Héritages féodaux.

Au cours de l'Ancien Régime, à Écoche comme dans beaucoup de contrées, des institutions héritées des époques féodales perdurent. Il s'agit d'héritages et non de la véritable féodalité, dont le système même ne trouve pas de définition identique chez tous les historiens. On peut simplement considérer que la féodalité se prolonge au-delà des temps médiévaux à travers la survivance de droits et de privilèges. Utiliser donc l'adjectif féodal peut paraître anachronique mais ce mot permet d'en discerner à la fois le poids persistant sur les communautés d'habitants et le caractère non moderne puisque la bourgeoisie  détient désormais une partie des richesses et des propriétés.

Voir d'autres pages de ce site : de quelques notables ou fief du But ou conflits d'Ancien Régime ou Héraldique ou anecdote du XVIIème


Une seigneurie de "la Montagne"?

A la fin du XVIIIème siècle, les seigneurs qui dominent Écoche sont les héritiers de moults seigneuries. Pour gérer leurs immenses domaines ils les regroupent : Chamron qui correspond aux terres autour du château de Chamrond -aujourd'hui disparu mais lieu de naissance d'Abel de Vichy ou de Mme du Deffand ; Monceaux (Brionnais, aujourd'hui Montceaux l'Etoile) dont le château devient le lieu de résidence favori  du marquis de Vichy ; Paris pour les biens de la capitale ; Laborde pour les terres situées dans l'actuelle Côte d'Or -dont certains vignobles de Beaune ; enfin pour le reste un groupe baptisé la montagne comprenant la seigneurie d'Arcinges, du But, d'Estieugues et autres lieux. Il ne semble pas que Chauffailles et ses dépendances soient inclus puisque la belle-mère du marquis garde ses propres domaines autour de son château. Bref, Écoche est inclus dans la seigneurie de la Montagne..

Ainsi dans les fonds Vichy de la Médiathèque de Roanne (20F/105/1/3) on trouve la recette comptable en 1784 d'un montant de 696 livres venant de divers particuliers pour des LODS, dont on trouve une définition détaillée dans le dictionnaire en ligne CNRTL du CNRS :

Soit un droit qui est payé par M. le curé de Cuinzier, 20 livres ; Claude Perrin 120 livres ; Nicolas Grisard 24 livres ; Benoît Villeret 240 livres ; Antoine Fouilland d'Écoche, 292 livres.

Mais comme vraisemblablement les paysans faisaient un peu de résistance pour s'acquitter de ces vieux droits, Abel de Vichy dispose à Arcinges d'un "commissaire aux droits seigneuriaux", Schneider ; ledit Schneider arrive ainsi à récupérer une somme de 258 livres pour "différents temps" ce qui veut dire des impayés.

Schneider récupère aussi  572 livres et 13 sous en provenance des recettes des servis de Cours et Arcinges normalement dus à la St Martin d'hiver 1784 ; puis 682 Livres dus à la St Martin d'hiver 1785 et enfin les servis d'Arcinges soit 14 muids de froment, mesure de Charlieu pour la somme de 187 livres 15 sous.

Précisions :

-le curé de Cuinzier est alors Georges Donjon qui va mourir en 1787 à seulement 51 ans.

-Georges François Schneider est né en Suisse en 1744 ; recruté par les seigneurs de Vichy il se marie avec une femme de chambre de la marquise (emploi prestigieux) et le couple s'établit au château d'Arcinges puisque ses enfants sont baptisés à Arcinges. après la révolution Schneider fut géomètre à Marcigny.

-Claude Perrin serait d'Arcinges, Nicolas Grizard de Belmont, Benoît Villeret d'Écoche et Antoine Fouilland devait être domicilié au Crot des bois

-La Saint Martin d'Hiver correspond au 11 novembre.

-Les servis sont des droits seigneuriaux


Chaque année également, le seigneur de la Montagne perçoit des recettes de fermes que son comptable le sieur Humbert récapitule, par exemple pour 1785 (terme à la Noël).

D'abord 1554 livres provenant de : Veuve Polete, pour l'abénévis du moulin du But  74 Livres ; Claude Chavanon fermier de la Cuchère 486 ; Benoît Lacoste fermier du domaine Bonnefond 215 ; Jean Clairet 36 ; Antoine du Charme,45 ; Claude Joly 30 ; Rabut 4 ; Benoît Mercier 75 ; Claude Oviste, 60 ; Ronzières pour une année du domaine Chenillon 400 ; du même pour la ferme de la Glandée 30 ; du même pour la dîme du Chamvre 61 ; du même pour la ferme du petit pré clos 18 ; du même pour abénévis , 20 muids de seigle soit 20 Livres.

