Extrait d'un acte notarié de 1836

(avec l’orthographe de l’époque et sans les patronymes)

Arroser les prés était vital, mais le parcellaire très morcelé…

L’étang roux se trouvait sans doute à l’emplacement du plan d’eau actuel ; mais de quels anciens moulins s’agissait-il ?

"Pardevant Me André Pomey, notaire à la résidence de Belmont (Loire), furent présens, Claude M. propriétaire demeurant en la commune d’Ecoches d’une part ; Pierre C. avec lui et sous son autorité, Laurence Marie C. sa femme propriétaires demeurant aussi à Ecoches, agissant tant en leur nom personnel qu’en celui d’A. C., veuve de Jacques C, leur mère et belle-mère, pour laquelle ils se font forts à peine de tous dépens dommages et intérêts, d’autre part.
Lesquels ont expliqué ce qui suit : M. possède un pré dit du Pont, situé à Ecoches, territoire de la Cuichère ayant une contenue en superficie de soixante ares environ, joignant de matin et bise les prés des mariés C., de soir les mêmes prés et de midi une terre au dit M. ; sauf plus justes confins aux termes d’un acte de partage passé devant Me Labrosse, notaire à Cours, le trente un décembre mil huit cent onze, ce pré doit être abreuvé par le moyen d’un béal allant à la tête dudit pré, entre la terre de M. et le pré des consorts C., jusques sous la Chaussée de l’étang roux et à la naissance de l’eau ou elle lachait ci-devant.
Ce béal doit avoir une largeur d’un demi-mètre. Deux autres biefs servaient encore à l’irrigation des mêmes prés, l’un prenant naissance dans le pré des consorts C. à huit mètres de distance de la borne qui fait bise et matin au pré de M. et l’autre au dessous des moulins qui existaient alors dans le pré des consorts C.
Des difficultés se sont élevées entre les comparants sur l’exercice de ces diverses servitudes. Les consorts C. avaient même le droit pour l’irrigation de leurs prés de prendre des eaux dans celui de M.
Pour simplifier leurs droits réciproques et pour arrêter et prévenir toutes discussions ultérieures, les comparans aux qualités qu’ils agissent ont fait entre eux le traité suivant par forme de transaction sur procès à venir.
Pour l’irrigation de son pré, M. recueillera par le bief déjà existant et qui a été mentionné le premier aux présentes, toutes les eaux qui tombent de l’étang roux dans les prés des consorts C. et les dirigera toutes comme par le passé jusques dans son pré , pour ensuite en user comme bon lui semblera, depuis le lundy soleil levé jusqu’au jeudi à midi de chaque semaine, avec la faculté d’aller les chercher et de prolonger le bief jusqu’au chemin, dans le cas où elles seraient remontées par les propriétaires de l’étang ;
Ce droit tiendra lieu à M. de toutes les prises d’eau qui lui résultent soit de l’acte de vente ou division susdaté, soit de tous autres actes postérieurs ; de sorte que les deux autres biefs dont il vient d’être question seront supprimés et demeureront sans effet.
quant au bief présentement stipulé et maintenu, il aura deux mètres de largeur sur un tiers de mètre de profondeur et il sera établi et maintenu à frais communs.
Depuis le jeudi à midi jusqu’au lundi soleil levé, toutes les eaux tombant de l’étang roux appartiendrons aux consorts C. qui les recevront par ledit bief ou autrement à leur gré et en useront comme bon leur semblera.
mais ils n’auront plus le droit d’aller chercher aucunes eaux dans le pré de M., qui par conséquent demeurera affranchi de toutes les servitudes dont il était grevé au profit des prés C.
Cependant pour ne pas nuire aux consorts C., M. devra s’abstenir de vendre à qui que ce soit ou de détourner à leur préjudice les eaux qui tombent de son plaçot et de sa terre dans le chemin tendant d’arcinges à la Cuichère, sous réserve d’en user dans son fonds comme bon lui semblera et sans préjudice des droits acquis à des tiers.
Dorénavant les présentes stipulations feront l’unique loi des parties contractantes en ce qui concerne les servitudes d’eau seulement, sans avoir égard à celles contenues en tous autres acte antérieurs, sans préjudice des clauses qu’il peuvent contenir étrangères à l’irrigation des prés dont il s’agit.
Il reste bien entendu que les consorts C. , pour la sortie de leur pré pourront établir un pont sur le bief, à la charge de l’entretenir sans nuire à l’écoulement des eaux.
Dont acte.

