Auc archives départementales on trouve dans

« les industries de la Loire » de Jacques Valserres, 1862

cet extrait :

La filature de Cadolon, fondée en 1824 par M. Glatard père, à une époque où l’industrie de la cotonnade n’existait pas encore, était une grande hardiesse de la part de M. Glatard, et un grand bienfait pour le pays.

 

 Cadolon est situé dans la montagne, à la limite de Saône-et-Loire. C’est un site très pittoresque que M. Glatard a su encore embellir par des cultures intelligentes et par des plantations habilement ménagées. Les usines, avec le château et les maisons avoisinantes, forment un véritable village. Le pays est très sain. Les ateliers sont construits d’après toutes les règles de l’hygiène. Un petit ruisseau, qui est souvent tari par la sècheresse, leur fournit une force de 24 chevaux divisés en trois chûtes. Une machine à vapeur d’égale puissance remplace la roue hydraulique lorsque l’eau vient à manquer. Cette année,  M. Glatard a eu beaucoup à souffrir. Le charbon lui revient à 2 F. les 100 kilos.

 

 Pour atténuer la sécheresse, M. Glatard a fait construire un barrage qui peut contenir 120.000 mètres cubes d’eau. La digue a 10 mètres d’épaisseur par le bas et de 6 mètres par le haut. Sa longueur est de 90 mètres. Elle a coûté de 50 à 60.000 francs. M. Glatard pense avec raison que, si l’on construisait encore 2 ou 3 barrages le long de la petite rivière, on aurait beaucoup plus d’eau qu’il n’en faudrait pour faire mouvoir toutes les usines qui s’échelonnent de Cadolon à Charlieu.
En homme intelligent, M. Glatard a organisé son barrage de manière à ce que l’eau serve à la fois à l’industrie et à l’agriculture. Son déversoir met en jeu une roue de 4 mètres de diamètre qui tourne au moyen de 120 litres d’eau à la seconde. Cette roue, d’une force de 7 à 8 chevaux fait mouvoir une pompe foulante qui porte l’eau à 36 mètres de hauteur, sur une pente qui domine le château. Cette pente, sur laquelle il y a une très faible couche de terre végétale, forme une magnifique prairie irriguée de 4 hectares. Le tapis de verdure, encadré de beaux arbres verts, donne au paysage un cachet britannique. La pompe débite 13 litres par seconde, ce qui pourrait suffire à l’irrigation de 13 hectares, en supposant que l’eau ne vint pas à manquer.
On le voit, M. Glatard n’est pas seulement un manufacturier distingué, c’est aussi un cultivateur de mérite. Il dirige une exploitation de 50 hectares , et possède avec ses frères 80 hectares, dont il sait tirer le meilleur profit. L’année dernière, la société d’agriculture de Roanne lui a donné une médaille d’or pour ses belles cultures et pour la bonne tenue de ses étables.
La filature de Cadolon possède 120.000 broches. Elle occupe 120 ouvriers au filage et 70 au retordage et dévidage. Ces ouvriers sont presque tous du pays. M. Glatard les préfère aux ouvriers ambulants, qui sont souvent une cause de désordre et de démoralisation. Il a fait construire 80 logements qu’il met à disposition de ses auxiliaires moyennant un loyer de 50 francs par année. Le logement se compose d’une cuisine, d’une chambre, d’une cave, d’un grenier et d’un petit jardin de 2 ares. Comme le pays est très sain, il n’y a que très peu de maladies. C’est peut-être pour cela qu’il n’existe pas de caisse de secours à Cadolon. Les ouvriers vivent très économiquement, en partie avec le produit de leur jardin. Comparativement à la dépense, les salaires sont assez élevés. Les fileurs gagnent 3 francs, les rattacheuses 1,5 à 2 francs, les femmes employées au retordage et au dévidage de 1,75 à 2 francs.  M. Glatard consomme en moyenne chaque année 360.000 kilos de coton courte soie, avec lequel il produit 300.000 kilos de filés, dans les numéros 16 à 30. Ces filés sont en partie vendus à Charlieu et à Roanne. On en expédie également à Saint-Chamond, à Saint-Etienne et à Villefranche. Aujourd’hui, Cadolon est très bien placé pour l’écoulement de ses produits. Il se trouve sur la limite de trois départements où l’on compte, dans un rayon de 20 kilomètres, au moins 40.000 métiers de toutes sortes.  Les machines à battre et à carder le coton viennent d’Alsace. J’ai remarqué les cardeusesSclumberger inventées par Heilmann, qui sont un modèle de perfection. Le filage se fait au moyen de Mull Jenny, inventées par Crompton en 1779. Chaque broche coute environ 60 francs ; en Angleterre, ces chiffres sont de 28 à 30 francs. 
Les ateliers sont chauffés au moyen de serpentins de mille mètres de longueur, dans lesquels on met 35 litres d’eau. Le serpentin est vivement chauffé à l’une de ses extrémités ; il s’établit alors une sorte de courant qui porte la vapeur à l’autre extrémité et donne ainsi une chaleur suffisante.  M. Glatard se plaint beaucoup du renchérissement des cotons. Au moment de ma visite, la balle de 50 kilos valait 150 francs, soit 3 francs le kilo ; la fabrication coute 1,5 francs. Les fils ne se vendaient que 4 francs au lieu de 4,5 francs de prix de revient. Dans de pareilles circonstances, les filatures ne peuvent que souffrir.

