Un curé pour Maizilly.
Henry Deschezeaux marié à Denise Peguin a eu plusieurs enfants dont l’un d’eux, sans doute l’aîné, Claude, fut prêtre et curé de Maizilly. En consultant les registres paroissiaux de cette paroisse ainsi que ceux de St Maurice les Châteauneuf, on peut mieux comprendre comment fonctionnait un réseau familial et professionnel au tournant des 17e et 18e siècles.
Claude Deschezeaux a d’abord été diacre (du diocèse de Mâcon) et en tant que tel, en août 1690, il signe avec le curé de St Maurice un acte de catholicité ; et, déjà, il ne réside plus à Écoche mais sur les bords du Sornin : son père est mort et sa mère s’est sans doute repliée au domaine du Charne propriété de la famille Peguin ; son grand-père est homme de loi à Chateauneuf. Saint-Maurice est à l’époque -toutes choses égales par ailleurs- à Châteauneuf, ce que de nos jours Neuilly est à Paris ; c’est à Saint-Maurice que résident une majeure partie des bourgeois de Châteauneuf voire de Charlieu. Mais la paroisse est très étendue ; ainsi les Peguin ont leurs propriétés au Charne (domaine et moulins) actuellement sur la nouvelle commune de Saint Edmond, tandis qu’Antoine Boisseaud, père de la « Claudine Boisseaud » qui épousera Lebreton d’Écoche, réside dans un hameau alternatif avec la paroisse de Saint Laurent (en Brionnais), la Chenauderie.
C’est en 1693 que Claude Deschezeaux (ordonné en 1791) devient curé de Maizilly, en remplacement de Peguin. Il se peut que ce Peguin ait été son oncle : le passage d’oncle à neveu était assez courant pour les bénéfices ecclésiastiques. Probablement que le nouveau curé s’installe dans une maison plutôt vaste puisque, au fil des actes paroissiaux, on découvre qu’il a fait venir auprès de lui ses sœurs et un frère : Magdeleine, Anne et Pierre appelé le cadet, celui qui, après son mariage avec Catherine Bouquet, sera notaire à Écoche. Ces jeunes enfants sont tour à tour parrain ou marraines à Maizilly et ce à plusieurs reprises, représentant en quelque sorte le curé. Anne n’aura pas beaucoup de chance avec plusieurs filleuls qui meurent quelques jours ou quelques mois après leur baptême. A Maizilly, comme à Écoche les années 1709 et 1710 battent des records de mortalité. D’autres parrain ou marraine sont aussi membres de la famille : une Claudine Peguin, des Batailly, etc.
Mais tout autant qu’un réseau familial, ce qui paraît exister, c’est une sorte d’entre-soi, de microcosme, de fraternité professionnelle dont bien évidemment les contours sont assez flous et qui mettent en relation des habitants des paroisses d’Écoche, de Cublize, de Saint Maurice et de Maizilly, fraternité entre apothicaires, (ou praticiens, ou chirurgiens), notaires ruraux, prêtres et quelques marchands. Soit ce que l’on peut appeler une petite bourgeoisie rurale, des notables paroissiaux. Qui sont-ils précisément ?
D’abord feu Henry Deschezeaux présenté tantôt comme notaire, tantôt comme maître apothicaire et parfois qualifié de bourgeois d’Écoche (décédé avant 1690)
Ensuite la famille Féaugat* de Maizilly : le père était facteur d’orgues à Charlieu et meurt à Maizilly en 1704 ; le fils, apothicaire et chirurgien. Claude Féaugat a une douzaine d’enfants, dont les trois quarts meurent en bas âge, le dernier causant la mort de sa femme Avoye Trottier à 39 ans. Comme quoi on a beau être qualifié d’apothicaire ou de chirurgien, on ne peut guère à cette époque faire reculer la mort.
Puis la famille Chavoin de Saint Hilaire ou la famille Batailly de Cublize, dont une fille Anne s’en vient résider auprès du curé de Maizilly lorsque les autres Deschezeaux se sont mariés.
