Lors de la petite -et très intéressante - exposition « Écoche autrefois » organisée en 1997 par Lucienne Auclair-Stoffel, l’historien Jean-Pierre Gutton avait fourni la photocopie d’un document consulté dans les Archives Départementales du Rhône. Ce document datant de 1781 fournit un éclairage sur les prélèvements de la taille dans le cadre de l’élection de Villefranche. Il y est écrit   « ...a été procédé à la confection du présent tableau par les habitants et communauté de la dite paroisse d’Escoches et a été arrêté de leur consentement ce jourd’hui quinzième juillet mille sept cent quatre vingt et un à l’issue de la messe de paroisse dudit lieu ce jourd’hui y célébrée sur environ les huit heures du matin après avoir fait sonner les cloches à la manière ordinaire à la diligence des consuls et collecteurs en exercice la présente année qui sont Philibert Destre  principal consul [ et scribe] ,  François Laroche, Pierre Lacroix et Louis Bertillot aides consuls de la susdite paroisse Écoche pour la présente année. »

Ce texte, écrit en dessous d’un tableau que les historiens comparent à une échelle, justifie ainsi auprès de l’élection de Villefranche dont dépend alors  Écoche le roulement annuel des consuls ; ceux-ci sont choisis pour une année et le tableau prévoit tous ceux qui seront consuls entre 1781 et 1794 compris, sans effectivement prévoir les aléas éventuels : ni les morts prématurées de certains ni la Révolution de 1789 qui réorganisera tout.

 

années

Premiers consuls

tailles

Seconds consuls

tailles

Troisièmes consuls

tailles

1782

Jacques Poizat

23 £ 18s

Louis Berthier et son gendre

5 £

Etienne Seguret et son gendre

Estienne Auclerc dit Troncy

6 £ 4s

 

3£ 4s

1783

Estienne Crétin

11 £ 16s

Jean Bertillot et son fils

13 £ 8s

Claude Balandras

Louis Laffond

9 £

5 £ 2s

1784

Jean Auclerc

16 £ 13s

Jean Larue le jeune

9 £ 9s

Benoît Bariquand

Antoine Desseignes

4 £

1 £ 4s

1785

Louis Poizat

22 £ 5s

Jean Buchet

10 £ 6s

Antoine Bussy

Estienne Dubouis

8 £ 12s

2 £ 4s

1786

Laurent Chassignolle

10 £

Guillaume Verchère

10 £

Jean Poizat

Benoit Fouilland

4 £ 2s

10 £

1787

Claude Silvestre

17 £

Philibert Puillet

8 £ 3s

Benoit Guyot

Denis Desigaud

11 £ 12s

3 £

1788

Claude Lebretton

17 £

Joseph Auclerc

10 £ 2s

Antoine Magnin

Claude Crétin et son père

6 £

2 £

1789

Estienne Laffond

14 £

Jean Brossette le jeune

11 £ 6s

Benoist Cartellier le jeune

Benoist Duffy

8 £

3 £ 6s

1790

Claude Batailly

21 £

Antoine Dasnière

8 £ 3s s

Claude Plasse

Grégoire Cheptail

5 £

4 £ 14s

1791

Laurent Glatard

18 £

Claude Berthier

10 £18s

Jean Dumont

François Sapaly

3 £ 5s

3 £ 16s

1792

Jean Larue l’aîné

9 £ 16s

Jean Fonteret et son gendre

8 £ 10 s

Claude Lacoste

Antoine Auvolat

6 £ 14s

3 £ 15s

1793

Benoît Bonnet

12 £

Claude Dubouis

12 £ 6 s

Benoist Cretin

Benoist Laroche

5 £ 12s

3 £ 5s

1794

Philibert Destre

20 £

François Laroche

9 £ 10 s

Pierre Lacroix

Louis Bertillot

7 £ 17s

12 £ 12s

 

Total 474 livres et 11 sols pour 52 feux. Les autres "propriétaires" verseront le reste de la taille écochoise dont nous ignorons le montant demandé par l'élection de Villefranche en 1781.

