Une tradition pour les travailleurs jadis : manger une soupe pour couper la matinée du travail ; aux champs ou à l'atelier. Avant de partir de bonne heure, par exemple pour faucher, et ce parfois dès 5 h, les matins d'été, on prend un petit-déjeuner (appelé ici déjeuner) rapide et, après quelques heures, entre 8 et 10 selon les circonstances, on prend une soupe, apportée dans une petite gamelle. Ce rite a été peint  -voir une reproduction-  pour les foins. Il a aussi été photographié. Photographie soignée devant un petit atelier du bourg. Cette belle photo nous a été proposée par le petit-fils du garçon présent sur la scène. Qu'il en soit remercié.

Tout le monde sans doute aura reconnu la maison : située à gauche de l'entrée du bourg en venant de Cadolon. Elle était habitée en 1980-2000 par M. et Mme Jolivet, les propriétaires ; avant 1960 l'atelier, légèrement réhaussé, était utilisé par François et Clémence Fayard pour le tissage. Et encore avant, il était une forge. Photographié aussi sur une carte postale, on y voit devant la maison une petite charrue. Car celui qu'on appelait alors maréchal-ferrant plutôt que forgeron avait pour principale tâche de réparer voire fabriquer les divers outils agricoles : charrue, pioche, bêche, etc.  Parfois on parlait aussi de tonnelier, non pas semble-t-il pour fabriquer les tonneaux mais pour réparer les cercles ou les remplacer : on en voit certains suspendus au-dessus de la porte de l'atelier. A gauche d'ailleurs, sur une "barotte", on voit un tonneau ; vu sa grosseur c'est une feuillette ou fillette ; plus petit, on disait un "caquillon", plus gros, une "pièce". Autour de cette feuillette, un vieux cerclage en bois, bois souple d'une branche d'osier peut-être. Si votre oeil est bien perçant, au-dessus du "vigneron", vous apercevrez une fenêtre, c'est celle de la maison occupée en 2020 par la famille Christophe et auparavant par la famille Démurger. Mais qui sont ces Écochois photographiés au début du XXe siècle, vraisembleblement entre 1906 et 1907? Le petit garçon devenu grand'père en a reconnu 14 sur 21.



Et le photographe? Le fils Barriquand, Claudius. Il était alors séminariste à Lyon et pendant un séjour chez ses parents a pris cette photo. Mais c'est aussi lui qui a pris le cliché d'une carte postale éditée alors. La vie de ce Claudius Barriquand a été racontée dans la revue de Coublanc En ce temps là, numéros de 2015 et  de 2019. En effet la famille Barriquand est originaire de Coublanc et retournera y vivre dans quelques années mais l'abbé Barriquand a bien passé son enfance à Écoche.

Il est d'ailleurs curieux et sans doute significatif que les personnes photographiées sur cette photo  appartiennent à des familles qui n'ont fait qu'un passage par Écoche, certes en lien avec des communes proches. C'est que contrairement à des idées reçues, il y avait beaucoup plus de mobilité qu'on le croit, surtout avec l'industrie textile car la plupart des femmes sur cette photo ont, à un moment ou un autre, travaillé dans le secteur textile : dévideuses, tisseuses, ourdisseuses, canneteuses, plieuses, etc.

La famille Paillard partira à Saint-Denis de Cabanne.

La famille Barriquand repartira à Coublanc.

Jean-Marie Déverchère était né à Maizilly et sa femme à Saint Maurice.

Argentine, dont le père était de Sevelinges, se mariera à 44 ans avec un veuf de Belmont.

Claude-Marie Lebretton avait épousé une femme originaire de Chandon ; il est fort possible que ce soit l'inconnue de la photo devant la porte de la boutique.

Benoîte Berthier, née Vadon était, elle, de Mars.


Hypothèses, pures conjectures évidemment, sur les inconnus de la photo :

-la jolie inconnue pourrait être Marie Clotilde Bonnet. Cette jeune fille âgée de 26 ans habite alors avec ses parents dans le quartier ; elle est couturière et à 38 ans, elle finira par épouser le facteur Rousset, de 9 ans son aîné. Elle est la nièce de Julie Bonnet, restée connue par son surnom de Belle Julie. Si c'est bien elle, elle meurt âgée en 1962 et on parlait alors de la "mère Rousset". Après son mariage, le couple Rousset-Bonnet vécut au But, là où s'était trouvée la fabrique de soieries des Paillard et là où la famille Bonnet avait transformé la moulin en scierie. Ce qui tend à montrer des liens entre toutes ces familles, au moins autour du moulin du But

-le jeune homme à la moustache pourrait être Élisée Plasse, noté dans le recensement comme ferblantier?? A moins que ce soit Joseph Barriquand, revenu en vacances du Canada?? Voir ci-dessous et la rubrique sur les trois fils Barriquand.

