Quatre siècles pour une maison de Fonteret.

 

 

 

Au début du XVIIème siècle, le hameau Fonterest pour l’essentiel semble se trouver à l’emplacement de l’actuelle maison Lépine : il y avait donc ici plusieurs maisons (pour l’emplacement, sur le plan cadastral de 1833, le toponyme se place encore à cet endroit précis). Autour du hameau s’étendait le village Fonterest, comme de nos jours. Cela permet de comprendre l’origine du toponyme : contrairement à ce qu’on aurait pu croire, il ne proviendrait pas d’un nom de famille mais plutôt de la caractéristique du lieu. Il y a d’abord l’exposition, orientée au sud-ouest, abritée du vent du nord ; ensuite la présence de plusieurs sources (fonts) à la fois pérennes et abondantes. C’est le fait d’habiter dans ce hameau qui a donné ensuite les patronymes Fonteret (ex : Reverchon dit Fonteret) ; leur fréquence dans le village transformera l’appellation courante (jusqu’au dernier tiers du XXème siècle) en Chez Fonteret, plus fréquemment Chifont’ret, en patois Tsifontret.

 

Dans ce hameau et dans le village qui paraît avoir été assez densément peuplé au XVIIIème siècle, de nombreuses demeures ont disparu, certaines récemment au cours de la deuxième moitié du XXème siècle. D’autres paraissent très anciennes, parfois transformées au fil du temps. Il en existe au moins une qui semble avoir plus de quatre siècles d’existence, celle occupée en 2021 par M. et Mme Lépine. Quelques documents permettent d’en établir la liste des occupants ou propriétaires (extraits de mises à jour des terriers en 1610,1680 ou 1770 ; recensements de population entre 1846 et 1936 ; registres paroissiaux puis d’état-civil, etc.)

 

En 1610 un des propriétaires principaux dans le village Fonteret était alors Me Hugues Pezeau notaire et commissaire au terrier du seigneur d’Arcinges. Il possédait à Fonteret plusieurs maisons et bâtiments, dont certains rachetés à d’autres habitants du hameau : on peut penser qu’au moment des guerres civiles dites guerres de religion, les troubles aient pu entraîner des revers de fortune pour certains tenanciers, obligés ensuite de vendre une partie de leurs biens après endettement. Pezeau, par sa fonction auprès du seigneur, devait être suffisamment aisé pour être à l’affût des tenures à acheter. A-t-il habité dans ses maisons de Fonteret ? Résidait-il alternativement à Arcinges et Fonteret ? Il ne semble pas avoir beaucoup de biens dans la paroisse d’Arcinges, ce qui incline à penser qu’il devait davantage résider dans ce hameau d’Écoche. A-t-il eu des héritiers ? Peut-être une fille, Antoinette, mariée à un maréchal d’Arcinges, Devaux (notable local) puis une petite fille qui se mariera avec un notaire de Cours(1). . Certains biens écochois passèrent alors à un bourgeois de Charlieu, Moreau et son gendre, nouveau transfert de propriété vers une bourgeoisie, urbaine cette fois ; le même Moreau achetant d’autres biens à Écoche à la même époque. Un siècle plus tard en tout cas (après le terrible hiver 1709) les anciens biens de Me Hugues Pezeau sont passés à pas moins de huit propriétaires. Une grosse partie appartient aux héritiers de Benoit Destre(2) qui vient de décéder en 1709 laissant trois enfants et une veuve qui se remarie aussitôt avant de mourir des suites de maternité. Mais la maison appartient alors à Jean Perricard. Comment en est-il devenu propriétaire ?

 

La maison Pezeau rachetée vers 1600 à Benoit Reverchon (dit Fonteret) était précisément mitoyenne avec la maison où demeurait encore Benoit Reverchon ; il y a donc tout lieu de penser que ces deux maisons accolées correspondent aux deux logements qui composaient encore à la fin du 19ème l’actuelle maison Lépine.

 

Ce Reverchon eut une descendante, Claudine, qui épousa vers 1680 un maître maçon Léonard Perricart(3) et c’est probablement ce couple qui réunit de nouveau l’ensemble en rachetant la partie advenue au sieur Moreau, à moins que la mère de Claudine, Jeanne Auvolat l’ait déjà fait (?) Son fils Jean Perricart est lui aussi maçon. On peut donc penser que c’est au tournat des XVIIème et XVIIIème que la maison prend sa forme maçonnée actuelle(4) ; des pièces de bois peuvent avoir été récupérées dans des bâtiments en semi-abandon de l’abbaye de Charlieu (à la veille de la Révolution de 1789, il ne restait plus que deux moines dans les vestiges du prieuré). Les belles dalles de la pièce centrale pourraient provenir quant à elles du château d’Arcinges, mais pas avant la mort de Marianne Rolin, la dame d’Arcinges, en 1729, où on commence à démolir certaines parties du château fortifié, imposant mais vétuste(5)

