Propriété et faire-valoir dans l’Ancien Régime à Écoche.

Rappels : le statut des terres paraît très complexe aux 17e et 18e siècles car il est hérité de divers droits, usages voire coutumes mises en place au cours du Moyen-Age. En principe et en gros, il existe plusieurs cas :

A- Les alleus, terres en principe appartenant en pleine propriété à un paysan libre et transmissibles à ses héritiers. Ces alleus (ou franc-alleu) résulteraient de périodes où localement les défrichements se seraient effectués sans tutelle seigneuriale. Il n’y en a pas (ou plus) à Écoche pour notre période.

B – la propriété seigneuriale dite parfois propriété directe. Il s’agit apparemment de l’ensemble des terres d’Écoche. Cette directe peut se partager entre :

-les bois du seigneur dans lesquels celui-ci dispose d’un garde, avec, à partir de Colbert, des litiges avec les Eaux et forêts. Le seigneur du But a ses bois sur le Haut But et un peu sur Coublanc ; le seigneur d’Arcinges possède des bois au Châtelet et surtout à Rottecorde. D’autres seigneurs peuvent avoir des bois sur la paroisse : le seigneur de Verpré ou le seigneur de Ressins. Mais à partir du 17e des bois sont propriétés de bourgeois de Charlieu, Saint-Maurice ou même Villefranche ; bois achetés à la faveur de crises. Dans ce cas ces propriétaires versent des servis à un seigneur.

-la réserve dans le cas d’une grosse seigneurie ; c’est une terre que le seigneur exploite grâce à un ou des domestiques. C’est sans doute le cas autour du château du But avec un fermier ou un granger selon les périodes (Vaginay fermier dans les années 1680 ; Grapeloup granger en 1729...)

-des domaines admodiés c’est-à-dire loués avec un bail -souvent de 6 ans- à un fermier (parfois appelé simple granger). C’est le cas des trois domaines de la Quichère appartenant au seigneur d’Arcinges ; ou du domaine Chizelet appartenant au seigneur du But. A cette époque les baux de fermage sont en grande partie des baux à cheptels ; le propriétaire (ici un seigneur) fournit des animaux que le granger ou fermier doit rendre en fin de bail -avec foin et paille- Et en cas de croît du troupeau, le propriétaire en reçoit une part. Le bail précise parfois des corvées de transport voire le partage des fruits des arbres tout en autorisant le glandage dans les bois du seigneur.

- des terres dites tenures exploitées par des tenanciers, soit la plupart des habitants. Ces tenures sont dans les faits devenues héréditaires mais toujours soumises à des cens (ici dénommés servis) dûs au seigneur (on dit que le tenancier a la propriété utile). Ces divers servis sont notés dans des serviers (ou censiers) parfois encore appelés terriers (même si les terriers sont un peu différents : durables alors que les serviers sont parfois mis à jour par des « reconnaissances »). Comme, en théorie, le tenancier n’est pas le propriétaire, chaque fois qu’il vend, loue ou hérite de sa terre, il doit au seigneur payer des droits comme les Lods.

Ces statuts sont liés à la terre et non au statut personnel : un seigneur peut être ecclésiastique comme une abbaye, mais rien de tel à Écoche ; noble ou non : quand Vaginay, marchand non noble a pris possession du but, il était le sieur ou seigneur du But. Certains nobles pouvaient au départ (XIIe-XIIIe siècles, quand s’est mis progressivement en place le statut de la noblesse) ne pas avoir de seigneurie mais un simple alleu, appelé alors fief (mais pas toujours).

