les dits deux seigneurs de peu de valeur

 

-une liasse de 17 pièces concernant de vieux acquets et échanges de fonds dépendant du dit But

 

-une liasse de 17 pièces concernant la pension due au But

 

-un bail à ferme passé par ladite dame à Claude Desseignes du domaine Chezelet dépendant du But par acte reçu ledit Maître Besson** du 9 juillet 1726

 

-un bail à culture passé à Philibert Grapeloup des réserves du château du But du 9 juillet 1726, par acte reçu Maître Besson**.

 

-sept quittances du sieur curé d’Escoches de la refonte qui lui est due sur la dixme du But, la dernière étant du 5 janvier 1728

 

-une transaction entre Étienne Poncet et autres pour le seigneur du But

 

-l’acquisition du fief du But par la dite dame et les réparations qu’elle y a fait.

 

 

 

Puis le samedi 25 février toutes ces personnes ont rendez-vous à 7 heures du matin au But.

 

On rentre d’abord à la cuisine où « au foyer d’icelle s’y est trouvé deux chenest avec une clémaillère (sic) estimés 6 livres » puis une pâtière sous une table avec ses deux bancs en bois estimés 8 livres ; dans la pièce à côté  une petite table ronde avec son tiroir en menuiserie, un mauvais bois de lit de bois mêlé sans aucune garniture si ce n’est de 3 tringles de fer le tout estimé 5 livres.

 

puis « Perquisition faite dans tous les bas du château ne s’y est trouvé aucune chose »

 

« Delà nous sommes montés au 1er étage et perquisition faite de tous les appartements après avoir levé nos sceaux qui avaient été apposés, sceaux reconnus sains et entiers et iceux levés ne s’y est trouvé aucune chose si ce n’est au lardier où il y a deux contre feu de terre et une table bois sapin sans pied le tout estimé 2 livres »

 

« De là nous sommes montés dans les greniers où nos sceaux avaient été apposés.....et où ne s’y est trouvé aucune chose si ce n’est dans le grenier sur la salle un grand coffre à l’antique ouvrant à deux volets l’un étant détaché et l’autre sans serrure le tout usé et presque pourri estimé 2 livres »

 

« De là nous sommes allés au fenailler dudit château fermé par  des chaix du côté de la cour où est une cuve tirant environ 20 pièces de vin et cinq vieilles bennes estimé 50 sols soit 2 livres 10 sous »

 

C’est à ce moment qu’arrive la pause de midi ; on ne peut pas dire que le rendement était extraordinaire mais c’était une époque où l’on savait prendre son temps. En tout cas ce château vide fait un peu penser à celui imaginé par Théophile Gautier pour le capitaine Fracasse...

 

A deux heures ils se transportent « dans le fournil dudit château du But où nous avons trouvé Philibert Grapeloup qui nous a dit qu’il y fait sa résidence comme granger et cultivateur des réserves dudit château du But » lequel affirme main levée...  « n’avoir ni ne savoir aucun meuble dépendant de la succession dont il s’agit, déclare seulement pour la culture dudit domaine des bestiaux bovins jusques au sort et chetail de 300 livres, et quinze brebis teste par  teste et 55 ou 56 mesures bled seigle pour essement à celle de Charlieu. Nous estant fait représenter lesdits bestiaux, ils consistent à 2 bœufs, 2 touraux, 5 vaches et 4 suivants, que les dits experts ont estimé 280 livres. Il n’y a que 9 brebis teste par teste que le tout a été délaissé audit Grapeloup qui s’en est chargé »

 

«  Delà nous nous sommes transportés au domaine près ledit château du But où nous avons trouvé Estienne Dezigaux le fermier d’icelluy qui nous a affirmé main levée...n’avoir ou ne savoir aucun effet de ladite succession, que ladite ferme lui a été passé par Maitre de la Colonge***** notaire royal ... par ladite feue dame Rolin au prix de 150 livres par an laquelle ferme il est chargé de 220 livres de bestiaux à robes et 9 brebis à têtes. Et pour essement 65 mesures bled seigle que le tout je rendrai à la fin de ferme.. »

 

«  De là nous nous sommes transportés au moulin dudit But où nous avons trouvé Pierre Lacoste fermier d’icelluy qui nous a dit que le prix de sa ferme reçu Maitre Besson** notaire royal  sous sa date est de 50 livres par an, qu’il est chargé d’une presse de fer et 3 marteaux pour le moulin le tout représenté aux experts et par eux estimés 40 sols (2 livres).

 

Le battoir est garni de ses essieux et boesttes de fer, la vis du pressoir de sa chenille de fer, la casse de fonte et l’arbre lié sur la dernière d’un lien de fer ... »

 

puis ils sont allés au domains Chezelet .. »Nous avons trouvé claude Desseigne fermier d’icelluy qui nous a dit que le prix de sa ferme est de 140 livres par an par acte reçu ledit Besson, et pour essement qu’il est chargé de 80 mesures bled seigle, pour bestiaux à robe 200 livres et 12 mères brebis et affirmé n’avoir aucun autre effet.. »

 

ainsi se termine la journée du samedi ; rendez-vous est donné pour lundi 7 heures à Arcinges pour examiner le cas de domaines que Marianne Rollin possédait à Ranchal, Mardore, etc.

 

On apprend aussi que les concierges des deux châteaux sont François Plasse et Musset

 

* Cézar Rolin réclamait les « fruits et revenus du fief du But » en héritage car Marianne (ou Marie Anne) Rollin -sa tante- les avait achetés directement à Claude Vaginay, donc ne venant pas des d’Amanzé ; le fils de  la dame, Antoine, demandait quant à lui tout l’héritage. Il gagnera pour le But mais pas semble-t-il pour Mardore, Ranchal, etc. que la dame avait reçus de ses parents Jean Rolin de Montoux et Anne Charreton. Dans cette affaire d’héritage d’autres personnes sont parties prenantes comme feu le  sieur Dessauge curateur d’hoierie ou comme le notaire Boisson de Belmont agissant pour le comte de Chauffailles, etc.

 

**Maitre Besson est un notaire de Saint Vincent de Reins d’où était originaire Marianne Rolin

 ***Ailleurs il est dit que l’ancien fief de Montruchet avait été uni à celui du But. Quand ? Et où se trouvait ce fief ? Certainement sur le territoire de la paroisse d’Écoche puisqu’on ne connaît pas de droits du But en dehors de cette paroisse ; sans doute petit fief médiéval très proche du But avec un lieu-dit légèrement en hauteur (Mont-Ruchet ou peut-être Mont-Truchet) mais la question reste entière..

 ****Cézar aurait dû être là à 7 heures le 18 février 1730 car il avait reçu une convocation le 15 par de la Coste huissier royal et on attend 9 heures pour être sûr de son absence constatée par Dubost procureur d’office.

*****sans doute Jean Delacolonge notaire de Coublanc, juge de Mars

 

Noble Marianne Rol(l)in est née le 17 mai 1646 au château de Montout à St Vincent de Reins ; elle épouse le 14 août 1670 Jacques d'Amanzé qui la laisse veuve dès 1979 ; elle réside entre 1670 et 1703 principalement au château de Chauffailles →

puis ensuite au château d'Arcinges où elle meurt en 1729.

Plans des châteaux en 1811 ↑ 1829 → et 1833↓