L'Ermite d'Écoche

Il existe plusieurs cartes postales anciennes (vers 1910) de l’ermite (ou l’Hermite) d’Écoche. L’une d’elles a naguère été vendue sur e-bay pour 18 euros (le 2 mai 2007). Une autre est reproduite dans un livre – fort intéressant au demeurant - de reproductions de cartes anciennes des villages du Forez (auteur M. Bouillier).La légende qui l’accompagne n’est que partiellement juste. En effet ce personnage n’est en rien un itinérant qui se serait fixé par hasard « entre deux routes ». C’est bel et bien un enfant du pays. En mai 2007, il restait encore quelques personnes vivantes à avoir un souvenir assez précis de l’Hermite. Sa nièce Marie est morte centenaire en 2017

Son patronyme est Valentin ; il est né à Ecoche dans une modeste famille de paysans-tisserands. Très croyant, il part jeune en pèlerinage à Rome, à pied. A son retour, il prend sa part d’héritage, dont une petite terre sise à Lachal, entre les actuelles départementales 39 et 87 (mais le morceau de terrain était si petit qu'il a fini par disparaître dans les élargissements succssifs des routes -dernier en date en 2010). Sur cette parcelle triangulaire de quelques mesures (une mesure=1000 m² environ), il construisit de ses propres mains sa maison, en récupérant ici ou là des pierres, des planches ; les tuiles que l’on voit abondantes sur une carte postale lui ont été données avant la guerre de 14 par un habitant de Lachal qui avait lui-même refait son toit. Le confort est modeste, mais à cette époque personne n’a l’eau courante ni encore moins l’électricité.

Pierre Valentin, dit l'Ermite, pose ici devant l'entrée de son modeste oratoire. L'éditeur de la Carte postale, Barriquand , l'a -ironiquement- intitulée "la nouvelle Jérusalem", en ignorant peut-être que c'était aussi le nom d'une célèbre loge maçonnique. Si les étais et la chaise paraissent bancals, le petit oratoire est bien dressé avec une nappe sur laquelle sont brodées une croix et des fleurs ; le tout surmonté d'une statuette de Marie et en dessous une grande image du Sacré Coeur, dont la dévotion battait son plein à cette époque. Une décoration de fougères et de fleurs sauvages procure la fraîcheur qui peut évoquer une grotte.

 

Ni en haillons, ni en vêtement de bure, le personnage est vêtu comme un Écochois endimanché d'alors : sabots, pantalon très propre, veste et chapeau. Il ne montre aucune réticence à poser devant l'objectif. On aperçoit une petite image pieuse suspendue aux fougères.

 

Malgré son titre emphatique ou ironique, la photographie est empreinte de pieuse sérénité.

Sur la carte postale ci-dessous, le photographe a élargi la vue à l'ensemble de l'"ermitage". A l'oratoire, couvert de végétation au centre, s'ajoutent un arrière-plan et la demeure même de l'ermite, que l'on retrouve sur d'autres photos. Ici, il est adossé à sa cabane, vêtu d'un autre chapeau, d'une jaquette et d'un gilet noirs. Des croix se dressent partout et à droite le calvaire lui-même ; sur la route (qui monte à la Bûche) la faiblesse de la circulation permet à quelques voisins de rester assis. Malgré sa modestie, la maison paraît solide, montée en pierres ; une partie du toit est en végétation, une autre en tuiles creuses qui permettent d'ailleurs de récupérer l'eau de pluie, un chenal descendant sur le côté. A part Valentin, les hommes sont en chemises et chapeau de paille, c'est l'été, plus précisément en août car on aperçoit dans une terre en haut une grosse meule de paille. L'arrière-plan a peu changé de nos jours, si ce n'est qu'à côté des maisons, on a désormais les gîtes "rondins de bois". Le parcellaire est à l'époque à peine plus morcelé qu'aujourd'hui

La carte ci-dessous montre l'ermite au milieu de la route tandis qu'on aperçoit à droite une voiturette (barotte en patois) tirée par un chien. Il est possible que le jeune homme l'utilise pour aller ramasser de l'herbe voire des coquilles dans les bois. On sait que l'Ermite lui-même allait en vendre sur les marchés de Cours, avec parfois des châtaignes ou des champignons. Le voiturier Démure du bourg le transportait souvent gratuitement. De façon générale, il semble que la population l'appréciait pour la petite célébrité qu'il entretenait mais aussi pour sa piété jugée sincère -et parfois, il est vrai, ostentatoire. Un autre écochois est présent avec un panier, typique de la vannerie domestique ; il est lui-même bien habillé : chapeau blanc, chaîne de montre dans le gilet.. a l'arrière-plan, on distingue nettement la route de Belmont (telle qu'elle exista jusqu'en 2010) et le chemin qui passait sur l'emplacement actuel de la dite route. Le plan d'eau n'existait pas encore (vers les peupliers) comme n'existait plus l'ancien étang (étang roux) dont le chemin emprunte la digue.

La carte ci-dessous a circulé en 1913. Elle est sans doute un peu plus ancienne que celles ci-dessus car on ne voit pas l'oratoire ; l'arbre sans feuille indique une saison hivernale vers le mois de mars. L'ermitage paraît encore nettement en-dessous du niveau de la route avec donc un accès pas encore bien net comme sur les cartes précédentes. Cette photo est intéressante car les voisins  du hameau de Lachal sont venus poser. Et un Écochois d'aujourd'hui passionné par le recherche généalogique a réussi à retrouver le nom de plusieurs des personnages.

On aurait, de gauche à droite : Louis Giraud, un réparateur de bicyclettes, accordéoniste à l'occasion puis Max Lachize d'Arcinges qui tient un verre dans lequel Jules Aubonnet verse à boire ; Jules Aubonnet cabaretier à Lachal, boulanger, fut maire d'Écoche de 1892 à 1908 ; sur le toit Pierre Valentin lui-même devant une table à prêcher ; sur le cheval-tricycle Camille Danière né en 1905 et derrière lui sa mère née Marie Hélène Aubonnet,  fille de Jules. A noter qu'une tante du petit Camille avait épousé un frère de l'Ermite. On ignore qui sont les trois autres personnages, tous assez jeunes...


Deux des cartes postales ci-dessus sont des clichés réalisés par Claude Barriquand. Il s'agit d'un séminariste dont le père était forgeron au bourg d'Écoche. Il faisait imprimer en cartes postales ses clichés à Charlieu. Il est également l''auteur de " l'entrée du bourg" et de la photographie qu'on trouve ici.