Dernière lignée à posséder le But : les d'Amanzé à partir du début du XVIIIème siècle.

Cela peut sembler un paradoxe mais les d'Amanzé qui depuis le XVème siècle ne cessaient de rogner les droits du seigneur du But, n'en entrent en possession qu'en 1718 et cela, grâce à Marianne Rolin veuve de Jacques d'Amanzé et pourtant détestée par sa belle-famille. Après elle, seront seigneurs du But son fils Antoine, sa petite-fille Cécile, enfin son arrière-petit-fils Abel de Vichy. L'acte d'achat est assez intéressant pour les renseignements qu'il permet d'avoir. Le voici :

Pardevant le notaire royal soussigné et présents les témoins après nommés fut présent sieur claude Vaginay marchand de la paroisse d’Escoches lequel de son gré a vendu cédé quitté remis et transporté purement et simplement avec promesse de maintenir à dame dame Marianne Rolin veuve de Messire Jacques d’Amanzé seigneur comte de Chauffailles Arcinges Escoches et autres places présente et acceptante à savoir le firf lieu et seigneurie du But situé en la paroisse d’Escoches consistant en château et maison seigneuriale censive ou rente noble, dîme, prés, bois, domaines l’un du But, Chizelet et le moulin avec la meule, casse à huile, presse, marteaux et trépied, droits honorifiques et autres et fonds en dépendant, fonds de ceux ci-devant aliénés par ledit sieur vendeur à quelques particuliers et généralement tout ce qui dépend de la dite terre et fief ainsi que le dit vendeur en jouit ou doit jouir sans y rien  réserver et sauf desdites maison et fonds leurs légitimes confins que le tout demeure franc et exempt de toutes les charges et pensions hypothèques assignats seulement les dits fond chargés du simple cens et servis dus au seigneur direct franc de l’arrérage d’iceux jusqu’à la Saint Martin d’hiver prochaine que la dite dame entrera en possession et jouissance du tout les bestiaux et essements des dits domaines compris en la présente vente faite pour et moyennant le prix et somme de neuf mil neuf cent nonante trois livres de laquelle somme ladite dame Rolin sera tenue d’acquitter le dit sieur vendeur de la somme de dix sept cent livres ; envers  Monsieur et Madame de Souternon, trois mil trois cents livres ; envers  Monsieur de l’Aubépin trois cents treize livres dix sols pour intérêts échus et à échoir ;  plus à Monsieur le Baron des Prés deux mille livres en principal et quatre cents une livres pour intérêts aussi échus ou à échoir, plus deux mille livres aux dames Ursulines de Roanne et cent livres d'intérêts échus ou à échoirplus à Messire Benoit Ray prêtre curé d’Escoches la somme de cent quatre vingt livres, toutes lesdites délégations montant à la somme  de neuf mil neuf cents nonante trois livres dix sols lesquelles sommes seront payées par ladite dame Rolin à la forme des contrats des dits délégués et en payant les rentes arrérages incessamment et des principaux ce que ladite dame jugera à propos en présence dudit sieur vendeur et faisant par ladite dame Rolin lesdits payements en principaux ou intérêts, elle demeurera subrogée aux hypothèques desdits sieurs créanciers comme ledit vendeur la subroge aux mêmes lieu place hypothèque desdits créanciers et pour ses suretés qu’elle en retire  les contrats  de leur créance, et consent même qu’elle s’en fasse subroger en justice et moyennant ce que dessus ledit sieur vendeur s’est dévêti et dévêt du tout et en investi et invest ladite dame achèteresse avec les clauses de constitution confession de nom et titre de précaire translation de tous droits de propriété et possession et autres clauses requises et nécessaires avec toute donation de plus value et dans lequel temps de ladite Saint Martin d’hiver prochaine ledit sieur vendeur remettra à ladite dame tous les terriers titres et enseignements de ladite maison et fief du But susvendu avec le contrat d’acquisition fait par ledit sieur Vaginay dy seigneur de Souternon du second août mil six cent nonante cinq reçu de Roere notaire royal à Lyon chargé de la minute sans pouvoir par ledit vendeur enlever aucunes portes verrous fenêtres crèches rateliers et autres effets attachés aux murailles du tout sera en bon père de famille promettant ledit sieur vendeur de faire décharger les dits fonds vendus du patrimoine qu’il peut avoir fait à Messire Claude Vaginay son fils diacre au diocèse de Mâcon et fera en sorte que ladite dame n’en sera inquiétée ce que les parties ont j… à gré et promettent exécuter par obligation de tous leurs biens et à peine  de tous dépens et dommages et intérêts soumettent renonçant ; fait et passé au château d’Arcinges après midi le seizième août mil sept cent dix huit en présence de Claude Vaginay prêtre curé de Saint Denis, Benoît Breton et Benoît auclerc domestiques de ladite dame, témoins  que ledit messire Vaginay a signé avec les parties et nonlesdits Breton et auclerc pour ne savoir écrire enquis et sommé selon l’ordonnance. Thivend notaire royal

 


On y apprend que :

 - le prix de l'acquisition est de 9 993 livres.  Cela paraît modeste car, semble-t-il le marchand Vaginay était dans l'obligation de vendre pour régler ses dettes. D'ailleurs quelques années plus tard sa veuve tentera de revenir sur la vente en faisant valoir que les domaines en valaient le double.

