Le foncier d’Henry Deschezaux vers 1678

 

 

 

On dispose dans les archives Vichy (disponibles grâce à la famille et numérisées par Claude Franckart) d’une reconnaissance de cens et servis pour Henry Deschezaux. Ce type de document permet au notaire du seigneur de récapituler les biens assujettis et référés aux terriers. Le seigneur est ici Jacques d’Amanzé décédé en 1679, ce qui permet de dater le document en 1678 au plus tard. On a dans ce qui reste 36 articles, ce qui doit correspondre à la quasi-totalité des « propriétés » de Messire Deschezaux, chaque article étant un tènement de terrain.

 

Henry Deschezaux, désigné ici comme apothicaire de la paroisse d’Escoches est le fils de Jean ancien notaire et le père de Pierre futur notaire ; lui-même ayant aussi exercé comme notaire. Il a épousé Denise Peguin, sœur de Claude, avocat [cf  la rubrique quelques notables] C’est donc un des notables les plus riches de cette fin du XVIIème à Écoche. Il possède alors l’équivalent actuel d’à peu près 115 hectares, qui se répartissent ainsi : cinq hectares de terrains bâtis, avec leurs cours, aisances, jardins, chenevière, étang, verchères sur lesquels on trouve cinq maisons différentes : une en ruine, une toute neuve, deux autres et la plus importante, sa demeure avec haute et basse grange ; vingt-deux hectares de prairies à foin ; sept hectares de pâtures (pasquiers) ; trente-cinq hectares de terres arables ; vingt-sept hectares de bois dont quatre seulement en « haute futaie », le reste donc en taillis ; seize hectares plus ou moins incultes (vassibles, garenne, bruyères...) ; à peine un hectare de vignes, dont une parcelle récemment plantée. Bien sûr il ne s’agit que des propriétés dépendant du seigneur d’Arcinges et il est possible que sa femme Denise Peguin lui ait apporté en dot des propriétés à Saint Maurice les Chateauneuf car sa belle-fille puis ses petits fils disposeront au XVIIIème siècle de biens dits « seigneurie du Charne », sur l’actuelle commune de Saint Edmond.

 

Sur cet ensemble écochois de terrains (censives) il doit à son seigneur des redevances annuellement (cens et servis), soit :

 

-de l’argent exprimé encore en livres parisi bien qu’à l’échelle du royaume une loi n’autorise plus, depuis 1667, que les livres tournois. Mais on garde ici l’usage de la monnaie des anciens terriers, même si selon toute vraisemblance, la valeur est devenue équivalente. Au total cela fait 11 livres 4 sols 3 deniers 1 obole 1 pitte.

 

(1L = 20 sous ; 1 sol = 12 deniers ; 1 denier = 2 oboles ; 1 obole = 2 pittes). Obole et pitte sont des survivances. La comparaison avec une monnaie d’aujourd’hui est difficile à réaliser.  Mais cela représente une faible valeur, puisqu’on estime qu’au temps de Louis XIV un salaire mensuel moyen d’ouvrier pourrait être de l’ordre de 19 livres.

 

- des produits agricoles  environ 1.5 hl de froment ; 3 hl d’avoine ; 4.5 hl de seigle ; une dizaine de litres de vin ; et du foin pour environ une tonne et demi. Ces chiffres sont très approximatifs puisqu’exprimés en mesures de Charlieu de l’époque : coupes, razes, pour les céréales, pintes, chopines et pots pour le vin, trousses (=bottes) et quintaux (1 quintal de cette période = un peu moins de 250 kg) pour le foin.

 

Où se situaient ces biens ? Difficile à préciser car les lieux-dits d’alors ont souvent disparus. Mais pour l’essentiel ils se trouvent au bourg (bien que le mot n'apparaisse jamais) et à Vatron, au Chatelet, un peu à la Baize et une parcelle à Rottecorde. Sa maison d’habitation est appelée maison de la Colange et avait appartenu auparavant à un gros marchand de Villefranche, Messire Claude Chapuis ; elle est entourée de prés, pasquiers, jardin. Le tènement est au Nord-nord ouest du chemin « tendant de l’église à la planche de Vatron » et au Sud-sud-est du « chemin tendant de l’église au moulin du But et passant devant la maison ». On peut donc estimer que cette maison se situait à peu près à l’emplacement de l'actuelle place de l'Abbé Larue ; les prairies s’étendant à l’arrière joignaient un pré du sieur du But, un autre pré lui appartenant et au sud la maison de Claude Joannard. Ce Claude Joannard est un proche qui possède en indivis avec notre apothicaire certaines parcelles, ce qui est aussi le cas du sieur LeBreton.

 

D’où lui venaient ces terres ? Il est précisé pour chaque tènement à qui il appartenait au moment de l’élaboration du terrier quelques décennies plus tôt. Vingt trois articles proviennent de  son père Jean Deschezaux, parfois associé à Simon Deschezaux. Il s’agit donc de biens hérités pour lesquels il a dû payer des droits d’hoirie au seigneur. On ne sait qui est Simon, probablement un oncle ? Neuf articles, notamment ceux qui concernent des parcelles habitées ont été acquises à dame Bonne Fagot, veuve Destre. L’une des parcelles est dénommée le maix Fagot, ce qui suggère l’habitation natale de Bonne Fagot. Onze articles appartenaient à honorable Claude Chapuis, notamment la principale maison dite de la Colange. Les trois autres articles sont des acquets réalisés auprès d’autres Écochois souvent anciens propriétaires indivis : Philibert Magnin, François Seguret, Anthoine Seguret, Jean Delaville.

