Les trois fils Barriquand.
Nos voisins de Coublanc, commune amie et fortement reliée à Écoche, ont publié dans leur sympathique revue En ce temps là plusieurs articles sur la famille Barriquand (numéros de 2015 et 2019 entre autres). Ils y précisent que cette famille a demeuré à Écoche en gros de 1887 à 1919, soit pendant l’enfance et la jeunesse de leurs fils. Ils tenaient à l’entrée du bourg, à gauche en venant de Cadolon un petit atelier de forge, tonnellerie, maréchal-ferrant, charron. En effet ils travaillaient le fer, non seulement pour ferrer quelques vaches ou chevaux (plus rares à l’époque) mais surtout pour réparer ou fabriquer de l’outillage pour le travail à la main : cerclages de tonneaux, bandages des petites roues de « barottes » ou brouettes, pièces des charrues (coutre, soc, sep, âge..) outils de toute sorte pour le travail à la main des terres et des vignes : pioches, serfouettes, binettes, serpes, faucilles, etc. Pendant une trentaine d’années environ Barthélemy Barriquand a donc joué un rôle essentiel pour les paysans, mais pas uniquement. Il est probable qu’il reprit un petit atelier déjà existant (Guyot), peut-être là où il avait été ouvrier voire apprenti. Un peu avant sa mort, la famille retourna à Coublanc,
Barthélemy et sa femme, Marie-Célestine, native de l'Orme avaient en arrivant au bourg d’Écoche, trois fils ; Joseph né en 1879, Claude dit Claudius né en 1883 et Nicolas né en 1886.
Les parents eurent le malheur dès le mois de Juillet 1890 de perdre Nicolas. La mort de ce fils affecta sûrement beaucoup ses deux frères âgés de 11 ans et de 7 ans ; peut-être est-ce cette mort qui contribua à leur faire chercher du secours dans la religion catholique.
Joseph allait à l’école des frères maristes (située non loin de la forge, au « Pavillon ») et, plus âgé, choisit d’entrer dans la congrégation des Maristes pour enseigner. Sa vie est racontée par Bernard Berthier dans la revue de Coublanc ; nous la reproduisons ici car le texte est très bien documenté. Que Bernard Berthier soit remercié pour son travail
« ...Joseph Barriquand a fait des vœux de profès temporaire chez les Maristes, et il est devenu en religion frère Léon-Marcel. Les Maristes sont fondamentalement des enseignants, souvent en pays de mission : six fondateurs, sous l'autorité du frère Césidius (1), sont partis le 15 août 1885 pour le Canada. Ils vont très vite essaimer, à partir d'Iberville, tout près de Montréal. Vers 1898 ou 1899, notre Joseph est devenu instituteur dans le quartier de Saint-Vincent-de-Paul de la ville de Laval, qui jouxte Montréal. Peut-être exerce-t-il dans le fameux collège Laval, que les Maristes viennent de fonder en 1888 ? Au service de sa congrégation, c'est un homme mobile et habile. Ses supérieurs lui font confiance : durant deux années scolaires, de 1908 à 1910, il est envoyé comme directeur de l'école mariste Félix-Antoine Savard à Murray Bay (village aujourd'hui appelée la Malbaie), dans la province de Québec, à 150 km au nord-est de cette ville, sur l'estuaire du Saint-Laurent. Nouvelle promotion en août 1910 : pendant deux ans, il va être le directeur du collège Saint-Joseph de Lowell, au Massachusetts. Beaucoup de Canadiens français sont installés dans un quartier de cette ville située à quarante kilomètres au nord de Boston. Pour développer leur enseignement en français, les Maristes ont construit en 1892 un impressionnant bâtiment au 760 Merrimack street. Hélas, les autorités diocésaines imposent l'usage de l'anglais en classe. Il faudra que les frères suivent des cours d'apprentissage de l'anglais pendant les vacances d'été, notamment en 1904. À l'époque où notre ex-Coublandi (2) en est le directeur, le collège compte mille élèves (des garçons), et seize professeurs qui enseignent le français, l'anglais, le latin, la sténo-dactylographie et même un moment le commerce, mais ce cours était trop coûteux à assurer. Les enseignants habitent à la fraternité mariste, non loin, entre Pawtucket street et Moody street. Le 15août 1912, Joseph a cessé d'être le directeur, mais il est présent à la fête constitutive d'une association d'anciens élèves. Il n'y sera plus l'année suivante et ne figure plus sur la photo des enseignants. En fait, il habite 28 Broadway dans la ville voisine de Haverhill, tout près de l'école Saint-Joseph, fondée par les Maristes en 1903 et augmentée de nouveaux bâtiments en 1913 : on peut supposer qu'il y enseigne. L'armée française l'a suivi pas à pas : jugé on ne sait quand ni où « bon pour le service », à vingt ans, il a été exempté en fonction de l'article 50 de la loi du 15 juillet 1889 : « En temps de paix, les jeunes gens qui, avant l’âge de 19 ans révolus, ont établi leur résidence à l’étranger, hors d’Europe, et qui y occuperont une situation régulière, pourront, sur l’avis du consul de France, être dispensés du service militaire pendant la durée de leur séjour à l’étranger. Ils devront justifier de leur situation