On dispose de l’enquête parlementaire de la fin du second empire (1870) sur les industries textiles du coton en France. Les dirigeants des plus grosses maisons établissent un rapport sur la situation de leur entreprise. Ainsi nous disposons du rapport de la société Glatard. Cette société est dite Glatard frères, Écoche. Cela signifie que le siège social est sans doute au château des Seignes, alors que les bâtiments de la filature sont situés sur la commune de Saint Igny de Roche, à Cadolon. La dénomination Glatard frères existe depuis la fondation avec les deux frères Pierre-Marie, le véritable créateur et Étienne. Puis les enfants ont sans doute chacun des parts et certains sont dans le staff même s’il apparaît que le véritable patron est François Glatard, qui demeure aux Seignes et qui est maire de sa commune Écoche et conseiller général du canton de Belmont, donc dans la Loire.

Vers 1870 les autres membres de la famille Glatard -dont on ignore quelle est leur part respective dans le capital - sont alors principalement les frères et beaux-frères de François : Julien négociant filateur demeurant à Cadolon près de l’usine ; Benoît-Paul lui aussi habitant à Cadolon, négociant filateur. En revanche la sœur de François épouse un soyeux lyonnais (rue Sainte Hélène) Michel Roux dont la sœur est aussi mariée à Julien Glatard et dont le fils est le filleul de François. Si le capital reste donc entre les mains de la famille, il finit par être trop divisé, ce qui nécessita la vente de l’affaire en 1892.

Grâce au rapport on apprend un certain nombre de faits, après des débuts convenus, passage obligé de tous les  entrepreneurs qui se plaignent des prix de revient trop élevés et des prix de vente trop bas et parlent de crise.

Les filatures de coton de Cadolon sont «  les seuls établissements de cette nature dans la circonscription » (le territoire de la chambre de commerce de Roanne). Ces filatures ont néanmoins perdu de leur superbe puisque 10 ans plus tôt elles comprenaient 9 usines pour un total de 43 500 broches, ce qui était considérable ; en 1862 15 0000 broches ; en 1870 il ne reste que 2 usines pour seulement 10 000 broches. Cela représenterait un total 4.5 fois moins important. Pourtant le parc des machines a été renouvelé et « ramené aux meilleurs systèmes connus » sous-entendu de type moderne et sans doute anglais. Pour faire fonctionner ces deux usines, Glatard frères emploie 90 ouvriers seulement (50 hommes, 20 femmes et 20 enfants aux salaires différents). On remarque que l’emploi à Cadolon est très majoritairement masculin, les femmes ne représentant que 22% de la main d ‘œuvre. Cependant ne semblent pas être comptabilisés les cadres et employés, notamment les contremaîtres. Un fils d’Étienne Glatard est dit voyageur de commerce -en 2023 on parlerait simplement de « commercial »

Pour les travailleurs de la filature, la journée est encore de 12 h, soit des semaines de 72 h pour certains. Salaire journalier des hommes : 2.50 à 3 francs, 90% gagnant à la tâche  2,75 francs. Pour les femmes la journée peut aller de 1.75 à 2.25, majorité à la tâche pour 2 francs. Pour les enfants la journée rapporte entre 1.25 et 1.75, majorité à la tâche pour 1 franc 50. Ces travailleurs pour beaucoup résident à Saint-Igny-de-Roche dans le quartier des filatures, originaires d’un peu partout y compris d’Écoche mais aussi d’Italie en nombre. Ils sont fileurs (et non filateurs, terme réservé aux maîtres), bimbrocheurs, dévideurs, débourreurs mais aussi aiguiseurs, mécaniciens, etc.

Les filatures de Cadolon produisent ainsi  chaque année 150 tonnes de filés de coton ; les débouchés sont les tissages des environs : « le tissage à la main existe seul dans la localité ; il y a dans un rayon de 10 km environ 5000 métiers répartis au domicile de chaque tisseur ». Mais aussi des usines de tissage par exemple à Chauffailles ou Belmont voire au-delà.

Il y a deux sources d’énergie : pendant six mois c’est l’énergie hydraulique qui est utilisée, en provenance de l’étang qui barre la rivière Aaron. Amenée par des conduites forcées (en partie encore visibles, rouillées et délabrées en 2023) l’eau fait tourner trois moteurs pour un total de 100 CV. Pendant les 6 mois d’étiage, c’est la houille qui prend le relais, en provenance de Saint-Etienne et qui actionne 3 machines à vapeur fournissant aussi  100 CV. L’avantage des filatures de Cadolon par rapport à la concurrence régionale provient clairement de son barrage puisque le coût de l’énergie hydraulique revient à l’année à  10 000 francs contre 45 000 francs pour la vapeur. Mais les filés en provenance d’Alsace ou du Nord restent encore très concurrentiels. On peut penser que la perte de l’Alsace dans l’année suivante a permis de pérenniser la filature pendant quelques années du moins. D’autant que François Glatard a délégué dès 1865 la direction de la filature à Georges Rengli originaire du Haut-Rhin puis au cours de la décennie 1880, la direction des filatures fut assurée par Karl Weibel originaire de Guebwiller. Weibel resta directeur lorsque la filature en 1892 est vendue à Forest-Deschamps.

 

Enfin la matière première (coton) provient des colonies, soit d’Amérique, soit d’Inde et transite par le port du Havre.