…le trois février mil huit cent trente six…"

 

Commentaire : cela paraît compliqué!

Ce texte date de 1836; or si l'on prend le relevé fait par Ragot en 1833 pour établir le cadastre, il est très difficile de localiser l'affaire. On ne voit pas l'étang roux, mais vraisemblablement il devait être peu important et jouxter ce chemin d'Arcinges à La Quichère ; il est question d'un pont, sur ce chemin ; mais de moulins, point de trace à cet endroit.

Remarque : un plaçot est un pré enclos souvent à proximité de l'habitat ; un béal est un tout petit canal ; un bief est intermédiaire entre le béal et le petit étang. Mais bief et béal sont parfois synonymes (en patois un bi). Hypothèse ci-dessous :

Bleu : l'étang roux

Triangles : moulins

Vert clair : le pré du Pont

Vert foncé : le plaçot

Trait orange : le chemin d'Arcinges à La Quichère.

 

Dans le paysage de 2018, on peine à retrouver cette configuration :


Au XIXème siècle, il existait des moulins à eau, pour faire fonctionner soit une meule soit une scie. On en repère quelques-uns sur le cadastre napoléonien grâce au bief et au canal d'amenée. Les voici ci-dessous

Moulin sur le Pontbrenon, non loin de sa source ; le lieu continue parfois d'être désigné "au meunier blanc" (é mouni blin) ; l'emplacement est au bas de la croix de la fin, lorsque la D 39 passe dans le vallon en faisant un grand virage ; sur la droite légèrement en surplomb de la route, une petite maisonnette derrière laquelle on devine les murets du bief...(photo mars 2019)

 

Sur le Pontbrenon, en-dessous du hameau Fonterest. Tout a disparu ; la courbe du chemin est encore identique. Dans un terrier datant de la fin du XVIème siècle, ce moulin (et écluse) est appelé le moulin Girollet. Il est transformé en pré dès le XVIIème par  Claude et Guillaume Fonterest. Ce serait les sorties du moulin qui auraient donné le lieu dit "les chenaux". Ci-dessous le petit talus indique peut-être la sortie du bief. A la place du "pont", au XVIIème existait une planche.

 



Sur le Pontbrenon, en-dessous du hameau de Laval ; non visible de nos jours car le chemin jadis appelé chemin du moulin est désormais bouché. Le bief a été comblé vers 1960 par François Morel. (dans la langue écochoise on appelle le bief du moulin, une écluse.

Sur le Pontbrenon, au lieu-dit "la Baise". La maison existe toujours, habitée. Attention le trait bleu est une limite cadastrale, le ruisseau est plus clair avec des pointillés. Le chemin en bas descend de Chibertillot puis remonte vers le bourg ; à gauche le chemin part en direction du But.



Sur le Pontbrenon encore mais juste avant le confluent du ruisseau de Goutte Sourde et du Pontbrenon, le moulin du But, le plus repérable aujourd'hui car le bief subsiste ; le bâtiment a abrité une scierie pendant longtemps.

Le voici, le bief, aujourd'hui (mars 2017). Ci-dessous, malgré la brume hivernale de 2014, on distingue bien le système canal d'amenée/bief/retour vers le ruisseau.



Là nous sommes au pont de Vatron sur le ruisseau descendant des Gouttes sourdes. A la fin du XIXème siècle et dans la première moitié du XXème, ce bief a été utilisé comme lavoir public.

Aux Bruyères, sur un ruisseau descendant vers Vaux (Belmont), un système plus complexe. L'étang existe toujours. La scierie (Danière) a fonctionné jusqu'au milieu du XXème siècle.



Ci-dessous, reconstitution sommaire de l'utilisation de l'eau pour un hameau (ici Fillon) avant les adductions communales de 1969 ou locales de 1959 (situation vers 1950 ici)

 

Sur cette photo aérienne du hameau Fillon, les croix rouges indiquent les bâtiments qui n'existaient pas en 1950.