- cette acquisition concerne seulement deux ensembles : le chateau du But et son domaine d'une part ; le domaine Chizelet d'autre part (lequel sera revendu  55 ans plus tard 9 000 livres à lui tout seul). Cela confirme qu'à l'origine le But n'était qu'un modeste fief mais de bon rapport, situé essentiellement au nord ouest de la paroisse ; les autres domaines que Marianne Rolin  possède sur la paroisse et situés à la Cuchère, Rottecorde, etc. viennent donc du fief d'Arcinges. Acheter le But est donc une bonne affaire car elle arrondit les domaines de la dame d'Arcinges.

- en outre avec le château : des droits.

- et, peut-être ce qui est de meilleur rapport, le moulin dont l'équipement est précisé ; où l'on voit qu'il servait pour les céréales (seigle principalement) mais aussi l'huile (noix, choux gras, chanvre...) utile pour la friture certes mais surtout pour les petites lampes à huile. Et peut-être pour des vertus thérapeutiques?

- le contrat de vente passé devant le notaire Thivend de Cours et au château d'Arcinges paraît entièrement contrôlé par la comtesse de Chauffailles. Pourtant il a tout d'un contrat de type bourgeois, ce qui correspond aux origines de Marianne Rolin : les titres de noblesse pour importants qu'ils soient ne sont qu'honorifiques, l'essentiel étant les affaires. Mais le nom du sieur Dessauges n'apparaît pas du tout alors que, d'après d'autres documents, il semble avoir joué un grand rôle dans cet achat.

- sur 9 993 livres, seules 9 814 sont additionnées dans l'acte et seulement 1 700 pour le marchand Vaginay (17.3% du prix de vente!). Le reste sert à payer des arriérés du vendeur : au curé d'Écoche un reste de dîme ; et surtout à peu près 8 000 euros constituant le remboursement de l'achat du But en 1695 (plus les intérêts). C'est dire si Vaginay devait avoir "le couteau sous la gorge", il doit même déshériter son fils futur curé (en présence d'un autre prêtre,  tous baptisés Claude!). Cela semble marquer la fin de la fortune des Vaginay à Écoche.

- on a ainsi les noms des vendeurs du But en 1695, soit les héritiers de Renée de Rochefort morte en 1682. A sa mort celle-ci n'avait presque plus que des enfants dans les ordres ; elle a donc dû tester en faveur de plusieurs personnes, . Il s'agit de :

                 Monsieur et Madame de Souternon. Ces sont le petit-fils Georges-Antoine de la Chaize d'Aix et sa femme Louise Gabrielle Perrachon de Senozan

                 Monsieur de l'Aubépin : il s'agit de François de Sainte Colombe marquis de l'Aubépin qui mourut assassiné devant le seuil de sa maison à Roanne, 6 ans après la vente du But

                 le baron des Prés : il s'agit de  Claude-René de Thibaud de Noblet, chevalier, marquis d'Esprès, seigneur de Chevagny et autres lieux, demeurant à Verosvres au chateau du Terreau. voir explcation ci-dessous.

                 les dames Ursulines de Roanne, couvent situé à l'époque  à la place de l'actuel palais de Justice. L'histoire de ce couvent est très lié à la famille du deuxième mari de Renée de Rochefort dame du But. Les Ursulines étaient arrivées à  Roanne en 1615 pour y fonder un collège pour jeunes filles. Jacques Cotton leur offrit une maison lui appartenant rue du Commerce (Sainte-Elizabeth) et qu'elles habitèrent pendant quelques années avant de déménager, à  la fin du XVIIe siècle, dans le bâtiment que nous voyons encore (palais de justice de Roanne). On peut penser que Renée de Rochefort testa en leur faveur et qu'une de ses filles y fut religieuse (soeur Marguerite de Saint Ignace).

ci-dessous :

le couvent des Ursulines à Roanne

ci-dessus : château de l'Aubépin



Comment un seigneur de Verosvres fut-il partie prenante de la vente du But ?

 

On trouvait la réponse, du moins partiellement, dans une liasse de vieux documents découverts au moment de l’inventaire du château d’Arcinges après la mort de Marianne Rolin comtesse de Chauffailles. Ces vieux documents plus ou moins en mauvais état ont été recensés par un greffier au service d’Antoine d’Amanzé puis ont dormi -tout au moins ce qui a subsisté- dans les archives de la maison de Vichy et enfin ont été numérisés par Claude Franckart au XXIème siècle, sous la cote 264.02. A partir de là, on peut reconstituer le parcours probable d’une rente (probable mais non certain à 100%) avant la vente du But en 1718 à la dame d’Arcinges.