Extrait intéressant car l'auteur, agronome et publiciste connu sous le second empire s'est déplacé à Cadolon pour y rencontrer François Glatard, industriel mais aussi conseiller Général.

Jacques Valserres a été adepte de Fourier le célèbre penseur utopiste et la façon dont il perçoit l'usine de Cadolon n'est pas sans rappeler le familistère de Godin à Guise : un patron "paternaliste" préoccupé du sort de ses ouvriers (et surtout ouvrières) : salaires, logements à proximité de l'usine. Sa description va même jusqu'à trouver dans l'environnement un petit air anglais ; nous sommes à l'époque où Napoléon III a signé un traité de libre-échange avec l'Angleterre.

Enfin il s'intéresse beaucoup à l'action de Glatard pour l'agriculture, lui qui est agronome. Or il a écrit un nombre important de pages sur la nécessité du reboisement. Peut-être est-ce lui qui a poussé la municipalité Glatard à boiser les étendues de communaux de la commune.

 

 

Jacques Valserres photographié ici par Nadar.

 

Jacques, (Joseph) Paul (Siméon), dit Jacques (de) Valserres (ou Valserres)


Né le 5 janvier 1812, à Gap (Hautes-Alpes), décédé le 27 octobre 1882 à Albi (Tarn). Enseignant, agronome et publiciste. Collaborateur de La Démocratie pacifique et de La Finance nouvelle  ; actionnaire de l’Union agricole d’Afrique.

 

Article détaillé sur

http://www.charlesfourier.fr/spip.php?article2049.

 

On peut trouver le portrait de François Glatard  à la page 64 des

notes sur l'histoire d'une paroisse

 

Les bâtiments d'aujourd'hui occupés par diverse activités ↓ ↓

Ces bâtiments ont en fait été construits par les successeurs des Glatard, la société Forest Deschamps. Ils sont passés ensuite à "la cotonnière de Cadolon" dont les activités se maintinrent jusqu'en 1962. Tout ceci se trouve dans un article de la revue Mémoire Brionnaise n° 24 dont l'auteur Georges Déclas a trouvé l'annonce de la vente  de l'entreprise après la mort de François Glatard.

https://www.memoirebrionnaise.com/la-boutique-commander/n-24/


Une annonce en 1892 dans un journal de Mulhouse... (François Glatard vient de décéder, le 16 juillet 1892.)

Pierre-Marie Glatard

François Glatard