Travail du chanvre.

Au XVIIème siècle, dans les "reconnaissances" de nombreuses "chenevières" sont signalées, au moins une par feu et souvent proches des habitations. L'activité liée au chanvre devait donc être essentielle pour les villageois. Dans un blog du musée de Moûtiers en Tarentaise, on explique bien en quoi consistait le travail du chanvre.

Extraits :

Des langes du nouveau-né aux linceuls dans lesquels l’on enterrait les morts, le paysan d’autrefois passait donc sa vie dans le chanvre, étoffe qui avait le mérite de permettre une vie autarcique.

 

Il y a au moins 6000 ans que les hommes connaissent le chanvre. On pense que ce sont les Celtes qui, dans leurs migrations, ont importé en Gaule cette plante d’Asie centrale, environ 6 siècles avant l’ère chrétienne. Les romains connaissaient bien les utilisations de cette plante. Le chanvre commun est une plante qui mesure, à maturité, entre 1,50 et 3 mètres. La variété, dite chanvre de Piémont, peut atteindre jusqu’à 4 mètres. Le chanvre est une plante dioïque, ce qui signifie qu’il y a des pieds mâles et des pieds femelles : les pieds mâles portent le pollen et les pieds femelles, l’ovule.
Les plants mâles arrivent à maturité beaucoup plus rapidement. En semant au mois de mai, dès juillet, les plants mâles pouvaient être arrachés.

 

L’huile de chanvre : après la mi-septembre, on pouvait arracher les plants femelles. Pendant deux à trois semaines, les pieds, rassemblés en gerbe, étaient laissés sur le champ. Puis, ils étaient mis à sécher contre un mur avant que l’on récupère les graines. Après avoir vanné celles-ci, on les portait au moulin pour en faire de l’huile.  Les moulins à huile étaient appelés des moulins noirs, à la différence des moulins blancs qui fabriquaient la farine.
L’huile de chanvre avait, paraît-il, un goût fort désagréable, qui la décommandait fortement à un usage alimentaire à l’exception des familles pauvres qui y étaient réduites si elles ne disposaient pas d’huile de noix. Par contre l’huile de chanvre était souvent utilisée pour alimenter les petites lampes à huile. Mais cette huile avait aussi des vertus curatives qui la faisait employer pour les animaux malades. Le tourteau (résidu de la pressée) était donné au bétail, mélangé à d’autres aliments. D’autres donnaient les graines de chanvre aux poules, obtenant ainsi une ponte prolongée durant l’hiver

 

Le rouissage : cette opération consistait à immerger les plants dans l’eau stagnante dans des « crots » creusés à proximité d’un ruisseau ou d’une source. Cette macération a pour but d’aider à séparer l’écorce filamenteuse de la tige.   Pour bien maintenir les plants dans l’eau, on les recouvrait avec des planches surmontées de pierres. Après trois semaines de rouissage, les bottes de chanvre étaient retirées et mises sous un abri pour être séchées à l’air en attendant l’hiver.

 

Le teillage : le teillage était l’une des activités hivernales qui occupaient les veillées.  L’opération consistait dans le fait de casser la tige afin de séparer l’écorce de la tige car c’est uniquement l’écorce qui allait être utilisée. Dans une civilisation qui savait tirer parti de tout, l’on ne jetait pas pour autant les tiges. Elles étaient attachées par petits paquets qui servaient à allumer le feu. Ce résidu s’appelle la chénevotte. Ce travail était pénible. Il dégageait beaucoup de poussière et nécessitait une bonne agilité digitale. D’aucuns préféraient travailler avec un brise-chanvre ou casse-chanvre. Cet instrument est constitué de quatre lames en bois fixes qui sont supportés par deux montants et trois lames mobiles qui viennent s’imbriquer entre les lames fixes lorsqu’on les actionne. C’est donc une mâchoire de bois dont le système mobile vient broyer le bois des tiges de chanvre.
Le peignage : les fibres ainsi obtenues avaient besoin d’être nettoyées des derniers bouts de bois et d’être affinées. L’on faisait cela en les passant sur un grand peigne métallique soutenu sur une planchette. On utilisait plusieurs peignes avec des dents de plus en plus resserrées qui permettaient ainsi d’arriver à des fibres beaucoup plus fines.
Les spécialistes qui accomplissaient ce travail étaient appelés des peigneurs. La filasse pouvait être directement utilisée pour la fabrication des cordes. Pour pouvoir la filer, il fallait l’assouplir avec un moulin à chanvre : une grosse pierre qui tournait sur une plate-forme. Si l’on ne disposait pas du moulin, l’on pouvait assouplir en frottant, par un mouvement de va-et-vient sur une lame de fer.

 

Du berceau à la tombe : les toiles les plus grossières que l’on tissait avaient des utilisations agricoles, l’on en faisait des sacs ou bien de grandes toiles dans lesquelles l’on transportait, en hiver, le foin de la grange à l’écurie ou bien qui étaient utilisées par les femmes lorsqu’elles allaient couper de l’herbe pour les lapins en bordure des prés. (à Écoche, en patois, des charris). On fabriquait également les solides sacs qui pendaient de chaque côté du bât du mulet et qui étaient utilisés pour certains marchands voire pour amener le fumier dans les champs.
Les toiles moins grossières servaient à la fabrication des vêtements. On distinguait la toile la plus fine servant à fabriquer chemises et draps, d’une plus grossière, parfois mélangée à d’autres fibres. Une toile-drap, dont la chaîne était en chanvre et la trame en laine, servait à la confection des pantalons et des robes de tous jours.