Ensuite, recette de la somme de 700 livres reçues de Vermorel pour le terme échu de Noël de la ferme du But et d'Arcinges.

Étonnamment  en 1785 les recettes avaient été sensiblement différentes : Vermorel 1400 livres ; Chavanon 1000 livres ; De Ronzières 436 livres ; Benoît Lacoste 430 ; Benoît Mercier 150 ; Jean Clairet 66 ; Pierre Roche 60 ; Claude Oviste 60 ; Vve Polette 60 ; Benoît de Ville 51 ; Antoine Ducharme 45 ; Claude Dumon 45 ; Pierre Lefranc 44 ; De Ronzières pour la dîme de Chamvres, 31; Michel Acary 30 ; Jean Joly 30 ; Claude Thion 21 ; Jean de Ville 18. Pourquoi ces différences? En fonction des récoltes?

Précisions :

-Un abénévis est un droit payé pour une prise d'eau

-La veuve Polette est Claudine Thévenet dont le mari Jean Polette ou Poullette ou Poulette décédé en 1781 était le meunier du But.

- En 1784 comme en 1785, de Ronzières est le régisseur du château d'Arcinges

-Vermorel , Benoît est un marchand d'Écoche appartenant à une famille bien implantée à Arcinges, Écoche ou Mars. Il est le mari d'Antoinette Duperron de Maizilly petite fille d'apothicaires chirurgiens. Benoît Vermorel avait acheté en 1773 un autre domaine dont il était le fermier : le domaine du Chezelet à Escoches, où il demeurait, pour un prix de 9000 livres payables sur 7 ans.

-la grange du Chenillon devait être importante puisque signalée sur la carte de Cassini. (actuelle commune de Cours). sur le cadastre de 1813 les grandes parcelles qui entourent Chenillon sont sans doute des survivances de l'ancien domaine.

Pour voir les caractéristiques de la vente à Benoît Vermorel, cliquer sur la signature ci-contre


Autres recettes.

En 1784, le sieur Ronzières, le régisseur d'Arcinges enregistre 4587 livres six sous de recettes provenant de la vente faite par ledit sieur des grains de la dîme et des servis de Cours et Arcinges recueillies en 1784, savoir

Seigle, mesures de Thizy : 1912 mesures à 42 sols (dont 36 mesures à 40 sols) soit 4012Livres 12 sols

Froment, mesures de Thizy 66 mesures à 54 sols = 178 livres 4 sols

Seigle, mesures de Charlieu 130 mesures à 52 sols = 338 Livres

Froment mesures de Charlieu 18 mesures à 3 Livres 5 sols = 58 livres 10 sols

Plus reste des grains de l'année précédente : 240 livres.

Le marquis a également vendu des bois à des particuliers qui ont payé le sieur Humbert :  pour 240 Livres à la veuve Épinard de Cours, plus 520 en retard ; pour 700 livres au nommé Bonnet ; pour 1500 livres au sieur Rocherain de Mardore.

Des coupes de bois ont été adjugées aux enchères : le 20 janvier 1785 Pierre Duleu a ainsi payé 275 Livres pour le bois de la Goutte Mont Florentin [sur l'actuel Cours]  ; à la même vente le sieur Rocherain a payé 3700Livres pour les coupes de Chatelard, de la Chantre, du bois Thivend et de 150 chênes marqués au bois Thivend [sur l'actuel territoire de la Ville] ; le sieur Chapon 50 pieds de hêtre pour 300 Livres ; le sieur Schneider d'Arcinges, 1150 livres pour la coupe du bois Cloux ; le sieur de Ronzières, régisseur a vendu 6 arbres au curé de Cours [à l'époque Philibert Pillet] pour 60 livres.

Comme il n' y a pas de petit profit, la vente de mauvais bois de la démolition d'une partie du château d'Arcinges a rapporté 108 livres ; celle de 15 vieux baliveaux du bois Thivend, 150 livres (payés encore par le sieur Rocherain ; enfin celle de 17 baliveaux du bois Thivend au nommé Bonnet de Cours 240 livres.

 

Rappel : une livre = 12 sols et 1 sou = 20 deniers.


Mais qui était ce marquis Abel de vichy?

