Dans les archives Vichy numérisées par Claude Franckart, à la référence 392 02, on trouve une série de reconnaissances (pour une « égalation », terme
désignant en gros une mise à jour) malheureusement partielles : le censier commence au feuillet 41 et s’achève au feuillet 78 ; le reste est sans doute perdu. Les pages sont parfois
déchirées dans le coin supérieur ; quelques lignes manquantes ; l’encre a parfois transpercé le papier, etc. la lecture n’est pas toujours aisée. Ce document n’est pas daté mais des
indices permettent de le situer dans la première moitié du XVIIème siècle. Tous les tenanciers dépendent du seigneur d’Arcinges et leurs tenures sont toutes situées sur le versant
exposé à l’ouest au-dessus de la rive droite du ruisseau aujourd’hui dénommé le Pontbrenon, entre Laval et la croix de la Fin. On n’utilise pas le terme de village mais pour désigner les hameaux
celui de « maisons » : Laval, Fillon, Fonteret, l’Ardillat sont ainsi les villages de l’époque ; le crot du Bost ne semble qu’un lieu-dit servant de repère, ce qui pourrait
confirmer l’hypothèse de crot pour croix, mais le masculin s'expliquerait mal : gardons donc l'origine qui relie crot à un terrain rocailleux (et rien à voir avec creux que parfois, par
proximité, on a employé à l'oral).
Si la plupart des toponymes (microtoponymes) ont aujourd’hui disparu, on retrouve néanmoins -et c’est ce qui permet de délimiter l’espace - le treyve de l'Orme (actuellement croix de l'orme), le treyve André, la croix de la Fin, etc. mais aussi la Guinchery que l’on a pour la première fois dans un document écrit, confirmant la tradition orale. On trouve aussi un chemin tendant du crot de Loupt aux Ancenaux : voilà notre Cret Loup d’aujourd’hui, sans doute inhabité ou presque à l’époque ?
Le patronyme des tenanciers n’est pas toujours précis et pour les distinguer on donne le surnom provenant du lieu de résidence. Inversement un lieu-dit peut provenir de ceux qui y habitent. Et en-dehors des tenanciers qui font l’objet de cette reconnaissance, d’autres habitants apparaissent dans les parcelles limitrophes. Chaque parcelle fait l’objet d’un article et pour ce territoire très limité il n’y a pas moins de 220 parcelles (or ce n’est pas complet). On a donc un morcellement extrême. On a fait le relevé systématique (nonobstant les cens et servis peu lisibles) de la reconnaissance d’ Anthoine Fonteret dit Fillon car c’est celui qui possède le plus d’articles. Mais ce n'est pas lui qui a la plus grande tenure totale. Voir le tableau en PDF ci-dessous. Cela nous donne une bonne idée de l’utilisation du sol : peu de prairies, beaucoup de terres cultivées, quelques parcelles de bois. Donc un élevage alors réduit ce qui ne permettait guère la fumure sauf dans les verchères, donc des rendements médiocres. Intéressant aussi : beaucoup de parcelles sont indivises ou partagées ; beaucoup de parcelles également voisinent avec les mêmes autres tenanciers. Cela peut indiquer deux choses : 1-il pourrait y avoir eu des sortes de communautés familiales un peu comme dans les monts de la Madeleine, ce qui expliquerait aussi la dénomination en « maisons » mais en l’absence de toute documentation cette hypothèse reste difficile à vérifier. Même si on trouve "les consorts* Bosland". 2-Sans parler de rotation des cultures, on peut penser que chaque petit terroir correspond à un type de céréales (avoine ou seigle, rarement froment) ce qui expliquerait qu’au même lieu on trouve des parcelles pour presque toutes les familles. Enfin on note l’absence de vigne ou de chenevière (à une exception près à Laval), à la différence d’autres documents concernant plutôt la Quichère ou le nord de la paroisse. Parmi ceux qui ont des tenures dans cette partie de la paroisse d’Écoche quelques habitants d’autres paroisses : honneste Jacques de Sirvinges**, d’une famille de bourgeois de Charlieu et Sevelinges ; Me Pezeau notaire d’Arcinges ; Hugues Barriquand demeurant au hameau Philibert de Belmont mais peut-être ayant épousé une héritière de Laval ; Messire Estienne Dessertine, peut-être un prêtre ? La présence de ces « bourgeois » au moment de l’égalation de cens indique le début d’une sorte d’individualisme agraire, et comme le dit une historiennne « ce qui revenait à favoriser l’apparition de propriétés indépendantes et à renforcer la notion de patrimonialité de la tenure roturière. » in Josette Garnier, Bourgeoisie et propriété foncière en Forez aux XVIIe et XVIIIe siècles