-la dame derrière Francine Déverchère pourrait être la mère du facteur Rousset  venue de St bonnet-de-Cray pour suivre son fils nommé facteur-receveur à Écoche. Ou la mère d'Argentine Déchavanne. L'une ou l'autre étaient alors des voisines.

-le jeune couple : il se pourrait que ce soit Jean-Baptiste Duperron, originaire de Belmont, 27 ou 28 ans au moment de la photo et maréchal-ferrant, qui aurait donc pu travaillercomme ouvrier chez Barriquand. Il "fréquentait" à l'époque Henriette Tissier qu'il épousa en 1908. Or Henriette Tissier était une voisine, la fille d'un boulanger d'Écoche déjà décédé.


On peut se demander pourquoi la mère Barriquand est la seule à porter un chapeau. Il aurait fallu être là pour le savoir, mais on peut chercher à comprendre.  Et les deux bouteilles qu'elle a sur ses genoux sont peut-être un indice. A l'époque où il n'y avait pas de réfrigérateur, on avait coutume d'envelopper les bouteilles de vin ou d'eau dans un torchon humide pour les garder au frais. Elle pourrait être allée chercher dans l'épicerie Tissier deux bouteilles de vin pour ses "hommes" (patron et ouvriers) et pour cela couverte d'un chapeau comme les femmes le faisaient habituellement ; autre possibilité : elle revenait de la messe matinale à laquelle son fils séminariste l'avait emmenée et avait pris son chapeau des dimanches...tout en n'oubliant pas sur le chemin de rapporter ces deux bouteilles...et même on croit deviner sous les bouteilles un sac à main noir?

Tout cela est peut-être erronné mais c'est tout l'intérêt d'une telle photo que de suggérer les moments de la vie ordinaire ; sans oublier que la photo est un arrêt car les appareils de l'époque demandait un temps de pose. Claudius Barriquand a quand même bien réussi son cadrage.


 

 

 

 

En isolant la mère Berthier, on voit qu'elle tient dans sa main droite un savon de Marseille pendant que son bras gauche repose sur une planche à laver (reconnaissable à sa partie supérieure légèrement concave) qui plonge dans un baquet en bois. C'est une petite lessive.

 

 

 

 

Dans un ouvrage de Lucien Barou publié par la Conseil Général de la Loire, le petit garçon de la photo, Joseph Paillard, est appelé à témoigner, alors nonagénaire, de sa participation à la guerre de 14-18 pour avoir été dans son régiment le clairon qui sonna l'armistice. Il en dit le bonheur et l'honneur qu'il ressentit alors.

 

 

Ci-dessous sa courte biographie parue dans cet ouvrage.

 

Comme dirait La Fontaine, petit Écochois deviendra grand...

 

 

 



Ces deux portraits pourraient-ils être ceux de la même personne à une douzaine d'années d'intervalle? La deuxième photo  est celle de Joseph Barriquand en 1918, à 39 ans ; sur la première il aurait alors environ 27 ans... Un Mariste profès temporaire ne devait pas forcément porter la soutane surtout en ces temps de forte laïcisation en France. En outre à bien y regarder, il est difficile de savoir si autour du menton on a de l'ombre ou un collier de barbe...


Que sont devenus les personnages de cette photo?

-Pour les Barriquand voir la rubrique sur les trois frères Barriquand et la revue de Coublanc En ce temps-là.

-Claude-Marie Lebretton, le cordonnier, est mort en juillet 1914, âgé de 66 ans ; sa femme Célestine Denis décède en février 1916.

-Le vigneron Déverchère meurt le 14 janvier 1921, veuf, sa femme née Claudine Marie Dessaux était décédée en janvier 1915 ; originaire de Saint Maurice elle était  fille et petite-fille de tailleurs de pierre.

-La mère du facteur Rousset était originaire de Saint-Bonnet de Cray. Veuve elle avait suivie son fils à Écoche. Pour le surveiller? En tout cas, elle meurt le 27 février 1918 et son fils se marie le 26 juin de la même année, à  47 ans  avec Marie Clotilde Bonnet ; leur fils Paul (même prénom que le grand père) naît en 1919. Retraité dès 1921, le facteur se retire au But chez les "Bonnet" où il meurt en 1923 à 52 ans. Sa veuve restera au But.

-Norbert Paillard est parti avec sa femme et ses enfants pour développer l'entreprise de soieries à Saint-Denis-de-Cabanne mais ses parents restent dans la maison du bourg jusqu'à leur mort en 1917 (une soeur de Norbert, Gladys y est morte en 1907 à 44 ans).

-Argentine Déchavanne se marie à 44 ans avec un veuf de Belmont-de-la-Loire, Jules Puillet ; sa mère étant décédée 3 ans auparavant, le café Déchavanne disparaît.