 

Au long de cette reconnaissance nombre de lieux-dits sont nommés, soit pour les terrains d’Henry Deschezaux, soit pour les terres qui ont des limites avec lui.

 

Ses propriétés sont situées aux Vernay, à Monteguy, au Douet, aux Guerres, à la Fay (4 fois), à la Rochelle, sous roche Servière, à Dugolle(t), à la Senaudière, à Morin, à Guicher, à Petit Martin, à Ducholet, à Treillière, à Montmassion(4 fois) , à la goutte au petit Martin, au grand Pelan, à Vernay, à Vatron (plusieurs fois), à la Font Parocha, au grand pré, à la combe, au Chastelet, au Bois Bruillé, à Clavelage, au bois Giraud, à Protty, à Trefillet, au Toral, à Gorlaine, à la Garaine, à la Toulle (2 fois), à Pierre Pouilliouze, à Fontenette, à la goutte Dallery, à la Fouilliouze, à Boleranche, sur les Vignes, à Melleray, à la goutte, au Cluzel de Vatron, à la Palliassonerie, sous la Font de Vermon(2 fois), à Despatries, sur la planche de Vatron, à Ridegand, à Roche Servière (2 fois) , au bois à Jacquer, au Parclor, à la Colange, à Truchet, aux Seguret, à la goutte Sourde, aux Mats, à la Bletonnière, à Catriche, à la font Saint Martin, aux Roches, à la goutte Aroux, à Chemon, aux Vernes, à Tambuton, à Pierre Burnod, au pré Briga, à Bourdamon, à Daval, aux Essertines, à Lesser Mazoyet, et enfin du costé des Mares.

 

Les biens limitrophes sont aussi parfois désignés par d’autres lieux dits : la font de Verne, le bois de Mars, le village Burnod, Rottecorde, la Truche, bois du Planchet, Presle, les Thoraux de Vatron et même le cimetière de la paroisse, le pré de la cure  ou la terre de la cure..

 

Les chemins qui servent aussi de limites sont désignés par :

 

chemin tendant de l’église à la planche de Vatron

 

chemin tendant de l’église au moulin du But

 

chemin de l’église au Chastelet

 

chemin  de la planche de Vatron au Treyve des Seignes

 

chemin du moulin du But à Belmont

 

chemin de la planche de Vatron au Chastelet

 

chemin de la planche de Vatron à Belmont

 

chemin de la croix de Rampax au bois du Chastelet

 

chemin de l’église à Laval

 

chemin de l’église à Arcinges

 

chemin de l’église aux maisons Fillion

 

chemin de la planche de Vatron à Noailly

 

chemin de l’église au village Forest

 

chemin du bois du planchet ou du bois Bruillé passant par les taillis de Vatron au Chastelet

 

chemin tendant de la planche de Vatron sur les thoraux de Vatron et à Belmont

 

chemin du moulin aux thoraux de Belmont

 

chemin de la font de Vermon au Chastelet

 

chemin du moulin du But à Belmont et à la font de Vermon

 

chemin du moulin à la font de Vermon.

 

chemin de la croix de Rottecorde à la planche de Vatron

 

Les propriétaires de terrains limitrophes sont : Claude Joannard, messire Jean Le Breton, ces deux les plus cités, mais aussi : Le sieur du But, la cure, le seigneur de Chauffailles, le seigneur d’Arcinges, Philibert de la Plasse, Catherin Auclerc, Clément de la Font, Claude Dessertines, Demoiselle Le Breton, Claude Seguret, Martine veuve Perrichon, Louis Duperron, Sieur Vaginay, Pierre Brossette, Antoine Desseignes, Benoist Laval, Benoist Jonard, Catherin Jonard, Claude Bertillot, une veuve d’un sieur Le Breton. Ces terres avaient parfois changé de prorpiétaires depuis le terrier et dans ce cas les anciens propriétaires étaient cités : Messire Théode de la Forest, Philiberte Burnod, les mariés Deville, Claude Chapuis (de Villefranche), le sieur Claude Marolle (marchand de Charlieu), Michel et Benoist de Laval, les héritiers de Pierre de Sirvinges, Bonnet Premieux, François Seguret, Jeanne de la Gressery, Claude Seguret.

 

Conclusion un document comme celui-ci est riche en informations.

 

Notes sur les toponymes : le Treyve signifie alors le carrefour ; la croix des Rampax (ou Ramparts) est la croix des Rameaux. La croix de Rottecorde est aujourd’hui le carrefour de la Buche. Ici on écrit la roche Servière. Le terme bourg semble ne pas exister à ce moment, ni le hameau de Juin.

 Note générale : c’est un peu abusivement que l’on parle de propriété ; il s’agit plutôt de censive. en effet selon le droit médiéval, on disait que le seigneur avait la propriété éminente (dominium directum), le censitaire ayant la propriété utile(dominium utile). Ce qui est précisé ici au début de la reconnaissance.