 

Les petits cercles en  bleu foncé localisent les points d'eau potable : fontaines, sources ou pompes.

 

Les carrés en bleu clair localisent les crots pour la lessive

 


Irrigation et drainage.

A l'époque de la petite polyculture, Écoche n'avait que de petites exploitations ; certaines même étant des micro-exploitations, aux revenus si maigres que le tissage à domicile était souvent un complément nécessaire.

Quoi qu'il en soit, le parcellaire était particulièrement morcelé. Ces mini parcelles se répartissaient entre jardinage, vignes, terres à céréales, à pommes de terre et prairies.

Celles-ci ne représentaient donc qu'une petite moitié du finage non boisé.

En simplifiant, par rapport à l'hydrographie, trois types de prairies :

- a -les prés permanents de pente

- b -les prés permanents de fond de vallée

- c -les prés presque sans eau et souvent non permanents.

 

La catégorie c concerne des prés où l'eau était soit absente, soit présente dans un seul point ; ces prés sont souvent en hauteur ou à mi-pente, parfois à faible dénivelé. Ce sont des prés de fauche que l'on fait pâturer seulement à partir de la fin de l'été ; souvent non enclos, ils nécessitent de surveiller le troupeau au moins la matinée avant de le mener dans un pré avec eau (expressions locales : garder les vaches, aller en champ, tâche très souvent confiée aux enfants). Ces prés peuvent être mis en culture pendant quelques années (assolement irrégulier). Faire passer une prairie en champ cultivé se dit "verser le pion". Faire passer un champ cultivé en prairie se dit "apprayer". Ce type de champ non enclos montre que traditionnellement à Écoche, nous n'avions pas de véritable bocage.

 

La catégorie b concerne des prairies souvent très humides ; d'où la nécessité d'un drainage. Celui-ci se faisait à la pioche en traçant des petites rigoles (railles) qui acheminaient l'eau vers le ruisseau. Drainage (faire les railles) qui se pratiquait pendant les journées de fin d'hiver, travail assez long. Drainage qu'il fallait souvent refaire après le passage des troupeaux qui piétinaient les rigoles. Parfois l'eau s'écoulait très mal, stagnait et pouvait prendre une couleur de rouille (l'eau rouge), liée à la nature de la roche. Ces prés de fond de vallon étaient parfois appelés prés de colline, colline ayant ici un sens particulier de combe (étymologiquement par déformation de couler?)

 

La catégorie a était sans doute la plus nombreuse. Ces pâturages ("paquis") souvent clos devaient être "arrosés" pour que l'herbe soit un peu plus fournie. L'arrosage se faisait soit de façon permanente par un système de rigoles à faible pente (presque perpendiculaires à la pente) afin d'amener l'eau un peu partout, soit au printemps en vidant en haut des pentes les réservoirs remplis pendant l'hiver, appelés "serves". On pouvait dans certains de ces prés y faire des foins voire du regain les bonnes années. A ne pas confondre avec le fauchage des "retros" (refus en français) qui concernait en automne les herbes que le troupeau avait laissées -dans une agriculture pauvre, rien ne devait se perdre.

 

A noter que les prairies nécessitaient bien d'autres travaux comme l'arrachage à la pioche des chardons!

Les haies vives étaient également utilisées pour fournir du combustible ; certains parlent de forêt linéaire pour évoquer ces arbres (frênes, hêtres, châtaigniers, chênes..) plantés en lisière de champ.

Chardons d'Écoche. Il était fréquent qu'au milieu du champ on trouvât des arbres fruitiers (ici un pommier)

Aujourd'hui les parcelles agricoles sont nettement plus étendues (à la différence des parcelles cadastrales) ; les champs cultivés ont presque disparu ; au premier plan, un "apprayage" en 1975. On voit bien au milieu de la photo ce qu'on entend par forêt linéaire.



 

En-dessous du hameau du But on peut encore deviner le tracé des rigoles d'irrigation

(photo 2017)

 

La ligne des arbres au 2ème plan est typiquement la forêt linéaire.