Cet homme a sa vie qui a été racontée en 1939 par J-B Derost dans "mémoires du Brionnais" et ce texte est proposé in extenso sur http://pjpmartin.free.fr/site/Vichy_Abel.htm

Mais ce texte est en fait une hagiographie contre-révolutionnaire, n'utilisant que certains aspects de sa vie qui sont orientés dans le sens d'en faire une sorte de martyr de la Révolution. S'il est toujours difficile de se faire une idée exacte, la consultation du fonds Vichy qui se trouve actuellement à la médiathèque de Roanne donne une image bien plus complexe du personnage.

Tout d'abord c'est un membre d'une famille noble* qui bénéficie d'un immense héritage : pas seulement les seigneuries et propriétés d'Arcinges, Cours et Écoche, loin de là! Son immense fortune fut allègrement dépensée pour ne pas dire dilapidée ; parfois pour quelques secours aux nécessiteux, parfois pour embellir certaines églises -mais en fait, à Montceaux pour y construire un mausolée richement décoré en l'honneur de sa femme et de lui-même... Très cultivé il est séduit par les Lumières*, se constituant une très importante bibliothèque, créant un laboratoire scientifique de chimie à Montceaux, soignant son parc arboré, reconstruisant son château, possédant à Paris et à Lyon plusieurs demeures ou hôtels particuliers (dont la fameuse Cour des dragons). Séduit par les Lumières et anglophile, il se fait à Paris franc-maçon, finançant en partie une loge (loge de la Réunion des Étrangers). Ses idées font de lui un de ces nobles favorables à la Révolution. Pourtant jusqu'à la fin, il exige la rentrée des droits féodaux, des dîmes,etc.

Personnage complexe  il prend le parti des républicains de Lyon (fédéralistes mais aussi des royalistes) contre les Montagnards. Ceux-ci, vainqueurs provisoires, le font fusiller mais lui-même  avait fait partie d'une cour martiale dirigée par Loir, cour qui, elle aussi, avait fait exécuter des personnes de l'autre camp et avait choisi de punir les femmes "espionnes" en leur coupant une partie de leur chevelure...

Donc personnage ni bon ni mauvais mais profondément de son temps et de son milieu.

Dans le papiers de Vichy, on trouve une abondante correspondance tenue par le chargé d'affaires du marquis qui se plaint systématiquement des dettes que son maître consent ; il n'hésite pas à lui dire qu'il agit par égoïsme, que se recherches scientifiques et maçonniques sont des lubies. Il a en 1786 cette formule "La pierre philosophale,  elle est  dans vos terres, Monsieur le Marquis".**

*Voir par exemple G Chaussinand Nogaret, la noblesse au XVIIIème siècle, de la féodalité aux Lumières, Hachette 1976

** Médiathèque Roanne, 20F/109/8/5.

Dans ces lettres l'Abbé Denis se plaint de ce que le marquis, à Paris, délaisse un peu ces terres d'Arcinges, Écoche ou Cours. Ainsi en février 1785 il se plaint d'un représentant local (régisseur? procureur?) du seigneur à Arcinges "...ce qui est certain c'est qu'il convient d'en avoir un autre que Dextre. Ce Dextre sort d'ici [Chamrond ou Montceaux] dans le moment et me dit  que le greffe  était aliéné à la maison Thivend ; si vous en avez connaissance, il ne faudrait pas vous compromettre..." et en janvier 1787 " M. Ducarre a même ajouté que les montagnards assez difficiles en affaires pourraient se plaindre et qu'il serait à propos que Roussard résidat sur les lieux. Il a dit le contraire à ce dernier auquel je luy ai parlé et qui promet qu'il ira régulièrement deux fois par semaine dans ce pays là et que personne ne souffrira de cet éloignement, puisque vous lui avez promis des provisions, aïez donc la bonté de me les envoier, toujours faut-il se déffaire de ce mauvais sujet de Dextre qui est un yvrogne et un chicaneur. M. Schneider avait bien envie d'avoir cette place mais vous l'aviez promise tout est dit"

Portrait "officiel" d'Abel de vichy, d'après les archives de la famille de Vichy, numérisées par Claude Franckart

https://www.geneanet.org/archives/registres/view/?idcollection=173928&page=3

Buste de son fils qui vendit au début du 20ème siècle son héritage du But, archives de la famille de Vichy numérisées par Claude Franckart

https://www.geneanet.org/archives/registres/view/?idcollection=173928&page=1



Comme tous les nobles, le dernier seigneur d'Écoche est convoqué pour préparer les États Généraux et élire les représentants de son ordre ; Vichy est convoqué trois fois : à Mâcon entant que seigneur de Montceaux, Ligny... ; à Dijon entant que seigneur de Malain, Sombernon,...; et à Villefranche pour ses seigneuries d'Estieugues, Arcinges, Escoches....