En nous inspirant de la communication de Françoise Bayard Collecter la taille en Lyonnais et Beaujolais au XVIIe siècle lors du colloque de l’ IGPDE l’impôt des campagnes, colloque de 2002, on sait qu’on a affaire ici aux collecteurs de la taille élus par la communauté des habitants d’Écoche parmi les habitants solvables puisqu’ils sont à la fois percepteurs et responsables de la bonne rentrée. En outre les consuls ont aussi d’autres responsabilités qui ne concernent pas que l’impôt.

On a donc ici 52 habitants solvables chargés de se rendre chez les autres Écochois afin de prélever la taille. Cet impôt doit être réparti entre tous, au prorata théorique de leur richesse à charge justement pour les consuls d’estimer cette richesse tout en rendant compte auprès de la communauté des habitants. Ensuite chaque année ceux qui sont élus pour l’année se rendent au domicile des taillables pour le prélèvement. Il semblerait pour Écoche que pour chaque année on ait prévu que les 4 consuls élus soient choisis dans divers villages de la paroisse pour représenter l’ensemble du territoire, peut-être aussi pour se répartir entre eux la collecte dans leur secteur. Le cas de François Laroche montre que pour être consul il n’est pas besoin de savoir signer. Reconnaître les noms de chaque contribuable suffisait ; après, une fois la taille collectée, il suffisait de mettre une croix en face de chaque nom, peut-être une barre dans certains cas lorsque celle-ci était collectée en quatre parts dans une année.

Être consul donnait une certaine notabilité certes mais n’allait pas toujours de pair avec la fortune. On voit qu’à Écoche l’écart entre le plus riche consul et le moins aisé des aide-consuls, était énorme : de presque 24  livres à  guère plus d’une livre. On peut penser que certains « riches » n’aient pas été choisis comme Morel, qui sera le premier maire en 1789, pour laisser la place à quelqu’un d’estimé et habitant d’un village plus écarté. Il est vrai qu'en juillet 1781, Jean Morel n'a pas encore 23 ans, n'est pas encore marié et a perdu ses deux parents et ses deux grands parents. Il est possible qu'en 1789 il ait remplacé comme consul Etienne Laffond qui venait de mourir en 1788. De premier consul à maire, la transition était logique (et pas du tout révolutionnaire).

Ne sont pas choisis, c’est la règle, les trois propriétaires privilégiés exempts de taille : le curé, le seigneur (Vichy) et le marquis de Drée ; leur cas  est d’ailleurs précisé sur le document. Ne sont pas choisis comme consuls notamment les gros fermiers : Vermorel, Chavanon, Sarnin. Ces deux derniers, fermiers à la Quichère, n'étant pas pressentis cela pousse la communauté à élire des gens de la Quichère moins fortunés comme Claude Crétin ou François Sapaly. Par là on perçoit la sagacité et la compétence de la communauté d’habitants. Ce qu’on avait déjà vu vers 1700 lorsque le marchand Vaginay avait sollicité une diminution de sa part de taille  en raison des travaux qu’il avait effectués sur les chemins pour le bien de la communauté.

Précisément en 1781 quels sont le plus aisés ?

D’abord Jacques Poizat. Il est marchand originaire d’Arcinges et possède sur Écoche des terres imposées pour la taille ici à 23 livres 18 sols (rappelons que dans une livre il y a 20 sols). Il paiera aussi une taille à Arcinges. Il habite vraisemblablement à Fonteret, ayant épousé Claudine Fonteret dont le grand père était déjà un gros tenancier dans les terriers du début du 18e siècle. Il meurt chez son beau-frère Fillon à Tancon début 1783 à l’âge de 58 ans et sera inhumé au cimetière d’Écoche.

En second, Louis Poizat.  Né à Écoche en 1758 , il descend de deux familles importantes d’Arcinges : des Poizat (non apparentés au précédent) laboureurs et les Destre (notaires) ; il est également marchand et a épousé la nièce du curé Françoise Marie Carré. Ses propriétés sont autour de Fillon et seront lors de la Révolution saccagées par des sans-culottes venus de Roanne, du moins selon la tradition orale.