* Serge Dontenwill évoque les consorteries dans Aspects de la vie quotidienne et de l'organisation sociale des communautés paysannes du centre sud-est de la France au temps de Louis XIV (1638-1715) in revue Dix septième siècle 2007/1
**Vers 1610, Jacques de Sirvinges est tuteur des héritiers de Pierre de Sirvinges
L’intérêt de ce document est aussi de confirmer l’existence dans ce secteur de deux moulins : l’un déjà plus ou moins abandonné (mais qu’on repère encore sur le cadastre napoléonien) dit Girolet et situé en dessous du village Fonteret. Il appartient alors à Benoist Fonterest. L’autre appartient à Me Pezeau et serait vraisemblablement le moulin qui fonctionna jusqu’au XXème siècle, dit « au meunier blanc ». nous retrancrivons les deux articles ici :
Pour le « meunier blanc » article22 feuillet 55 « Un pré et moulin ensemble tenant, écluse et aisance d’icelui situé audit lieu appelé des Soignes contenant au pré la saigne de six charretées de foin jouxtant la terre de Benoist Fontimpes qui fut dudit Reverchon de cette égalation de matin, le bois de Guillaume Fonterestz de midi, le bois taillis et vernaie du confessant de soir et bise »
Pour le moulin Girolet article1 feuillet 66 « Un pré et terre ensemble tenant appelé le pré....de la planche et la terre anciennement des Agay dans lequel pré soullait avoir un moulin et écluse appelé le moulin Girollet et... ... des chenaux situé audit Escoches et au tenancier Fonterestz et par lui acquis de Claude et Guillaume Fonteret, contenant ledit pré la saigne de huit charretées foin et ladite terre la semence de quatorze mesures jouxtant le chemin tendant des maisons Fillon à la croix de la Fin de matin et midi, la terre commune appelée du Chevenon indivise entre ledit Pezeau, Benoit Reverchon et Guillaume Fonterestz aussi de midi, la terre de Bertillot de bise, les prés et terre de Messire Estienne Dessertine de bise et soir »
Entourée d'un trait bleu, la zone concernée
Il est difficile à partir d'un tel document, qui, plus est, partiellement conservé et pas toujours en bon état, d'être précis sur l'occupation de l'espace, néanmoins on peut par recoupement et extrapolation donner quelques indications :
-la densité du peuplement paraît assez faible, plus faible ici que dans les secteurs de la Quichère ou de Chizalet ; en effet on a seulement cinq groupements de maisons et apparemment peu d'écarts habités : 1-les maisons Laval autour de deux familles d'ailleurs alliées : les Auvolat (graphie Auvollat), les Delacroix-de Laval, ce qui peut sans doute correspondre à un maximum d'une quinzaine de personnes ; 2-les maisons Fillon dont une partie (les Bosland) se trouvaient dans les feuillets disparus ; là aussi une quinzaine de personnes ; 3-les maisons Fonteret : un ou deux feux représentant environ 10 personnes ; 4-les maisons Ardillat, sans doute moins concentrées avec cinq à six feux soit peut-être 20 à 25 habitants ; 5-enfin le groupe Guyot-Girolet correspondant à l'ouest de Fonteret tout au plus deux feux pour environ 8 à 10 personnes. En gros on aurait autour de 60 habitants sur une superficie qu'on peut estimer à 3 km² environ, soit en moyenne 20 h/km².
-le fait qu'un certain nombre de parcelles soit aux mains de "bourgeois" extérieurs au territoire révèle que ceux-ci ont dû profiter de l'endettement des habitants (nombreuses obligations relevées par ailleurs dans les comptes de De la Ronzière) lié à de mauvaises récoltes et à la difficulté à payer le cens, les servis, au poids de la dîme aussi.
