Les maréchaux.

 

Le mot maréchal vient du vieux francique et signifie en gros soigneur de chevaux, puis de là soigneur d’animaux ; le maréchal ferrant étant celui qui ferre les chevaux ou les vaches. Or dans les documents (registres paroissiaux du XVIIIe par exemple) on trouve à Écoche des maréchaux. Cela ne signifie pas pour autant la présence de chevaux. Qui étaient donc ces maréchaux ? Tentative de réponse à partir de quelques documents où il est question d’un maréchal.

 

Dans l’Ancien Régime, le maréchal, à Écoche, semble un personnage assez important, presqu’un notable, qui transmet son savoir à son fils ou à un gendre. Sa forge est située en un lieu de passage comme à la Quichère. Il avait pour métier celui de ferrer les mules des marchands, de les nourrir peut-être (avec le foin de quelques prairies ?) Pour cela il disposait donc d’une forge, sans doute bien modeste et pouvait travailler le fer. En somme, il faisait plusieurs métiers à la fois :

- maréchal ferrant.

- forgeron voire féron (métier disparu), coutelier, cloutier...

- charron, puisque les roues étaient cerclées de fer ; au moins pour les réparations.

- taillandier, l’artisan qui fabrique toute sorte d’outils tranchants pour les charpentiers, les charrons, les tonneliers, les laboureurs, etc., comme faux, haches, cognées, serpes, etc. ; outils que les paysans utilisaient largement pour travailler la terre.

- serrurier à l’occasion

- vétérinaire (ou du moins soigneur).

 

On voit que par la multiplicité de ses activités, le maréchal était un personnage essentiel dans la campagne ; pour les paysans d’abord, mais aussi par exemple pour le meunier car dans les moulins, il y avait quelques pièces en fer. C’est la nécessité d’avoir recours à lui qui lui donnait son importance et sa petite richesse. Même si la « saleté » de l’atelier et ses fumées n’en faisaient pas un personnage d’apparence raffinée, il jouissait d’une réelle notoriété voire d’une certaine notabilité. A Écoche, c’est dans les familles de ces maréchaux qu’on trouve des personnes sachant signer assez tôt.

 

Au XIXe, le maréchal est toujours bien présent, plus spécialisé en maréchal-ferrant et forgeron. A côté de lui on trouve des charrons, spécialité qui tend à prouver que le nombre de voitures et de charrettes a beaucoup augmenté. Les commerçants d’autre part vendent de la quincaillerie en provenance de l’extérieur, l’outillage en fer et en acier se perfectionne ; le développement de l’industrie des métaux réduit les fonctions de maréchal, principalement au ferrage des animaux, mais pas uniquement.

 

Le dernier maréchal à avoir eu une grande notoriété à Écoche fut Maurice Crozet (1929-1997). Originaire du village de Juin, il avait installé sa forge à Cadolon. Ce maréchal, très connu aussi comme bouliste, a su s’adapter à son époque. Les chevaux de trait de moins en moins nombreux ? Il devient maréchal ambulant pour les chevaux de selle. L’outillage devenu industriel ? Il devient ferronnier d’art. Sa vie est racontée de manière détaillée dans la revue de Coublanc En ce temps là, numéro de 2015, qu’on peut lire à l’adresse : http://www.coublanc-71.com/pdf/revue2015.pdf

 

Donc, dans les années après-guerre il n’y avait plus de maréchal à Écoche. Les propriétaires de chevaux amenaient leurs chevaux chez Maurice Crozet principalement mais pour certains à Belmont ou d’autres à la Bûche chez Cherbut. Celui-ci fonctionnait encore à l’ancienne : désordre dans l’atelier, odeur forte de corne brûlée, gros soufflet actionné par un de ses enfants, torse nu, gros rouge en abondance comme « carburant ». Bruits, sons, odeurs, paroles fortes...une ambiance qui donnait l’impression de remonter le temps.

 

Et sur la commune d’Écoche ? Eh bien pendant la guerre de 14, on avait Barriquand au bourg : voir la bonne soupe. Barriquand fut remplacé à la fin de la guerre par Louis-Auguste Trouillet. Né à Belleroche, il s’installa d’abord à Saint Germain la Montagne, à l’entrée du bourg -où il est aussi un peu débitant de boisson. Il eut la douleur de perdre sa fille Emma à l’âge de 4 ans. Son autre fille, Marie partit dans le Beaujolais comme « bonne de café à partir de 15 ans. Enfin son fils Ernest Marius, handicapé (atrophie de la main droite, ce qui l’empêchait d’utiliser un fusil et ce qui l’exempta des tranchées) le suivit à Écoche comme aide-maréchal ; malheureusement, il décéda à 23 ans en 1920.  Au recensement de 1936, Louis Trouillet est toujours Écochois, mais âgé de 74 ans, il n’exerce plus son métier de maréchal.

 

En dehors des chevaux, on ferrait aussi les bœufs ou les vaches utilisées par les petits paysans comme animaux de traits (par paire). Pour les ferer il fallait un travail -au pluriel des travails.



Les frères Le Nain ont au XVIIe rendu l'atmosphère de la forge dans un tableau célèbre, aujourd'hui au Louvre

« On est devant la forge dont le foyer ardent éclaire le fond du tableau et se réfléchit sur les visages groupés alentour ; le maréchal tient son fer au feu, il n’attend que l’instant de prendre son marteau dont le manche est à portée de sa main et de battre l’enclume que rase un reflet de flamme. L’aîné des enfants tire le soufflet de la forge, pendant qu’un plus jeune frère regarde avec insouciance, les mains derrière le dos. La femme du forgeron, grande paysanne habillée comme dans le nord de la France, est debout, les deux mains posées l’une sur l’autre : elle est en face, près de son mari qui est de trois-quarts. Le père, assis dans un coin, tient une gourde d’une main et de l’autre un verre (…)

L‘effet de lumière est si vrai, si large, si bien rendu, si pleinement harmonieux ; la bonté, l’intelligence et les vertus domestiques peintes sur toutes ces figures sont si parfaites et si parlantes, que l’œuvre attache, réjouit l’œil, tranquillise le cœur et fait rêver l’esprit. Le mot chef-d’œuvre n’est pas de trop."

Sainte-Beuve, Nouveaux lundis, 5 janvier 1843.

 

C'est un peu idéalisé tout de même!!!


Aux recensements de 1886 et1891, Élie Guyot est maréchal au bourg, à proximité de l'église. Dans certains actes de l'état civil il est noté comme taillandier. son père Joseph Guyot était aussi maréchal, parfois noté comme serrurier. Ces différentes notifications confirment que l'activité des maréchaux était multiforme.

A la fin du XVIIIe un autre Joseph Guyot est aussi maréchal, auquel lui succède vers 1810 son fils Claude. Il y a donc eu toute une dynastie de Guyot qui donna des maréchaux, lesquels faisaient partie des familles importantes, alliées entre elles (les Vaginay, les Morel, les Buchet, les Batailly,etc.).

Le premier Guyot à avoir le "titre" de maréchal dans les registres paroissiaux d'Écoche est  Jean qui, le 21 mai 1694 épouse Benoîte Jonard. Cette Benoîte est elle même fille d'un maréchal de la Quichère (archives Vichy).