En troisième Claude Batailly. Né à Cublize en 1733 dans la famille de ses grands-parents, ce marchand habite Écoche entre le bourg et les Seignes. Marié avec Anne Debiesse d’Arcinges, il est le petit-fils de Marie Deschezeaux et a donc pu hériter d’une partie des biens de la famille Dechezeaux. Il aura 8 ou 9 enfants, ce qui au 19e contribuera à diviser les fonds. Il fera partie de la première municipalité à l’époque de la Révolution, ce qui est logique puisque l’« échelle » prévoyait son consulat en 1790. Transition entre les régimes en douceur.

Après ce « podium », on trouve Philbert Destre, né en 1736 dont la grand-mère était Claudine Lebreton. Et du côté Destre il avait des ancêtres marchands, notaires. Il a hérité de quelques  biens Lebreton à la Baize et de biens Destre à Fillon où il réside apparemment. C’est lui qui écrit en 1781 l’échelle des consuls, se présentant comme scribe.

Puis en cinquième position, Laurent Glatard, marchand et bientôt manufacturier. Né à La Chapelle de Mardore  en 1755, il réside à la Quichère où il possède des fonds hérités de sa grand-mère Butty. Il devait être premier consul en 1791, il sera alors le maire. Transition encore en douceur.

Dans la suite, on remarque que tous les premiers consuls ne sont pas forcément plus riches que les seconds ou même les troisièmes. Ainsi en 1786 ils seront trois à égalité de taille, 10 livres : Laurent Chassignolle, Guillaume Verchère, Benoît Fouilland. choisis vraisemblablement en raison de leur répartition territoriale. Si l’on est sûr que Verchère réside à Fonteret, Chassignolle doit résider près de Cadolon à Roche, et on ignore qui sont Benoit Fouilland  (Fontimpe peut-être ?) ou Jean Poizat (peut-être un fils de Jacques né en 1772 ?)

Bien entendu dans ces 51 habitants on retrouve d’autres personnes qui joueront un rôle après la disparition de l’ancien Régime et donc de l’institution des consuls, comme Verchère membre de presque toutes les municipalités à partir de 1789 jusqu’à sa mort en 1812, d’une chute de cheval juste avant d’être nommé maire.

 

 Ou leurs descendants !


Quelques remarques (hypothèses fondées sur la résidence de descendants ou d'ancêtres dans les terriers) sur les autres consuls :

Etienne Séguret né en 1719 mort en 1787, de la Baize ou de  Fillon.

Louis Berthier : peut-être de la Quichère

Estienne Auclerc   fils d’Etienne Auclerc et Anne Troncy. De Fontimpe ?

Estienne Crétin né en 1741,  époux de Pierrette Brossette de Fontimpe. Devait résider à la Forest

Jean Bertillot né en 1734 marié à une Lacroix de Belmont. Son fils Louis né en 1758. Jean meurt en 1787. Louis fera partie des municipalités des années 90. De Berthillot ?

Claude Balandras de Fontimpe descendant des Guyot et des Jonard, ancêtre du futur maire Antonin Fouilland

Louis Laffond né en 1737 fils de Denise Debiesse. Aux Seignes ? Meurt en 1788.

Jean Auclerc. né en 1730, descendant des consuls Poncet, époux Guyot.. -Guyot Jonnard) La Quichère ?

Jean Larue le jeune né en 1738 époux de Marie Destre ; de l’Ardillat ?

Jean Larue l’ainé né en 1736 époux de Claudine Poizat d’Arcinges, ancêtre de l’Abbé Larue, le bourg

Benoit Barriquand fils de Laurent Barriquand et de Toussainte Debiesse, né en 1730. Fontimpe ? ou le But car un aieul y fut granger.

Antoine Desseignes né en 1728 laboureur au village des Seignes (Juin)

Jean Buchet né en 1733 à Coublanc, marié à Écoche avec Benoite Carthelier famille possessionnée dans divers villages d’Écoche ; père de Benoît Buchet futur maire et futur époux de la petite nièce du curé Carré. Devait résider au bourg

Antoine Bussy né en 1727 beau-frère d’Antoine Magnin. Fontimpe

Étienne Dubouis né vers 1740. Peut-être à Berthillot

Guillaume Verchère à Fonteret né en 1747.

