Quant un veuf remarié doit partager ses biens

Pardevant nous Pierre-Marie Cargès notaire public soussigné en la commune de Belmont chef-lieu de canton du département de la Loire et en présence des témoins ci après nommés. aujourd’hui vingt cinq du mois pluviose de l’an quatre de la République françoise sont comparus d’une part les citoyens Claude Fillion et avec lui procédant de son autorité Jeanne Sapali son épouse propriétaires demeurant en la commune de Coublanc du canton de Chauffailles département de Saône et Loire. D’autre part , François Sapali  aussi propriétaire demeurant en la commune d’Écoche de ce canton, qui ont dit savoir ledit François Sapali que par son premier mariage avec défunte Jeanne Guyot reçu Thivend notaire le quatorze juin mil sept cent cinquante huit, vieux stile, ils contractèrent une société générale en tous et un chacun leurs biens meubles et immeubles présens et avenir, qu’au décès de son épouse il ne fit procéder à aucun inventaire en manière que cette société a toujours durée ; que les biens meubles et immeubles qu’il possède actuellement sont communs entre  lui pour une moitié et  Jeanne Sapali sa fille unique issue du mariage ci-devant rappellé pour l’autre moitié ; et les mariés Sapali ont observé que  désirant obtenir le relache de la dite moitié de biens pourquoi ils se seraient pourvus contre François Sapali par la voie du tribunal de  famille où serait intervenu le quatre du mois brumaire de l’an troisième une sentence arbitrale entr’eux qui est en bonne et due forme ; par laquelle François Sapali, pour éviter toutes contestations aurait consenti à la composition et à la liquidation de la société dont on a parlé, même au relache de biens demandé en nature par les mariés Fillion et Sapali Pour procéder auquel relache et partage ils auraient nommés pour leurs experts et prud’hommes  les citoyens Pierre Déverchère demeurant à Saint Igny de Roche, Claude Marchand demeurant à Belmont, lesquels ont rempli leur mission en vertu de la dite sentence ; que voulant en faire rédiger procès-verbal ils nous commettent à cet effet en conséquence ils requièrent nous notaire de recevoir les dires et rapports de leurs experts sur les résultas de leurs opérations en acceptant la dite commise et adhérant aux dites réquisitions, attendu la présence des dits experts nous avons reçu d’eux  la déclaration et le rapport qu’ils font tout présentement en présence et du consentement des parties.

 

 Et ont dit qu’au premier lot il est échu et arrivé aux mariés Fillion et Sapali pour leur portion dans les biens immeubles dont il s’agit ; acceptant sous les dites autorités

 

En premier lieu, une maison, fournil, boutique à tisserand où il sera fait un mur de séparation sur la même ligne du mur qui sépare la maison et la cour avec une petite cour et verchère y attenante de la contenue en tout d’une coupe et demie que joute de matin les bâtiments, cour , jardin et partie de verchère arrivés au second lot ci-après et de midi la verchère de Jean Auclerc, de soir et bize la verchère et cour de Michel Fonteret

 

Item une partie d’une terre appellée de la vigne de la contenue de deux tiers de mesure, que joute de matin la terre de Claude Chavanon, de midi le surplus de  ladite terre qui arrivera au second lot ci-après, de soir la terre de Louis Matray et de bize la terre dudit Fonteret

 

Item une partie de jardin de la contenue d’un seizième de mesure que joute de bize et matin la terre de Pierre Lacroix, de midi le surplus didit jardin qui arrivera au second lot et de soir le chemin du village de la Cuchère.

 

Item une partie de verchère appellée Chaintron de la contenue d’une coupe un peu forte que joute de matin la portion qui arrivera au second lot, de midi la verchère de Benoît Laroche, de soir la verchère de Louis Matray et de bize le chemin tendant de la Cuchère au moulin de Vers vaux commune de Belmont

 

Item une partie de terre appellée Morgnettes de la contenue de deux mesures trois quarts que joute de matin les bois pins des enfans mineurs de Pierre Duperron, encore de matin le bois pins de Claude Dubouis et la nommée Deplasse sa femme, de midi le bois pin de Benoît Sarnin, de soir la partie qui arrivera au second lot et de bize le chemin tendant de la quichère au moulin de Vers vaux susdite commune de Belmont