 

Au départ le seigneur de Montruchet devait posséder une partie (la moitié) des dîmes d’Écoche. D’héritage en héritage cette « rente » est arrivée en possession de Claudine de Rebé, une fille d’Archangèle de Ronchevol. Celle-ci épouse Claude de Noblet et en a une fille Isabeau de Noblet qui se mariera à Philibert Thibaud de Thulon et dont la descendance est devenue seigneur du Terreau à Verosvre.

 

Un héritier vend cette rente à Jacques de la Chaize d’Aix du But, un fils de Renée de Rochefort, le 3 août 1653. Ensuite cette rente arrive au petit-fils de Renée de Rochefort, Georges Antoine de la Chaize d’Aix, seigneur de Souternon en 1666. C’est lui et sa femme qui revendent en 1695 la rente à Claude Vaginay qui devait déjà être le collecteur des dîmes. La rente est constituée d’un capital de deux mille livres environ représentant une valeur théorique de la moitié des dîmes d’Écoche et d’un versement annuel d’environ 170 livres. C’est ce versement qui reste dû aux héritiers de Philibert de etc, tant qu’ils n’ont pas été payés du capital. Vaginay devait donc au début du XVIIIème récolter les dîmes d’Écoche correspondant à l’ancien fief de Montruchet, en verser une portion au curé, une portion aux héritiers de Philibert. Si le marchand Claude Vaginay acheta cette rente c’est qu’il espérait en tirer un profit sans doute honorifique mais aussi financier. Or on sait que les années 1709-1710 sont particulièrement rudes, les aléas de la météo entraînant de mauvaises récoltes et des décès en surnombre c’est-à-dire au final une bien moindre rentrée des dîmes. Vaginay se trouve alors incapable d’honorer cette rente. En 1717 il doit reconnaître dans un acte cosigné par son frère prêtre, le montant de ses dettes à l’égard de dame Henriette Brigitte Martel veuve de Messire Philibert Joseph de Thibaud de Noblet d’Esprés et tutrice de son fils. Après l’achat du But en 1718, la comtesse de Chauffailles préfère liquider l’affaire et fait parvenir -dès le 9 septembre- à la dame en question la somme de 1800 livres plus quelques arrérages, par l’entremise de son homme de confiance Jean-François Dessauge. C’est peut-être cette transaction qui incitera dix ans plus tard la sœur de Dessauge à réclamer une part du But. Entre temps la veuve de Vaginay a contesté en vain la vente du But sous prétexte qu’en 1718 le prix d’achat ne correspondait qu’à la moitié de sa valeur.

 

Marianne Rolin avait réussi pour Écoche ce que les d’Amanzé cherchaient constamment à faire : être les seigneurs de toute la paroisse. Il restait cependant encore une partie des dîmes au seigneur de Verpré (le marquis de Drée à la fin). On sait qu’Abel de Vichy lui propose alors un échange afin que la totalité des dîmes lui revienne. Ce ne fut pas le cas. On comprend mieux pourquoi dans la plupart des cahiers de doléances il est demandé que le fruit des dîmes revienne enfin au curé et à la paroisse.

 

On peut remarquer le cheminement géographique de la rente entre des seigneurs qui résident en divers lieux : les Ardillats près de Beaujeu, Verosvres, Souternon, Arcinges. Souvent aussi ces seigneurs sont issus de noblesse de robe, plus férue en matière financière. Les boursicoteurs du 21ème siècle n'ont qu'à prendre graine!

 

Enfin on ne peut s’empêcher de penser que quand les curés Mathieu achètent le bénéfice de la cure d’Écoche, ils sont bien au fait de ses revenus : en effet leur village d’origine (Auvereau à Matour) est tout proche de Verosvres où les Alacoque sont apparentés aux Mathieu. D’ailleurs en 1717 lorsque les frères Vaginay reconnaissent leur dette à l’égard des marquis des Prés etc., l’acte est passé en la maison curiale de Verosvres, arbitré par le curé Potignon

ci-dessous le château du Terreau dans l'état actuel. bien aménagé au XVIIIème par les Thibaud des Prés grâce en partie sans doute à leurs revenus, pour certains fruits du labeur des Écochois.


Un incendie.

En 1731, un incendie détruit une pinède du But. Le notaire d'Arcinges, pour le seigneur, suspecte César de Montoux qui aurait pu le faire pour avoir été débouté de sa demande d'hériter de sa tante. L'enquête est faite, pour César de M. par un marchand de St Germain la Montagne, Sertolon et pour le comte de Chauffailles par Dubost procureur fiscal . Puis Claude Destre  notaire d'Arcinges commet deux "experts", habitants d'Arcinges Claude Labrosse et Louis Accary. La visite des bois incendiés en mai 1731 ne semble pas avoir désigné de coupable.