Jean Poizat né en 1736 à cours ; possessionné à l’Ardillat ?

Benoit Fouilland. La Quichère ?

Claude Silvestre né en 1756 La Forest ou la Quichère

Philibert Puillet né en 1743 Fontimpe. Grand père de l’abbé Puillet.

Benoit Guyot né en 1758. La Quichère

Denis Desigaud. ? Au But ?

Claude Lebretton né en 1741, héritier de la lignée des apothicaires, marié à Louise Marie Carré nièce du curé ; oncle donc du futur maire Benoit Buchet. Mais décède en décembre 1788, l’année où il était premier consul. La Baize

Joseph Auclerc né en 1751 menuisier à la Forest

Antoine Magnin né en 1722 père de Mathieu officier public pendant la Révolution, arrière- grand-père de l’Abbé Puillet. Fontimpe

Claude Crétin né en 1711 beau-frère d’Antoine Auvolat par les sœurs Jonard. Le bourg ?

Étienne Laffond né en 1719, demi-frère de Louis Lafond, meurt en 1788 comme son frère. Aux Seignes ?

Jean Brossette le jeune né en 1755, père du futur maire Benoit marie Brossette, de Laval.

Benoit Carthelier le jeune, né en 1726 époux de Françoise Laroche. La quichère

Benoit Duffy né en 1741, le bourg (chi barnay)

Antoine Dasnière né en 1746, la Baize.

Claude Plasse né en 1748 la Quichère

Grégoire  Cheptail né en 1729 Goutte Michel

Claude Berthier né en 1737 à Coublanc. Le bourg ? beau-frère de Claude Plasse

Jean Dumont né en 1738 Fontimpe

François Sapaly né en 1735 à La Quichère

Jean Fonterest né en 1739 dont la femme Claudine Desverchère descend de marchands de la Quichère. La Quichère

Claude Lacoste né en 1731 La Forest ?

Antoine Auvolat né vers 1714, époux d’Antoinette Jonard ; décède en 1790 donc avant de remplir sa fonction. Le bourg ?

Benoit Bonnet né en 1734, époux de Françoise Brossette, Fontimpe

Benoit Cretin né en 1749, la Forest

Benoit Laroche né en 1741 tailleur d’habits. Le bourg

Claude Dubouis né à Cuinzier en 1724 propriétaire à Écoche suite à ses mariages avec Françoise Bertillot puis Marie Laroche (sœur de François Laroche) puis Antoinette  Danière. Mais meurt en 1789 avant l’année de ses fonctions. De Berthillot.

François Laroche né en 1731 Descendant des Jonard et de familles d’Arcinges, veuf de Marie Cartelier.

Pierre Lacroix né en 1730 à Belmont ; veuf d’Antoinette Plasse. De la Quichère

 

Louis Bertillot né en 1758. De Berthillot

 

Le plus jeune a 23 ans en 1781 ; les plus âgés 67 et 70 ans (d'ailleurs deux beaux-frères.)

A partir de ces hypothèses de localisation, on peut s'apercevoir de la répartition des consuls choisis selon les divers villages et ainsi voir l'intelligence de cette forme de protodémocratie. (en gras les villages dont on est sûr)

années

Premier consul

Second consul

Troisième et quatrième consuls

1782

Fonteret

La Quichère

La Baize  Fontimpe

1783

La Forest

Berthillot

Fontimpe Les Seignes

1784

La Quichère

L’Ardillat

Fontimpe Les Seignes

1785

Fillon

Le Bourg

Fontimpe Berthillot

1786

Roche

Fonteret

L’Ardillat La Quichère

1787

La Forest

Fontimpe

La Quichère Le But

1788

La Baize

La Forest

Fontimpe Le Bourg

1789

Les Seignes

Laval

La Quichère  Chez Barnay

1790

Le Bourg

La Baize

La Quichère  Goutte Michel

1791

La Quichère et Roche

Le Bourg

Fontimpe      La Quichère

1792

Le Bourg

La Quichère

La Forest Le Bourg

1793

Fontimpe

Berthillot

La Forest Le Bourg

1794

Fillon

Goutte Michel

La Quichère  Berthillot