Une grosse propriété en 1837.

 

Un acte notarié de 1837 trouvé par M. Jacques Lépine (que nous remercions). aux Archives Départementales, présente beaucoup d’intérêt pour la connaissance de la vie écochoise à cette époque : allusion à une usine (mais sans doute de très brève existence) ; description détaillée de servitudes liées à l’eau, aux passages... ; description d’une propriété de famille aisée.

 

 

En mars 1837, la famille d’Aimé Poizat, veuf depuis cinq ans, procède au partage de ses biens entre les cinq enfants survivants. Si l’aîné bénéficie d’une part préciputaire dans le testament de sa mère (une sorte de droit d’aînesse) dont la valeur n’est pas précisée ici, les biens sont partagés en cinq lots d’égale valeur après délimitation des terrains et estimation par un géomètre professionnel, Benoît-Marie Fenouillet de Coutouvre. Le partage, terminé au hameau de Fonterest dans la maison même du père, fait intervenir plusieurs autres personnes : le notaire de Belmont, Me Pomey qui rédige l’acte (et sans doute son clerc non nommé ici), un huissier de Belmont Benoît Marpeau mais aussi le tuteur de la plus jeune des enfants, Françoise, encore mineure et enfin un bourgeois de Chauffailles non présent mais dont l’accord officiel a été nécessaire, François Frédéric Ravier alors maire de Chauffailles et filateur de coton. C’est dire l’importance de ce partage dont la date-1837- correspond à l’année où quatre des cinq héritiers se sont mariés : le 9 janvier, la première, Benoîte a épousé à 19 ans Jean Durantet qui doit ici l’assister ; Étienne se mariera en juin ; Guillaume et Henriette-Marie se marieront en septembre.

 

Ce partage en cinq nouvelles propriétés contribue au morcellement ; certaines parcelles sont ainsi divisées, notamment un bois partagé en cinq parties égales. Mais même ainsi diminuées toutes les nouvelles propriétés gardent une superficie certainement supérieure à la moyenne des exploitations écochoises d’alors : entre 4 et 7 hectares, les inégalités de surface provenant de la valeur bien différente des parcelles : ce fut là le rôle du géomètre et de l’huissier de garantir l’équité entre les copartageants.

 

C’est dire que la propriété partagée devait assurément être une des plus importantes de la commune d’Écoche à cette date-là. La superficie totale avoisinait les trente hectares répartis comme suit :

 

-cinq bâtiments (quatre à Fonteret, un à Fillon) avec leurs annexes ; jardins, cours, aisances, lavoir et autre abreuvoir..

 

-de nombreux champs cultivés pour un total d’environ quatorze hectares, dont 15 ares consacrés à la culture du chanvre

 

-des prairies pour environ neuf hectares

 

-des terrains peu fertiles recensés sous les termes de vassibles, broussailles ou terre vaine, qui représentent plus de trois hectares

 

-enfin presque quatre hectares en bois, dont quelques parcelles dites de haute futaie (sans doute des hêtres ou fayards), d’autres en pins, d’autres en sapins et surtout en taillis.

 

L'exploitation agricole (pour reprendre un terme du 20ème siècle) montre une légère évolution par rapport à celles du 18ème : la part des prairies est en augmentation, ce qui explique qu'on partage aussi les fumiers; on y évoque du gros bétail mais aussi des moutons. Dans les produits partagés (après les terrains), les céréales sont du seigle mais aussi beaucoup de froment, un peu de sarrazin (ce qui est récent à la fin du 18e) et des pommes de terre, ce qui est nouveau, mais aucune allusion  à la vigne ici. Le chanvre reste une culture pratiquée et l'acte mentionne les partages des chénevis (graines de chanvre) et du chanvre teillé. Si trente ans plus tôt Aimé Poizat est qualifié de marchand de toile, nulle allusion en 1837 à cette profession, sans doute en voie de disparition avec la montée du tissage du coton.

 

Alors que les champs se situent entre l’Ardillat, Fillon, Fonteret et Goutte Michel, les bois sont naturellement sur les hauteurs de Rottecorde.

 

D’où provient une telle propriété ? On en est réduit aux hypothèses. Néanmoins on peut penser qu’elle provient de divers héritages puisque le couple Poizat-Verchère fait partie des petits notables de la période post-révolutionnaire mais héritiers de familles déjà bien connues dans l’Ancien Régime. La mère Jeanne-Marie est la fille de Guillaume Verchère qui était adjoint au maire d’Écoche en 1811, faisant fonction de maire lorsque Benoît Buchet dut démissionner. On sait qu’il mourut alors d’une chute de cheval ; se déplacer à cheval étant un privilège de gens aisés, on voit par là une première origine possible des biens partagés en 1837. Ce Guillaume Verchère avait déjà en 1790 fait partie du premier Conseil Général (municipalité) d’Écoche. Il était maçon et avait épousé une fille de maçon, elle-même fille de maçon...toutes familles déjà propriétaires à Fonteret dans un relevé de terrier du 18e siècle : sans doute peut-on y voir l’origine des nombreux bâtiments ?

 

Mais la famille d’Aimé Poizat-qui devint adjoint à la mort de son beau-père- possédait aussi des terres au 18e entre Arcinges et Écoche (famille Destre à Fonteret entre autres). Pour la notoriété, sa mère, Jeanne-Marie Carré était la nièce du curé d’Écoche qui joua un rôle au moment de la tourmente révolutionnaire puisqu’il continua comme officier public à tenir les registres d’état-civil, du moins jusqu’en 1793 et qui dut avoir comme curé une assez forte influence d'autant que sa deuxième nièce avait épousé le petit-fils de l’apothicaire. Ainsi les Poizat-Verchère étaient-ils apparentés à plusieurs notabilités écochoises.

Faut-il repérer dans le bois de sapins de Rottecorde un achat qui aurait été fait au moment de la vente des bois seigneuriaux largement étendus dans le massif de Rottecorde? Simple conjecture..

 

Mais ce partage outre qu’il morcelle la propriété semble aussi le prélude à une dispersion familiale : le mari de Benoîte est de Saint-Hilaire ; celui de Françoise sera en 1842 de Belleroche (mais quand même le maire !), l’épouse de Guillaume, de Coublanc où il ira finir ses jours après avoir fait valoir pendant 30 ans sa propriété d’Écoche ; la femme d’Étienne fut une écochoise et c’est par Étienne que la famille restera sur la commune.

 

Sic transit gloria Escochiari.