 

Item partie de la terre appelée des Bis de la contenue de trois mesures que joute de matin et bize le bois de Jean Auclerc, de midi la portion qui arrivera au second lot, de soir le chemin tendant de Court à Chauffailles

 

Item partie de terre et pins appellés de la Garde de la contenue de cinq mesures, que joute de matin le vassible de Gilbert Christophle et la nommée Marchand sa femme, de midi  les terres et pins de Laurent Glattard, de soir le chemin de Court à la Cuchère, de bize la partie et surplus qui est arrivé au second lot ci-après

 

Item une partie de prépellé Girolon de la contenue de quatre mesures que joute de matin le chemin d’aisance des bois, de midi le surplus qui est arrivé au second lot, de soir le bois de Louis Marchand, de bize les terres et paquier du citoyen feu de Vichy

 

Neuvièmement et enfin une partie de bois appellée Panachery de la contenue de deux coupes, que joute de matin le chemin d’aisance pour la desserte des bois et de midi le bois de Louis Marchand, de soir les indivis vicinaux dans lesquels les parties auront portion telle que de droit, en cas de division et autrement pour en jouir comme il en a été jouit jusqu’à ce jour, ainsi que les autres indivis ou communes dans lesquels ledit François Sapali et sa défunte épouse pouvaient avoir droit et leurs prédécesseurs, et de bize le surplus dudit bois qui est échu au second lot.

 

Il est de plus arrêté que les mariés Fillion et Sapali auront prises d’eaux dans la partie de pré qui est arrivé audit François Sapali pour son lot et ce dans quatre raïes anciennes qui existent, depuis le lundi soleil levé jusqu’au vendredy suivant soleil levé, chaque semaine annuellement et perpétuellement et que François Sapali aura tout le surplus des eaux pendant les autres jours de la semaine pour en jouir de même que son gendre et sa fille sans aucuns troubles quelconques.

 

De plus les mariés Fillion et Sapali auront droit de passage à tous genres de passage et en tous temps dans la portion de cour qui est arrivée en partage à François Sapali pour en jouir sans troubles.

 

Enfin au second lot, il est échu et appartiendra en propriété audit François Sapali, acceptant pour sa portion dans les biens dont il s’agit

 

A scavoir premièrement une grange couverte  à tuilles creuses, écurie, cour au devant et partie de verchère, le tout attenant ensemble, contenant une coupe et demie  en semence que joute de matin les bâtiments, cour et verchère de Claude Cartellier, de midi la verchère de Jean Auclerc, de soir la verchère, cour bâtiments cidessus arrivés aux mariés Fillion et Sapali et un chemin d’aisance de bize.

 

Item partie d’une terre appellée de la vigne de la contenue de deux tiers de mesures, que joute de matin la terre de Claude Chavanon, de midi celle dudit Jean Auclerc et de Benoît Laroche, de soir la terre de Louis Matray, de bize le surplus de ladite terre qui vient d’échoir aux mariés Fillion et Sapali.

 

Item une partie de jardin de la contenue d’un seizième de mesure que joute de matin la verchère de Louis marchand, de midi celle de Laurent Glattard, de soir le chemin tendant de la Cuchère à cours et de bize le surplus et portion du jardin qui est arrivé au premier lot.

 

Item partie et surplus de la terre des Morgnettes de la contenue de deux mesures trois quarts, que joute de matin la portion du premier lot, de midi la terre des mariés Claude Dubouis et Deplasse, de soir celle de Michel fonteret et de bize le chemin tendant du hameau de la Cuchère au susdit moulin de Versvaux.

 

Item partie de verchère appellée achaintre de la contenue d’une coupe forte, que joute de matinla verchère dudit Claude Cartellier, de midi celle dudit Laroche de soir le surplus de la verchère du premier lot, de bize le chemin tendant du hameau de la Cuchère au hameau Vers veaux commune de Belmont

 

Item partie de la terre et surplus d’icelle appellée des Bis de la contenue de trois mesures que joute de matin et midi les bois pins de Jean Auclerc, de soir le chemin de Chauffailles  tendant à Court et de bize la portion de la susdite qui est arrivée au premier lot.