-Une population pauvre aux méthodes culturales traditionnelles sur des terres rendues peu fertiles par la présence de pierres (voir les toponymes) ou au contraire d'eaux stagnantes le long du ruisseau (les soignes...). S'il y a quelques verchères aux meilleurs rendements, on ne trouve ni vigne ni chenevière ; sur ce secteur, apparemment au XVIIe, pas d'appoint par le textile.
-Néanmoins rien n'est fixe et on peut deviner quelques changements. Dans les marges du document, quelques années plus tard ont été inscrits pour certaines parcelles les noms des nouveaux tenanciers : des bourgeois comme Moreau de Charlieu, Deschezeaux d'Écoche,.. ou d'autres familles. Il est remarquable que la plupart des patronymes ici notés disparaissent par la suite de ces hameaux. Des changements aussi dans l'affectation de certaines parcelles, notés par l'expression "qui soullait être...". ainsi, une ancienne étable est détruite sur une parcelle de Pezeau, preuve de la disparition d'une microtenure ; un moulin sans doute de faible activité est abandonné, etc. Il est possible aussi que ces modifications soient liées aux malheurs du temps. La présence ici parmi les tenanciers de Jacques de Sirvinges -qu'on retrouve par ailleurs en tout début du XVIIème sous le règne d'Henri IV- amène à penser à une date haute pour cette égalation et donc à la fin des guerres dites de religion ; celles-ci ont entraîné des dégâts dans la région en raison des troupes de ligueurs combattues par les royalistes. Il y aurait même eu des combats aux alentours de la croix de la Fin.
- On comprend aussi la localisation des "maisons" : contre un versant, à l'abri du vent du nord qui s'engouffre dans le vallon et près d'une source. Aujourd'hui encore Laval ou Fillon bénéficient d'une exposition meilleure que le Crot du Bost, visiblement pas encore habité au XVIIe.
-Le seigneur d'Arcinges qui prélève les cens et servis semble peu présent foncièrement sinon sur les hauteurs où il est le seul à posséder une forêt au lieu d'un bois. Pezeau -qui est à son service possède quant à lui un bois de haute futaie. Tous les autres bois sont soit du taillis soit un mélange d'arbres et de broussailles.
-Les chemins ici sont parfois qualifiés de sentiers ou de chemins d'aisance et ne sont là que pour la desserte locale. Pas de grands chemins comme celui de la Quichère ou du But. Un secteur un peu enclavé? Peut-être.
-Le paysage enfin devait être assez différent de celui de nos jours : pas de pins douglas évidemment mais peu de haies aussi, peu de priairies.
Le cas de Hugues Pezeau est sans doute particulier ; on sait que c'est un Pezeau qui établit le terrier du seigneur d'Arcinges. Peut-être a-t-on affaire ici à un parent mais plus surement à lui-même. La "propriété" qu'il possède sur la paroisse d'Écoche est d'importance, du moins par rapport aux autres tenures. Voici le relevé du premier article :
« Premièrement une maison, grange, cellier, chambre au dessus, cour, aisance, jardin, terre, verchère et verger le tout ensemble tenant situé en la paroisse d’Escoche et au [terrier] Fonterest contenant la dite maison cour et aisance une mesure de semaille et en terre et verchère tant froment que seigle la semence de trois mesures jouxtant la maison cour et aisance dudit confessant par lui acquise dudit Benoit Reverchon de cette égalation de matin la maison dudit Reverchon de soir le jardin et verchère dudit Reverchon aussi de soir, le chemin tendant des maisons dudit confessant aux maisons Fillon de matin autre chemin tendant des maisons dudit confessant auxdites maisons Fillon de midi et soir, et la terre dudit confessant qui fut du ténement Girolet ci-dessus confiné de bise »
Article 2 : terre de 60 mesures
Article 3 : une plasse, jardin, verchère : 2 mesures, pré : 8 charretées de foin
Article 4 : pré de 15 charretées de foin, bois 4 mesures
Article 5 : pré de 4 charretées de foin, bois 6 mesures
Article 6 : terre de 6 mesures
Article 7 : terre de 15 mesures
Article 8 : terre de 4 mesures
Article 9 : terre de 10 mesures
Article 10 : terre de 4 mesures (sur Arcinges)
Article 11 : bois de haute futaie chêne 20 mesures
Article 12 : terre de 6 mesures
Article 13 : une terre de 20 mesures (pour 1/3 = environ 7 mesures)
Article 14 : une terre de 4 mesures (pour 1/3 = environ 1 mesure)
Article 15 : terre et bois de 15 mesures (pour 1/3 soit 5 mesures)
Article 16 : terre de 12 mesures
Article 17 : terre de 6 mesures (pour 1/3 soit 2 mesures)
Article 18 : verchère de 1 mesure
Article 19 : terre de 3 mesures
Article 20 : terre de 5 mesures
Article 21 : chambre, étable au-dessous, cour aisance : non évluée
Article 22 : le pré, moulin, écluse pour 6 charretées de foin.
