Du féminisme à Écoche ?

 

Attention à ne pas croire, à la lecture des rubriques de ce site, qu’Écoche soit un « irréductible village gaulois » qui aurait résisté à toutes les tendances de la modernité. Il faut se souvenir de personnes moins ordinaires qui ont pu marquer les esprits. Deux femmes entre autres méritent qu’on rappelle leur existence pour le caractère indépendant voire émancipé de leur personnalité.

 

Beaucoup se souviennent de la « baronne ». Appelée ainsi car elle avait épousé un monsieur qui portait le titre de baron, mais en fait héritière des familles d’industriels d’Écoche. Son prénom déjà n’était pas ordinaire : Dinah. Ayant reçu une éducation « bourgeoise » elle connaissait assez bien la musique et ne manquait pas d’accompagner la messe paroissiale de sa puissante voix de ténor, au moins jusqu’à ce que la nicotine vienne trop troubler les cordes vocales. Habillée constamment d’une jupe-culotte et d’un petit chapeau à plumes, fumant cigarette sur cigarette, cette intrépide  conduisait elle-même sa Citroën à une époque où les femmes au volant n’étaient pas dans le canton monnaie courante. Elle aimait particulièrement la chasse et dans ce milieu masculin, elle fut la présidente pendant longtemps de la société Saint-Hubert, exigeant par exemple des curés successifs que les jours d’ouverture ils célèbrent la messe à 5 h du matin, messe qu’elle était pratiquement la seule à suivre. Exploitante agricole (avec intendant et valets) elle présidait la coopérative laitière du canton de Belmont. Bref une femme remarquée pour qui le féminisme était d’abord un désir d’égaler les hommes.

 

D’autres –ou les mêmes- se souviennent de celle qu’on appelait la « blonde » pour une légère ressemblance avec Brigitte Bardot, la star des années 60. Cette demoiselle secrétaire à Cours (mais d'une famille originaire d'Écoche) avait acheté une ancienne ferme du Crêt-Loup pour entre autres y construire un camping à la ferme ; entreprise qui ne réussit guère tout simplement car le terrain était d’accès trop difficile pour les caravanes. Elle alla ensuite s’installer à Lachal et donna ainsi un nouveau lieu-dit (toponyme) : on parle encore des prés de « la blonde » pour désigner tous les prés alentour de sa demeure, même ceux ne lui ayant jamais appartenu. Bel exemple de la fabrication de la toponymie, éphémère aujourd’hui, même si plus de cinquante après, le terme est encore bien connu des paysans. A l’époque où n’existait pas de cadastre avec ses normes chiffrées, on aurait trouvé ce toponyme dans les actes notariés! Elle avait frappé les esprits par son allure désinvolte, ses vêtements très à la mode, ses cigarettes blondes, son gros chien de compagnie noir et  ses voitures décapotables : une Renault Floride dorée puis une Renault Caravelle bleue. Et pas bégueule du tout, aimant faire conversation ; tel vieux paysan se souvenait, longtemps après, de celle qui était venue le chercher alors qu’il labourait avec son attelage de deux vaches afin qu’il vienne sortir le cabriolet du fossé...et l’invitait à passer prendre un canon de rouge!

Images d'illustration



Mais de façon générale, la majorité des Écochoises travaillait : tisseuses à domicile, ouvrières à Cadolon ou chez Vadon voire à cours ou Le Cergne, commerçantes et surtout cultivatrices. Les travaux des champs étaient particulièrement durs pour les foins, les moissons, l'arrachage des pommes de terre, les vendanges.


Dans ce contexte, "la Pauline" faisait exception. Ayant hérité de biens immobiliers au bourg et à Laval, de bois et de terres autour de Laval, elle vivait très modestement de ses fermages dans un appartement du bourg situé sur une arrière-cour. C'était une sorte de recluse médiévale, ne sortant guère que pour aller à l'église. Dans sa maison, la pièce donnant sur la rue restait fermée, les meubles recouverts de grands tissus ; la cuisine dans laquelle elle vivait était un antre obscur où ne brillait que la boule de cuivre qui marquait le départ d'un escalier en colimaçon. Toujours vêtue de noir, la tête couverte d'un éternel chapeau, un chapelet aux doigts, elle finit sa vie en 1964 à Belmont (asile Sainte Anne)  après avoir fait don de sa fortune aux petites sœurs des pauvres de Roanne. Cette communauté vendit les terres, bois et appartements de la Pauline un jour d'hiver au milieu de la décennie 1960, à la bougie, dans la mairie d'Écoche, séance animée par le notaire de Belmont (Me Néron).

 

 

Pauline Anasthasie L. mourut en février 1964 et avec elle, disparut une famille très ancienne de Laval. Famille de propriétaires terriens dont une cousine avait été religieuse enseignante*. Parmi ses ancêtres, des notaires d'Arcinges.

Même si quelques-uns (de plus en plus rares) parlent encore de la "terre à la Pauline", seule est rescapée de cette époque  une croix de chemin érigée au XIXème siècle par les aïeux de la Pauline. Mais la végétation commence à faire son œuvre de couverture, comme un symbole du recul du religieux.

 

(photo février 2020)

 

*en outre le frère de sa mère était prêtre ; son grand-père fut l'ébéniste qui sculpta les boiseries de l'église. Famille très pieuse donc mais dont la plupart des enfants mouraient en bas-âge. Notre Pauline quant à elle vécut 86 ans.