 

Item partie de terre et pins appellés de la Garde et le surplus d’iceux de la contenue de quatre mesures que joute de matin le vassible de Claude Marchand, de midi les terres et pins de Laurent Glattard, de soir le chemin tendant du hameau de la Cuchère à Court et de bize les pins et terre arrivés au premier lot.

 

Item partie d’un pré appellé Girolon et le surplus d’icelui de la contenue de trois mesures et un tiers que joute de matin et midi le susdit chemin des bois, de soir le bois de Louis Marchand et de bize la portion du pré arrivée au premier lot.

 

Item une partie de bois appellée Panachery de la contenue de deux coupes, que joute de matin un chemin d’aisance, de midi la portion du premier lot, de soir les susdits indivis et de bize les bois dudit Jean Auclerc

 

Tous lesdits héritages arpentés sur le pied de quinze cent pas la mesure, situés en la susdite commune d’Écoche à l’exception des articles cinq et six qui sont situés en la commune de Belmont ; et sauf des susdites portions leurs autres plus vrais et légitimes confins si aucuns sont, dont les parties sont d’accord d’en jouir et de s’en mettre en possession dès ce jour, néanmoins aux conditions ci après mentionnées avec fonds fruits et revenus sans pouvoir revenir contre ce partage directement ni indirectement. Le tout fait sans aucun retour de part et d’autres ni sans aucunes restitutions de fruits parce que les mariés Fillion et Sapali ont consentis à la continuation de la société en question  jusqu’à ce jour ; à défaut d’inventaire. Lesdites portions de fond et héritages bornés et limités par les experts qui ont procédés à ce partage en présence et du consentement des parties qui veulent que , s’il existe des arbres sur les limites de chacun leurs fonds, ils resteront tels, pour en jouir par celui à qui ils se trouveront appartenir à la forme dudit partage sans pouvoir se forcer à les faire abattre, quoique n’ayant pas l’invétison requise par les lois rurales.

 

Item déclarent les mariés Fillion et Sapali avoir retiré en leur pouvoir leur quote-part du mobilier dans la succession de Jeanne Guyot mère de ladite Jeanne Sapali provenant de la société générale contractée par elle  avec ledit François Sapali et ce des mains de ce dernier qui en était possesseur, comme maître de la communauté, de laquelle portion de mobilier, en quoi qu’elle consiste ou puisse consister, ils le déchargent purement et simplement et promettent solidairement et sous les renonciations requises de l’en faire tenir quitte envers et contre tous, sans aucune recherche et s’en tiennent respectivement quitte envers et contre tous, en ce qui concerne seulement le mobilier faisant partie des objets de ladite société et qui consiste entr’autre en meubles meublant effets linges danrée comestible outils d’agriculture, fourrages et bestiaux, ayant de plus déclaré ledit Sapali qu’il n’existe aucunes dettes actives dépendants de ladite succession, et quant aux dettes passives, il déclare qu’il doit par obligation et promesse au citoyen Antoine Fargetton demeurant à Saint Jean la Bussière les sommes et objets y mentionnés, plus à Laurent Glattard le montant des adjudications prononcées contre lui par une sentence en principal et accessoires et qu’il lui est dû par ladite société le montant de la constitution dotale de Benoîte Sadot son épouse en secondes nôces. sur lesquels objets, les parties articuleront plus amplement et se règleront incessament, comme aussi sur les objets de réclamations de François Sapali qu’il pourra établir d’ailleurs, faisant pour aison de ce toutes leurs réserves respectives, utiles, nécessaires et de droit : attendu aussi que les mariés Fillion et Sapali ne peuvent se libérer de suite de la moitié de la susdite dote portée dans le mariage en secondes nôces dudit François Sapali avec Benoîte Sadot du treize janvier mil sept cent soixante quatre (vieux stile) il demeure arrêté entre eux et les mariés Fillion et Sapali consentant solidairement comme dessus que François Sapali jouisse et perçoive les fruits et revenus des portions de biens immeubles relachés confinés par ces présentes jusqu’à l’entier acquittement et payement de la portion de la constitution dotale dont on a parlé sans aucune restitution de fruits qui est de conditions expresses et de rigueur entre eux et accepté réciproquement, à la réserve de la jouissance de la maison qui n’en fait point partie, qui aura son effet comme il a été convenu ci devant par ces mêmes présentes.

