La fortune des Moncel-Deschezeaux.

 

 

 

Si, à la fin du XVIIème, les propriétés d’Henry Deschezeaux sont les plus importantes de la paroisse d’Écoche, on est en droit de se demander d’où vient cette famille Deschezeaux. En recoupant plusieurs indices contenus dans les archives du château de Drée numérisées en 2015 par Claude Franckart, on peut percevoir quelques étapes de ce qu’il faut considérer comme une ascension sociale, progressive certes, mais réussie tout de même.

 

Tout semble commencer à Mars, au village des Chézaux situé tout près de Coublanc, d’Arcinges et d’Écoche [aujourd’hui orthographié les Chézos].

 

On apprend tout d’abord qu’en 1395, un certain Pierre Sirot vend à « noble Jean de Nagu » la terre des Echesault contenant dénombrement de ladite terre située dans la paroisse de Mars avec la justice entière en icelle terre ». Autrement dit, ce village devient  propriété de la famille de Nagu, y compris ses habitants (« dénombrement ») alors considérés comme des serfs (droit de mainmorte qui subsiste plus ou moins très tardivement en Bourgogne). Une héritière de ce Jean de Nagu, Jeanne épouse au milieu du XVème siècle un Jean Damas seigneur de Verpré faisant passer ainsi les (E)Cheseaux sous la domination de Verpré. Or en ce même milieu du XVème siècle, Jean de Damas affranchit de la mainmorte les villageois des Chézeaux, ce qui doit permettre à certains de sortir de la contrainte communautaire et peut-être d’améliorer leurs terres, le village étant situé sur une pente exposée au sud-ouest.

 

C’est pourquoi, quelques années plus tard, on trouve une famille de ce village qui semble plus « fortunée » et liée à la maison de Verpré, la famille Moncel, dont certains membres vont vite être dits des Chezeaux, Deschezeaux.

 

Ainsi, en 1524 Jacques Damas établit une quittance au profit de Simon Deschezeaux de la paroisse d’Escoches pour avoir payé 29 années de retard de servis dûs au seigneur de Verpré ; cela doit concerner des terres qui ne dépendent ni du But ni d’Arcinges, donc sans doute encore situées à Mars ou à Coublanc. Néanmoins ce Simon réside à Écoche et il est dit de la Colonge, ce qui signifie qu’il a déjà acheté le domaine de la Colonge où habitera son descendant (petit-fils ?) Henry, au bourg près de l’église. Entre Simon et Henry, il y eut un autre Deschezeaux, Jean, notaire, peut-être le premier. Ces fonds seront augmentés par achats successifs, notamment à Bonne Fagot veuve Destre, deux patronymes de familles de notaires, ce qui peut laisser supposer l’achat de l’office. Écoche n’est pas loin du château de Verpré même si celui-ci se trouve dans la paroisse de Tancon (4 km à vol d’oiseau).

 

En 1597 plusieurs membres de cette famille : Pierre, Guillaume et Jean Moncel, vendent ensemble plusieurs fonds situés aux Chézeaux mais aussi  sur Coublanc et Écoche, joignant les terres du sieur du But, à Aimée de Damas, dame de Verpré. Le montant de la vente est colossal : 500 écus d’or soleil. A cette date, un écu soleil dit Henri III équivaut à environ 3.5 livres tournois ; le montant total est donc de 1750 livres tournois. Mais ces 500 écus servent pour 208 d’entre eux à  rembourser des dettes auprès des Damas, les 292 autres étant transformées en une obligation de la dame de Verpré. Cela montre que les Moncel étaient capables d’emprunter de fortes sommes et semble indiquer de bonnes relations entre les Moncel-Deschezeaux et les Damas de Verpré, faites sans doute de confiance et de services rendus. Devenus « riches » rien n’empêche alors les Deschezeaux de nouer des alliances avec d’autres familles aisées comme Jean qui a pris pour femme Huguette fille de Claude Vallet marchand de Thel. Ou encore le notaire d'Écoche Claude (mort en 1654) qui avait épousé une demoiselle de la Rivoire* d'une grande famille d'avocats de Charlieu, Roanne, Paris et dont le frère Louis de la Rivoire s'en est venu décéder en 1663 à Écoche, lui qui est dit "Bourgeois de Paris en 1644, conseiller et médecin ordinaire du Roi en 1656 et marguillier de sa paroisse en 1658 à Charlieu"

 

En 1601, « Jehan Moncel dit Deschezeaux, laboureur de Mars », résidait alors «  en la grange de la Tour à Saint Maurice". Saint Maurice, dont le seigneur est celui de Verpré. Saint Maurice où résident plusieurs bourgeois qui officient pour la châtellenie de Châteauneuf. Saint Maurice où les Deschezeaux resteront très présents. Henry y épouse -vers 1665- Denise Peguin qui apporte en dot le domaine du Charne (sur l’actuelle commune de Saint Edmond). Son fils Pierre qui a épousé Catherine fille de la prestigieuse famille des Bouquet d’Ambierle, y revient souvent comme conseiller du Roi et rapporteur vérificateur des défauts de la Chatellenie de Chateauneuf,  puis pour y finir ses jours. Leurs fils Jacques et Claude prêtres résident souvent au Charme ; Claude étant nommé curé de Tancon par le seigneur de Verpré (Gilbert de Drée qui avait épousé Jeanne de Damas).

 

Après Pierre, le patronyme Deschezeaux disparaît de la paroisse d’Écoche mais pas la famille. Une fille  d’Henry avait épousé Gabriel Batailly marchand de Cublize et une autre fille Anne se maria avec le fils de Gabriel issu d’un premier mariage. Les descendants de Marie et Anne se marièrent souvent à Écoche et un Claude Batailly est au moment de la révolution membre du conseil général de la commune d’Écoche. En 1916, naissance de Solange Batailly, sans doute une des dernières à porter ce patronyme à Écoche ; certains de ses enfants y sont toujours résidents.

*A Charlieu la famille des la Rivoire possédait un manoir le long du ruisseau de St Nicolas ainsi qu'un moulin. Riches bourgeois, ils passèrent à la Réforme dès le début du XVIème siècle ; ce serait chez eux que Michel Servet aurait été hébergé lors de son passage à Charlieu. Une Anne de la Rivoire aurait épousé un autre marchand de Charlieu, Favon lui aussi protestant ; leurs quatre enfants nés à Charlieu entre 1509 et 1525 durent s'exiler à Genève où ils épousèrent d'autres huguenots ; un petit-fils d'Anne, Abraham Favon fut membre du Conseil des Deux Cents qui dirigeait la République de Genève. En revanche les bourgeois restés à Charlieu sont redevenus catholiques : l'évêque de Mâcon autorisant Louis à gérer l'héritage des mineurs Deschezeaux en 1654.