Maisons vacantes.

En 1931 (vaguement) puis en 1936 (clairement) l'agent recenseur note les maisons vacantes (38 en 1936). En réalité, la diminution de la population ayant commencé un demi-siècle plus tôt, et dans des proportions importantes, il est probable que ne sont notées que les maisons encore en état d'être habitées. Si l'on prend les chiffres de l'INSEE, entre 1866 et 1936 la commune aurait perdu 64,3% de ses habitants (les chiffres officiels de l'INSEE curieusement ne correspondent pas exactement avec les relevés des recensements mais l'ordre de grandeur est le même).

Que devenaient au fil du temps ces maisons vacantes? Plusieurs cas :

-Certaines se sont purement et simplement écroulées après la mort de leur dernier occupant. Des ruines étaient déjà là dès le début du XXème siècle : maisons moins solides en torchis (il en existait toutefois encore une debout en 1965 à la Forest) ; maisons trop petites pour avoir été partagées lors de successions antérieures ; maisons trop isolées comme dans le Haut Bertillot où il n'en reste plus qu'une seule. Ces maisons modestes n'avaient aucun confort, ni eau courante, ni électricité. Plus tard d'autres maisons furent écroulées pour soit niveler le sol, soit servir de socles à des constructions en parpaings (après 1970) soit pour utiliser les pierres en construction de murets décoratifs ou pour réparation...

-D'autres ont pu être rachetées par des familles restées dans la commune. A l'époque, ce n'était pas un placement puisqu'il n'y avait plus ou presque de demande de logement. Alors pourquoi?  Certains se souviennent de rachats de "bienfaisance" : dans certaines de ces maisons il arrivait que le dernier occupant (ou plus souvent occupante) avait des revenus trop modestes pour entretenir son toit ; la vente même à bon marché pouvait permettre de rester avec l'accord du nouveau propriétaire sans avoir à s'occuper de l'entretien et des réparations. Ainsi furent sauvées quelques bâtisses qui, plus tard (années 1970), ont pu intéresser des Lyonnais , devenir des résidences secondaires puis, la mode des résidences secondaires déclinant, devenir des résidences principales. Ce sauvetage a ainsi servi partiellement de base au redémarrage démographique amorcé à la fin du XXème siècle. Mais certains agriculteurs les rachetaient parfois pour "une bouchée de pain" simplement pour y entreposer du matériel, du fourrage ou y loger quelques bêtes l'hiver, à une époque où les fermes s'agrandissaient, s'équipaient et avant de construire des stabulations. Ces maisons abandonnées n'étaient pas fermées. Lorsqu'un orage se profilait il était facile de s'y abriter sans déranger personne. Les enfants aimaient y pénétrer pour y sentir une odeur de "fantômes", pour y jouer à cache-cache, pour y observer des vestiges de vie : une cheminée, un évier, de vieux récipients usés, parfois même un placard, une table, le tout avec des toiles d'araignées, des fientes de chouette ou de pipistrelle, bref un petit parfum d'aventure!

Aujourd'hui les ruines ont quasi toutes disparu de notre campagne, beaucoup d'anciennes fermes sont devenues de pimpantes résidences. Et dans les hameaux plus mal placés (haut But, haut Berthillot, Goutte Michel, etc.) c'est à peine si on reconnaît au sol la trace de ces maisons disparues (pourtant certaines étaient encore là en 1960 mais vides).

Qui se douterait par exemple que sous ce tas de broussailles se dissimule l'emplacement d'une maison encore debout mais très branlante certes en 1960? (photo de février 2020 au lieu dit "le meunier blanc") En 1931 y vivaient encore Alphonse et Thérèse Perrier, nés en 1861 et 1862, sans doute les derniers occupants puisqu'on ne  retrouve dans le recensement de 1936 que l'épouse née Chavanon ; c'étaient des tisseurs à domicile avec une vache et un petit lopin de terre. Il n'est pas sûr même qu'ils eurent un jour l'électricité.



Il semblerait que la maison ait été construite entre 1861 et 1866, période où effectivement beaucoup de constructions se sont élevées dans les campagnes et singulièrement à Écoche. Cent ans plus tard avant sa ruine définitive la maison en pierres couverte de tuiles creuse présentait un plan carré avec un appentis sur le côté ; sa façade était orientée au sud-ouest. La vue au moment de la construction était sans doute dégagée, les bois sur le versant en face n'ayant été planté qu'un peu plus tard. Elle dominait le lit du Pontbrenon [mais à cette époque personne n'en connaissait le nom ; on disait la rivière du Mouni blan et elle était poissonneuse] et les aménagements hydrauliques du moulin. Elle a dû être construite peu de temps avant la route ( Rd 39) en tout cas à côté d'un chemin aujourd'hui disparu. La parcelle était proche d'une autre maison plus ancienne (visible sur le plan cadastral napoléonien), peut-être en torchis.

Elle a été construite par les parents de Thérèse Chavanon ; après leur mariage Claude Chavanon et Marie Bonnet ont habité quelque temps chez leur beau-frère Claude Balouzet, entre Fonterest et Goutte Michel. Au recensement de 1861, habitent sous le même toit pas moins de 10 personnes : Philibert Balouzet, sa femme Victoire et leurs trois enfants ; Claude Chavanon, sa femme Benoite et leurs trois premiers enfants. Une nouvelle maison était bienvenue. C'est peut-être là que naquit en 1862 Thérèse. Comme souvent à cette époque c'est le dernier enfant à se marier qui reste dans la maison. Thérèse Chavanon épousa un gars des Bruyères (une des maisons les plus proches de la Bûche), Alphonse Perrier, et le nouveau couple s'installa alors à Fonterest sans en  chasser les parents-comme il était habituel alors- en l'occurence le père car la mère était morte en 1887, trois ans avant le mariage. Les époux Perrier-Chavanon vécurent jusqu'à leur mort dans cette maison ; ils y eurent des enfants.  ; Marie Hélène l'ainée partit pour les Bruyères où elle eut  une fille future religieuse qui mourut à Claveisolles dans la maison de sa congrégation (en 1987) ; Charles le second mourut dans cette maison à 24 ans en 1919 (peut-être de la grippe espagnole mais il était atteint de paralysie infantile* et fut exempté de tout service militaire) ; Paul le troisième fut blessé durant la guerre de 14, alla ensuite à Cours travailler chez Poizat puis, devenu  ouvrier agricole "itinérant" habita longtemps à la Quichère avant d'aller mourir (vers1980) à l'hospice départemental de Saint Rambert et Émile le dernier, né en 1901, décédé en 1966 fut valet de ferme chez Morel où il logeait dans la petite tour.  Ces enfants  vendirent la maison (délabrée) avec le terrain à un agriculteur qui dut sans doute réutiliser les pierres...les tuiles servant souvent de "revêtement" sur les chemins, au temps des prestations.

*nom donné à l'époque à la poliomyélite

Sic transit gloria Escochiarum.


Le chemin le plus proche de l'ancienne maison est de nos jours utilisé pour le débardage des grumes.


Depuis la maison, vue aujourd'hui sur le ruisseau et le versant en face, à l'ombre en fin d'après midi (février 2020)