Article 23 : bois, 8 mesures
Article 24 : terre de 6 mesures
Article 25 : terre, 4 mesures (sur Arcinges)
Article 26 : terre,1 mesure
Article 27 : terre,6 coupes
Article 28 : pré 2 charretées de foin.
Soit au total : champs en culture, presque 160 mesures (dont 3 en verchères ou jardins) ; prairies, 35 charretées de foin ; bois 39 mesures, dont 20 en chênaie. Une « propriété » en mesures d'aujourd'hui de 30 hectares* environ (terrains, et plusieurs bâtiments). C’est un exemple de grand propriétaire à l’échelle d’Écoche, où il ne résidait pas forcément. Il est probable qu’il avait un granger. Cette étendue lui permet de faire de l’élevage et d’avoir des verchères à meilleur rendement, mais aussi un bois de haute futaie. Il est difficile de savoir si cette propriété fut dispersée à la mort d’Hugues Pezeau par ses héritiers mais cela est possible car, d’une part au 18ème siècle, on ne trouve plus de Pezeau dans les registres paroissiaux et il semblerait que les parcelles soient passées à divers autres tenanciers si l’on en croit les marges du document : le veuve Anthoine Auvolat, Destre (après passage par Bertillot), Chetail et son gendre Delaroche, Godfroy Bosland, Madame Destre, le sieur Moreau de Charlieu et son gendre...
Bref une tenure atypique vraisemblablement acquise d'autres tenanciers comme il est dit dans l'article 1 : acquis de Benoit Reverchon ...qui continue d'avoir une petite tenure à côté.
*On estime qu'une mesure de Charlieu équivaut à 11,40 ares (J Déchelette cité par Serge Dontenwill), un coupe à 3 ares et une charretée de foins à 20 ares (minimum)
Donc dans la zone concernée, possèdent des terres au tout début du XVIIème les feux ci-dessous (17 tenanciers trouvés dans cette partie de l’égalation plus les tenanciers des terres voisines, parfois en indivis entre eux) : 42 feux dont 6 résident apparemment dans un autre secteur d’Écoche et 14 dans d’autres paroisses.
Paroisse d’Écoche |
Autres paroisses |
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Maisons Laval |
Maisons Fillon /Bosland |
Maisons Ardillat |
Maisons Fonteret |
Maisons Guyot/ Girolet |
Autres hameaux |
Arcinges |
Belmont |
Autres |
Michel de Laval
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Anthoine Fonteret dit Fillon
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Claude fils de Jeanne Ardillat
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Benoit Reverchon dit Fonteret
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héritiers de feu Estienne Delorme dit Girolet |
Demoiselle Bonne veuve Destre
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Me Hugues Pezeau
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Hugues Barriquand dit Philibert
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Honneste Jacques de Sirvinges
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Françoise Auvolat veuve de Claude Delacroix dit de Laval
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Claude Bosland l’aîné
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Jean de Fontimpes dit Ardillat
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Guillaume Fonterest
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Catherin Jonard dit Girolet
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héritiers de Me François Destre
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Anthoine Patura
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Le seigneur d’Arcinges (d’Amanzé-Chauffailles résidant dans sa grosse demeure du bourg de Belmont) |
Héritiers de feu Me Pierre de Sirvinges
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Benoist, Mery, Benoiste et Jeanne enfants et héritiers de feu Claude de Lacroix, nièces de Benoist Auvolat |
Claude Bosland
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Paul de Fay dit Ardillat
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Benoist Fonterest
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Lyvonnette veuve Noël Mercier dit Girolet
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Bonnet Pramieux dit Forest
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Jean Roux
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Claude Philibert
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Messire Estienne Dessertine (curé d'Arcinges?)