chaque année. S’ils rentrent en France avant l’âge de 30 ans, ils devront accomplir le service actif prescrit par la présente loi, sans toutefois pouvoir être retenus sous les drapeaux au-delà de 30 ans. Ils sont ensuite soumis à toutes les obligations de la classe à laquelle ils appartiennent. S’ils rentrent après l’âge de 30 ans, ils ne seront soumis qu’aux obligations de leur classe. » Cet éloignement de la mère Patrie fait que la fiche matricule de Marie-Joseph ne comporte pas de description physique : on ne peut donc pas le comparer physiquement à son frère. Heureusement, la famille nous a procuré une photo de lui vers 1918 (3). Plus tard, en 1909, il est exempté deux fois de ses périodes d'exercice pour le même motif : « à l'étranger, hors d'Europe ». Il entre donc dans la catégorie de ceux qui vivent encore à l'étranger à 30 ans passés. Mais le 31 juillet 1914, il habite rue de Nîmes, à Vichy. C'est à deux pas de l'école des frères maristes, qui va devenir plus tard et est encore le collège Saint-Dominique. Il est très probable qu'il y enseigne, ou qu'il compte y enseigner. Pourquoi ce retour en France ? Est-il las du Nouveau Monde ? A-t-il demandé à se rapprocher de sa famille ? A-t-il deviné l'approche de la guerre ? Ou ce retour à cette époque est-il une malheureuse coïncidence ? Il ne va pas échapper à la guerre, qu'il fera avec de petits grades, non sans peine, à cause d'une atrophie du pied gauche, et essentiellement dans l'artillerie. Plus tard, à la sortie de la guerre, qui pour lui comme souvent pour les poilus s'est prolongée de longs mois après l'armistice, on le retrouve, en 1919 à Paris,111 rue Ledru-Rollin, près du faubourg Saint-Antoine, dans le 11e arrondissement. Puis il s'est installé aux Bois de Colombes, sur la commune de La Garenne-Colombes. La commune de Bois-Colombes n'existait pas encore. L'ancien frère mariste s’était marié, le 5 mai 1918 d'après la généalogie familiale, c'est-à-dire lors d'une permission, comme bien des soldats l'ont fait ; le couple a eu une fille, Marcelle, née en 1924, qui a épousé un monsieur René Traverso. Ses petits-enfants Traverso se souviennent qu'après son séjour dans le « Nouveau Monde » et au retour de la guerre, Joseph était professeur d'anglais. Mais il n'en savent guère plus sur sa carrière, « comme s'il y avait eu occultation », écrit Michel Traverso. Dans une circulaire des frères maristes du 25 décembre 1944, on lit, dans la liste des frères dont la communauté a appris le décès depuis un an : « F. Léon-Marcel, profès temp[oraire], Eisenach (Allemagne) –15 juillet 1944 ». S'il s'agit bien de notre Joseph Barriquand, voilà d'étranges lieu et date pour la fin d'un parcours très aventureux. Mais Michel Traverso m'indique une autre date de décès de son grand-père : le 26 février 1954. L'annonce de la circulaire est donc mystérieuse(4). ... »
Note 1 – Le frère Césidius avait enseigné à Écoche. Voir son rapide portrait.
Note 2- Sans faire preuve de chauvinisme mal venu on peut dire aussi ex-Écochois
Note 3- La photographie se trouve dans le numéro sur le site Coublanc71 http://www.coublanc-71.com/pdf/revue2015.pdf
Note 4- On peut raisonnablement penser que ce n’était pas lui en Allemagne et qu’il a pu arriver que le nom religieux Léon-André ait pu être donné à un autre frère après son départ. En 1898 est-ce lui qui avait demandé à prendre ce nom, sachant que son frère mort en 1890 s’appelait en fait Léon-Nicolas ?
Claude ou Claudius le fils cadet après être allé à l’école des frères d’Écoche fit le petit séminaire de Saint Jodard puis le grand séminaire de Lyon avant d’être ordonné prêtre en juin 1909 dans le diocèse de Lyon et non celui d’Autun (la limite des diocèses passe ente Écoche et Coublanc). Il est nommé professeur à Saint Gildas à Charlieu jusqu’en 1930 à l’exception de la période de la guerre (c’est un poilu comme son frère Joseph). Sa vie est très détaillée dans deux numéros d’En ce temps là, 2015 disponible sur le site coublanc71 et 2020 qu’on peut encore acheter.
Dans cet article il est question du curé Seytre d’Écoche qui aurait pu aider le jeune Claudius à concrétiser sa vocation. Mais on peut aussi penser aux vicaires, plus jeunes et qui avaient peut-être autant sinon plus d’influence auprès de la jeunesse notamment en faisant le catéchisme. Quand Claudius Barriquand avait 10 ans, le vicaire était Jean-Pierre richard, neveu du curé Étienne Seytre.
On sait que claudius Barriquand est revenu souvent voir sa famille à Écoche. Il a même pris une photo de l'entrée du bourg, édité en carte postale. Il n'est pas impossible non plus que Joseph soit revenu au moins une fois d'amérique, au cours des vacances...
A peu près en même temps que Claudius Barriquand, deux autres Écochois se firent prêtres : François Larue né en 1888 ; Joseph Muguet, né un peu plus tard (1900) et qui n'a pas connu vraiment l'abbé Richard parti en 1902 . Quand il avait 10 ans, le vicaire était Joseph Besson.