C- Les terres communes, dénommées simplement parfois « communes ». Il s’agit de parcelles appartenant à une communauté villageoise, donc ne versant aucun cens à un seigneur. Ces communes existent pour le village de la Quichère, d’autres pour « ceux de Laval » ou pour « ceux de la Forest » ou encore « ceux de Berthillot » Mais tous les villages ne semblent pas en avoir forcément (mais leur absence dans les documents ne signifie pas systématiquement leur absence dans les faits). Elles sont inaliénables en théorie. Ce sont par exemple des places communes au milieu des maisons avec un puits commun, ou des terres quasi incultes, des vassibles, utilisées par les plus pauvres parfois loin de leur maison pour la dépaissance des moutons ou des porcs voire pour le ramassage de branchages pour le feu. Certaines de ces communes se sont maintenues après 1789 dans les « communaux »

Tout cela est bien compliqué pour nos esprits habitués à la campagne à bien déterminer ce qu’est la propriété depuis le 19e siècle.

Autre point sans rapport avec le statut ou le faire-valoir : toute tenure qui produit est redevable de la dîme, à Écoche d’une valeur représentant 7% environ de la récolte et prélevée en nature. Cette dîme n’enrichit pas l’Église mais les décimateurs, à Écoche principalement le seigneur du But, celui de Verpré et celui d’Arcinges.

 

Après ces rappels, revenons sur un cas : des terrains de la Quichère qui changèrent plusieurs fois de « directe ». Les documents qui nous racontent ces changements se trouvent dans les archives privées Vichy sous la côte 264.03

Résumé : en mai 1588, un petit seigneur, Claude Auclerc seigneur de Monbernier et l’Orme à Coublanc asservit des biens à la Quichère [écrit Cuchière], c’est-à-dire qu’il se fait reconnaître comme seigneur de ces biens. Le notaire est Delaforest de Belmont. Les tenanciers qui doivent verser les cens (servis) à Auclerc sont Jean Guyot dit Cuchière, Jean Fillon son gendre, Benoit et Claude enfants de feu Michel de La cuchière, laboureurs de la paroisse d’Escoches. Ils sont qualifiés de pariers (on dirait aujourd’hui associés)

Puis en 1614 l’héritier, Christophe Auclerc cède ce droit seigneurial à Godefroy de Boletières seigneur du But - tout en laissant les tenanciers ou leurs héritiers en propriété utile.

Ensuite en 1658 l’héritière du But, Renée de Rochefort, veuve pour la deuxième fois, rappelle de nouveau dans un acte notarié passé au But les droits seigneuriaux qu’elle perçoit comme dame du But.

Enfin en 1719, après son acquisition du fief du But, Marianne Rolin dame d’Arcinges réclame ses droits sur ces terres de la Quichère. (Vichy 264.02 page 53) Elle le fait depuis le château d'Arcinges où elle réside, ne pouvant guère se déplacer "en raison de son grand âge et de son indisposition"

A cette occasion les héritiers des tenanciers du 16e siècle sont nommés : il s’agit de Claude Marchand, Estienne Laroche, Etienne Poncet et Benoît Seguret. Si ces quatre-là sont déclarés solidaires et garants les uns des autres, ils n’ont cependant pas les mêmes servis ; preuve que les biens indivis en 1588 sont maintenant attribués séparément quoique solidairement.

Claude Marchand doit chaque année 2 sols six deniers, 3 coupes de seigle, 1 mesure d’avoine et le quart d’une poule.

Estienne Laroche est redevable de 1 sol 3 denier, une coupe et demi de seigle, 2 coupes d’avoine et la moitié d’une poule.

Pour Claude Poncet, il faut qu’il fournisse chaque année 3 sols 9 deniers,  1 mesure et une demie coupe de seigle, 1 mesure et 2 coupes d’avoine et les ¾ d’une moitié d’une géline

Benoit Seguret 2 sols 6 deniers, 2 coupes de seigle une coupe d’avoine et le quart d’une géline.

 

En outre Marianne Rolin précise que les servis pourront être versés en obligations avec intérêts. Il y a là, semble-t-il, une évolution vers une « financiarisation » des droits seigneuriaux aux dépens des paysans, droits qui de toute façon furent supprimés 70 ans plus tard.