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François Auvolat
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Hugues Bosland
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Marie et Alix filles de feu Estienne Ardillat |
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Anthoinette et Benoist de Fontimpes dit Girolet |
Simon Deschezeaux
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Me Jean Thevenard
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Clément de la Font
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Antoine Villot
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Benoist Auvolat dit de Laval
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Claude Ardillat
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Jean Deschezeaux
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François Mochier
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Claude R dit Ardillat
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François Cuisinier dit Forest
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Claude Fagot dit Bolion
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Paul de Fay dit Ardillat
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Benoist Bertillot
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Antoine Fagot dit Bolion |
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Claude Ardillat
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Hugues des Brosses dit Bertillot |
Claude Vermorel dit Patura |
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Clément Ardillat
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Vincent [Mercier] dit Galichon |
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Essai de synthèse :
Dans une partie de la paroisse d’Écoche, en gros le quart sud-ouest, d’une superficie de 3 à 4 km2, vivait au début du 17ème siècle une population d’environ 60 à 80 personnes. Tous vivent du travail de la terre. Néanmoins une partie non négligeable des tenures est aux mains de familles extérieures à ce territoire : quelques familles des hameaux voisins mais aussi quelques « propriétaires » d’Arcinges, de Belmont voire de Charlieu, appartenant à une petite bourgeoisie rurale naissante ou au monde des notaires, greffiers...
La superficie, somme toute importante, de chaque tenure peut s’expliquer par la faiblesse des rendements sur des terres soit trop pierreuses, soit trop marécageuses, soit trop pentues, sans compter à l’époque un climat un peu rude (moyenne de l’altitude de ce secteur : environ 550 m). On y cultive quasi exclusivement des céréales : avoine et seigle, exceptionnellement du froment. Et s’il existe de l’élevage indiqué par la présence de petites étables, celui-ci reste peu important et donc peu fournisseur de fumure sauf peut-être pour les verchères. Pour cet élevage, outre les prairies à foin, il existe sur les hauteurs des pâquiers où, semble-t-il, les troupeaux d’un même village vont paître ensemble. Il ne semble pas que les champs soient séparés par des haies.
La question de la propriété de la terre est plus complexe et la période paraît connaître quelques évolutions. En premier lieu le seul véritable propriétaire est le seigneur d’Arcinges ; selon le droit médiéval qui perdure, on disait que le seigneur avait la propriété éminente (dominium directum), le censitaire ayant la propriété utile (dominium utile) ; c’est l’objet de ces reconnaissances : les tenanciers reconnaissent les cens et servis qu’ils doivent pour la terre qu’ils exploitent et ces reconnaissances précisent les références du terrier, ce qui maintient les cens au niveau antérieur. En outre le seigneur d’Arcinges possède en pleine jouissance des parcelles principalement de bois ici sur les hauteurs. En second lieu, il est beaucoup question d’héritiers : veuves et enfants notamment, ce qui signifie que la terre est transmise par héritage, moyennant quelques droits de lods au seigneur. Mais en outre les parcelles peuvent être achetées par des personnes extérieures à la contrée (mais aussi par des voisins plus en réussite) ; comment ? sans doute par le rachat des dettes que les paysans doivent au seigneur (obligations) pour retard dans le paiement du cens par exemple. C’est ainsi que naît une sorte de propriété bourgeoise individuelle voire un marché des terres. Cependant, a contrario, beaucoup de parcelles sont « partagées », y compris avec la propriété bourgeoise. Ces parcelles partagées sont de trois types : 1-parcelles indivises entre héritiers ; dans ce cas on imagine qu’elles seront tôt ou tard réparties entre les ayant-droit ou reprises par achat par un tenancier plus riche extérieur ou non. 2-Parcelles divisées en deux, trois ou quatre, ce qui suppose un travail agricole coopératif, soit par rotation soit par répartition. 3-Parcelles communes à tout un village (hameau) : terres dites de ceux de l’Ardillat par exemple ou terres des consorts Laval,... Cette troisième catégorie peut correspondre au maintien d’une tradition d’exploitation en commun (on écrit parfois terre commune). S’agit-il d’une simple pratique culturale commune ou bien de la trace de l’existence de véritables communautés familiales, comme pourrait le laisser entrevoir la dénomination des villages, appelés ici les maisons Laval, les maisons Fillon, les maisons Ardillat, les maisons Fonteret, etc.