Lors de ces mariages, les témoins sont souvent d’autres apothicaires ou hommes de loi ; c’est à Maizilly que Magdeleine Deschezeaux épouse en 1711 un chirurgien (Jacques Belleville) de Châteauneuf ; à Maizilly qu’Anne se marie avec Claude Batailly. On retrouve encore cette proximité lors des baptêmes par exemple en 1690 à Saint-Maurice avec le fils de l’apothicaire de Monchanin, qui a pour parrain Claude Peguin, avocat et pour marraine Magdeleine Deschezeaux sa cousine. Le mariage à Saint-Maurice en 1699 de l’apothicaire d’Écoche Jean Lebreton avec Claudine Boisseaud remplit le registre de signatures, ce qui est inhabituel, comme celle de Messire François Delacoste un des personnages les plus importants de Châteauneuf (il vérifie les actes des notaires) et oncle de Lebreton. Ce monde de bourgeoisie a d’abord en commun de savoir signer, écrire, lire, ce qui assure sans doute un certain pouvoir. Il a en commun aussi la religion catholique puisqu’on y trouve des prêtres fréquemment. Ainsi Catherine Bouquet originaire d’Ambierle et qui n’habite à Écoche qu’une dizaine d’années semble-t-il (elle aussi finit sa vie au Charne) est nièce, sœur et mère de prêtres. Un Bouquet sera curé de Renaison, un autre de Chauffailles. Claude Deschezeaux est son beau-frère et le parrain d’un autre Claude Deschezeaux. Ce Claude et son frère Jacques deviennent à leur tour prêtres mais résideront au Charne, remplaçant souvent le curé de Tancon, parfois celui de Saint Maurice, etc. L’un d’eux fut aussi curé de Renaison comme son oncle bouquet. A noter aussi que le curé de Saint-Maurice, Estienne Auboyer qui semble ami avec celui de Maizilly est fils et frère de greffiers de Châteauneuf.
On apprend aussi dans le registre paroissial que le curé avait un valet lorsqu’il meurt en 1702.
En 1742, à Maizilly un nouveau curé arrive, Seguin. A Écoche ce sont les Batailly qui vont pérenniser la famille Deschezeaux, descendants de Marie puis d’Anne. C’est aussi à Écoche que l’apothicaire Chavoin viendra s’installer. Il avait épousé en février 1729 Anne Batailly nièce du curé à..Maizilly.
A Saint-Maurice, les frères Deschezeaux (dernière génération) font élever une chapelle qui sera visitée et bénie par le représentant de l’évêque de Mâcon. Ils gèrent aussi leur domaine, plutôt bien si l’on en croit un acte de location de leurs moulins (acte que nous a montré M. Charles Perrin descendant de la famille qui avait au 19ème racheté la propriété, que nous remercions). Ils louent en 1745 au couple Turrin deux moulins le long du Sornin, l’un à blé l’autre à seigle et leur vendent le terrain, tout en se préservant des droits de mouture ou de pêche. Cela après le décès de leur père Pierre dont ils héritent le domaine du Charne
Maizilly n’est pas très loin d’Écoche et le curé a parfois l’occasion de bénir des unions entre une fille de Maizilly et un gars d’Écoche, comme en 1714 Jean Berthillot ou en 1724 Jean Perricaud.
Cinquante ans plus tard, le « petit monde » a bien changé : les curés ont été sommés de prêter le serment ou de refuser la constitution civile du clergé ; les paroisses sont devenues communes et Châteauneuf après un très bref épisode où la commune fut chef-lieu de canton, a perdu toute importance administrative ; le diocèse de Mâcon a disparu ; Écoche n’est plus dans la même circonscription administrative que Châteauneuf ou que Cublize. Et surtout la distinction n’est plus seulement assurée par les titres, le savoir ou la tradition familiale, mais essentiellement par l’argent. En 1742 se rendait-on compte à Maizilly des évolutions déjà en route?
* Pierre Féaugat, originaire du Gers a réalisé (d’après bulletin de la Diana):
1683 : orgues du monastère Ste-Catherine de Sienne à St-Etienne (42)
1685-87 : orgues de la cathédrale Notre Dame de Bourg-en-Bresse (01)
1698 : orgues de Pont de Vaux (01) semblable à celles d'Orgelet (39)
1698 : orgues de St-Philibert de Tournus (71) dans un marché avec St-Pierre de Mâcon, Feaugat s'engage à commencer le travail. Il y fit une restauration (site Tournus abbatiale, orgues et vitraux)
1699-1700 : orgues du collège des Jésuites de la Trinité de Lyon (69).
Le baptême de sa fille Anne en 1798 montre les liens entre ces notables : la marraine est Anne Deschezeaux, née à Écoche, encore toute jeune et le parrain est un marchand de Charlieu.
Le baptême de Benoit-Marie, le dernier fils de Pierre Feaugat est encore plus caractéristique : « son parrain a été messire Benoît Marqué docteur en théologie curé de Mars ; sa marraine Madame Marie de la Pierre supérieure de l’hôpital de Charlieu ; en présence de Messire Claude Corteille curé de Chandon et de dame Jacqueline Roland sœur hospitalière dudit Charlieu »