 

Puis la fille de Jean Perricart, Barthélemie épouse Nicolas Martin, de Chauffailles en 1743 et le couple habite toujours la maison de Fonterest. Leur fille Claudine Martin, elle aussi, reste à Fonterest et convole en justes noces avec Guillaume Verchère originaire de Cours et fils d’un fermier du seigneur. Les fermiers sont très souvent, en ce XVIIIème finissant, plus riches que de simples tenanciers ; c’est le cas de Guillaume Verchère (au mariage tous les Verchère savent signer) qui devient au moment de la Révolution un des personnages qui comptent à Écoche : il fait partie de la première municipalité élue en 1790 et on le retrouve à plusieurs occasions pendant cette période comme membre du conseil général de la commune. Il augmente son implication écochoise en mariant sa fille Jeanne-Marie avec un petit-neveu de l’ancien curé d’Écoche Aimé Poizat. En 1811 Verchère est même l’adjoint du maire Buchet. Lorsque celui-ci est contraint de démissionner, Verchère fait fonction de maire et, n’eût été l’éloignement de son domicile, il aurait pu lui succéder ; malheureusement il décède suite à une chute de cheval. On peut noter que se déplacer à cheval est alors un signe d’aisance. Le couple Poizat-Verchère a cinq enfants parvenus à l’âge adulte et au moment du partage entre eux, en 1837, on note que les biens de cette famille sont parmi les plus importants de la commune, tous situés autour et à proximité de la maison de Fonteret. La moitié de la maison revient au fils aîné, Guillaume, qui l’habite jusqu’à son départ à Coublanc vers 1855.

 

Au recensement de 1866, après une période apparemment sans occupant, la maison est habitée par Claude-Marie Fontimpe (sans doute fermier, jeune époux d’une Écochoise de Fillon, Pierrette Poizat, mais sans lien de parenté avec Aimé), puis au recensement de 1871, l’occupant des lieux est un descendant d’Aimé Poizat, un arrière-petit-fils, Marius Rochard et sa famille. C’est sans doute vers 1900 que les bâtiments sont achetés par la famille Morel ; cette ferme annexe ne sera plus habitée qu’épisodiquement par des locataires des Morel. Après le décès de François Morel, en 1978, ses héritiers vendent la partie habitation à un Lyonnais pour en faire une résidence secondaire ; enfin en 1986 elle est rachetée par ses propriétaires actuels.

 

NOTES

 

(1) Thivend

 

(2) Le sieur Benoît Destre était un marchand de la paroisse d’Écoche qualifié dans les registres paroissiaux de bourgeois, descendant de notaires d’Arcinges ; c’est peut-être sa mère Claudine Dubost, bourgeoise, qui avait racheté au sieur Moreau les biens de Pezeau (?). Benoît Destre avait épousé la fille d’un bourgeois d’Écoche Claudine Le Breton. Celle-ci se remarie très vite, ce qui était l’habitude lorsqu’on avait des enfants en bas âge, avec l’aide apothicaire de son père mais elle meurt très vite en 1714 après avoir donné naissance à trois nouveaux enfants dont deux jumeaux. Les biens ex-Pezeau de Fonteret sont alors dans les terriers ceux des « héritiers Benoit Destre ». Un siècle plus tard, dans le partage Poizat de 1837, il est encore question des maisons Destre, correspondant peut-être à celles appartenant en 2021 à Michel Grizard.

 

(3) Perricart ou Perricaut ou Perricot. Les trois orthographes trouvées selon les actes ou les registres peuvent s’expliquer par la prononciation courante à l’époque. En effet le son â se prononçait plutôt entre â et ô ; et souvent la terminaison en ar devenait en « patois » comme â. Par exemple un renard se prononçait renâ. Ainsi un curé entendant Perricâ prononcé oralement par un Écochois pouvait indifféremment transcrire Perricat, Perricot ou Perricaut ou encore Perricart. On a un autre exemple : un sabotier originaire de Saint Just en Chevalet du hameau Épinat devient après son mariage à Écoche, Épinard !

 

(4) Lors de travaux récents, le maçon Besson a découvert une date : 1753. Celle-ci doit correspondre à une année de fin de gros travaux sur le bâti. A cette date la maison est habitée par Nicolas Martin, sa femme Barthélemie Perricard et leurs trois filles Claudine, Jeanne, Benoite. Ils ont apparemment attendu sept ans pour avoir un nouvel enfant, peut-être justement à cause des travaux. S'agit-il d'un agrandissement -vers l'est/nord-est?

 

(5) Dans sa correspondance avec son intendant du château d’Arcinges, le marquis de Vichy demande la démolition d’une tour. Dans les comptes de l’intendant on trouve également le produit de la vente de pièces de bois lors de la démolition. Une grosse partie du château resta quand même debout puisque sur une carte postale du début du XXème on voit encore bien sa masse et une tour.