 

Convenus encore que les frais et coûts du présent arrangement seront supportés en communs et payés par moitié entre les parties qu’elles supporteront également leur quote-part des contributions foncières et autres de droit dont les héritages sont et peuvent être chargés, que les mariés Fillion et Sapali n’auront que le quart de la récolte pendante en ce moment aux racines, le droit de colon appartenant à Sapali qui sera tenu de payer les contributions foncières dûes et échues à ce jour , imposées sur les héritages partagés comme aussi que ledit François Sapali jouira et occupera la maison par lui occupée jusqu’au vingt  un du mois brumaire prochain.

 

Et par ces présentes ldit François Sapali et les mariés Fillion et Sapali ces derniers solidairement comme dessus et chacun en ce qui les concerne promettent et  s’obligent à payer la somme de  trente livres valeurs métalliques et en numéraire audit Pierre Déverchère et pareille somme de trente livres en numéraire valeur de mil sept cent quatre vingt huit au citoyen Claude marchand tous les deux acceptant pour eux et les leurs.....à leur volonté. Et ce pour les honoraires et vacations de leurs experts au susdit partage à peine de tous dépens, dommages et intérêts sous les promesses et obligations de leurs aux soumissions et renonciations requises.

 

Ainsi convenu accepté  respectivement dont acte fait et passé à Belmont dans l’étude du notaire soussigné après midi, le vingt cinq du mois de pluviose de l’an quatre de la république française, en présence du citoyen Étienne Auclerc propriétaire demeurant en la commune d’Écoche, François Besson et Antoine Moussier propriétaires demeurants à Belmont, témoins requis qui signeront avec les experts, François Sapali et nous notaire, à l’exception des autres parties pour ne savoir signer ainsi qu’elles le déclarent de ce requis ..appelées à la forme de la loi.

 


Le 25 pluviose an IV correspond au 14 février 1796 dans le calendrier grégorien (actuellement utilisé).

 

A noter le passage suivant : "les indivis vicinaux dans lesquels les parties auront portion telle que de droit, en cas de division et autrement pour en jouir comme il en a été jouit jusqu’à ce jour, ainsi que les autres indivis ou communes dans lesquels ledit François Sapali et sa défunte épouse pouvaient avoir droit et leurs prédécesseurs"

Comme nous sommes en période d'incertitude (sous le Directoire) il est ici question d'un partage éventuel des communaux, ce que feront quelques communautés d'habitants (Laval ou Berthillot par exemple) ; mais pour la Quichère le système des communaux (appelés ici indivis vicinaux) perdurera pendant tout le XIXème siècle puis pendant les trois quarts du vingtième. Il existerait encore si une municipalité n'avait hélas jugé bon de les municipaliser (dans les années 1990). Un usage très ancien a ainsi disparu sans susciter beaucoup d'opposition...mais il y en eut toutefois quelques-unes, fustigées au nom du progrès!

Cet acte montre que les petits paysans avaient aussi dès cette époque des métiers à tisser : la "boutique de tisserand". C'est ce complément d'activité qui a permis l'augmentation de la population, le surcroît rendu possible par les quelques revenus, alors que les exploitations restaient petites et morcelées sur des sols peu fertiles (ici vassibles ou pins), la culture la plus intensive se pratiquant dans les verchères.

L'ensemble des biens partagés n'excède pas 3,5 ha semble-t-il ; on comprend mieux la nécessité de la double activité.

François Sapaly avait eu un premier fils Louis, mort en bas âge. Avec sa deuxième épouse il eut au moins quatre enfants dont l'aîné était marié à Belmont -au moment du partage- avec la soeur d'un témoin (Moussier) ; la fille cadette fut la seule à rester à Écoche après avoir épousé dès 1791 Jean-Baptiste Bertillot. Les autres "essaimèrent" dans la vallée de l'Azergues et dans le canton de Monsols.

François Sapaly et sa première femme avaient contracté des dettes , dont ni la nature exacte ni le montant ne sont très clairs. Les créanciers sont un notable d'Écoche mais originaire de la région d'Amplepuis et un marchand de cette même région d'Amplepuis.