Du moulin seigneurial à la simple habitation :

quelles activités, quels habitants  dans la bâtisse du moulin du But ?

 

On connaît quelques meuniers du But dans l’Ancien Régime grâce à certains actes notariés. Ainsi au milieu du XVIIème (1649) le moulin est amodié à François de la Brosse et à sa femme Claudine Fayard, originaires de Coublanc. Puis Barthélemy de la Paneterie, est  meunier au But en 1689 ou début 1691 (sans doute originaire de Belmont),  en novembre 1691 c'est Anthoine Thomas qui est dit Maitre meunier au But. Pierre Lacoste, est à son tour meunier au But en 1721 et 1725 ; en 1739 c’est Antoine Ovize. D’une famille de meuniers notamment à Arcinges.

 

A la fin du XVIII° siècle, c’est un meunier originaire de Vauban et fils du meunier de Ligny en Brionnais, Jean Poulette qui arrive au But, sans doute en lien avec le dernier seigneur du But, le marquis de Vichy lui aussi né à Ligny en Brionnais. Mais il meurt jeune (à 36 ans) en 1781. Sa veuve Claudine Thévenet garde le moulin avec ses deux jeunes garçons Alexandre et Antoine. (elle a aussi une fille et un autre garçon encore nourrisson). La famille Poulette fait alors souche à Écoche (principalement au But), à Coublanc (hameau de la Serve) et dans le secteur de La Gresle. Et à la faveur des événements révolutionnaires cette famille rachète quelques biens de feu le marquis de vichy, dont le moulin. Il est probable qu’au début du XIXème siècle les bâtiments sont agrandis puisqu’au moment des recensements (connus seulement à partir de 1841) il y a plusieurs ménages qui y demeurent.

 

Si Antoine Poulette après son mariage avec Benoîte Destre devient maréchal-ferrant, Alexandre reste meunier.

 

Le fils d’Antoine, prénommé lui-aussi Antoine reste maréchal-ferrant au But dans le même bâtiment que le moulin et confirme son implantation écochoise en épousant Louise-Marie Guyot, petite nièce du dernier curé d’Ancien Régime (Carré), descendante des Lebreton famille de notables (apothicaires, marchands, procureur fiscal etc...) et des Guyot eux aussi notables (maréchal, consuls...)

 

En 1841 Louise-Marie Guyot-Poulette, jeune veuve, est toujours résidente au moulin du But mais n’est plus la meunière. C’est Jean-Claude Raquin qui, aidé d’un domestique Jean Lecompte, fait tourner les meules. Il est natif de Vareilles et le fils d’un meunier –apparenté aux Thévenet (Claudine Poulette).

 

En 1846 au But on trouve toujours beaucoup de « Poulette » dont l’une est institutrice. Jean-Claude Raquin alors âgé de 66 ans est toujours meunier mais on en recense un autre : Michel Latuillère ; en fait ce meunier ne doit être là qu'en renfort de Raquin vieillissant puisqu'on le retrouve à d'autres dates meunier à Mars.

En 1851 ils sont trois meuniers : Raquin, 70 ans (présent mais sans doute peu actif), son gendre Bonnet 34 ans et un jeune domestique de 17 ans Antoine Poizat. Devenu rentier en 1856 Raquin a cédé le moulin à son gendre Jean-François Bonnet, assisté de deux domestiques Antoine Poizat 23 ans et Henri Jugnier 16 ans.

 

Cinq ans plus tard, Bonnet est décédé ; c’est sa veuve Claudine Raquin-Bonnet qui est meunière ; elle n’a que 32 ans, ses enfants sont en bas âge mais elle s’appuie sur un domestique Jean-Marie Lamure. Dans les bâtiments une descendante « Poulette » Euphrosie a épousé Jean-Pierre Crétin qui est cordonnier ; une de ses sœurs  Emélanie [notée Ephigénie par l'agent recenseur!] est mariée avec Claude Paillard qui a profité des grandes dépendances et aussi de la chute d’eau pour y installer une petite « fabrique de soierie ».

 

En 1866 tout comme en 1872, Antoine Poizat est revenu comme meunier. Crétin poursuit le métier de cordonnier. Paillard continue sa soierie.

 

En 1876 il n’y a plus de meunier de recensé. Les sœurs « Poulette » ont alors une très nombreuse progéniture : les « Crétin » sont devenus cultivateurs tout en continuant un peu d’être cordonniers ; Paillard commence à faire travailler ses enfants dans la soierie.

 

Dix ans après c’est le grand changement : le moulin est devenu une scierie avec Jean Bonnet, 35 ans petit-fils de Raquin . A côté, Claude Paillard a maintenant 10 enfants dont 7 peuvent l’aider à la soierie. Euphrosie Poulette est alors veuve  mais toujours avec ses 5 enfants.

 

Bref, beaucoup de monde dans l’ex-moulin du But.

 

Au tout début du XXème siècle (1906) si la soierie Paillard continue, la scierie est passée à Joseph Dextre originaire d’Arcinges, aidé de son frère Louis. Mais Jean Bonnet est toujours lui aussi scieur (associé ?).

 

Après les bouleversements dus à la guerre de 1914, la scierie semble ne plus être en activité. La veuve de Jean Bonnet, Pierrette 76 ans, y réside avec sa fille Clotilde, son gendre Rousset et son petit-fils Paul Rousset. Pierrette Bonnet est notée comme cultivatrice ce qui veut dire qu’on doit y élever une ou deux vaches. Louis Rousset originaire de  Saint-Bonnet-de Cray vient de se marier avec l’héritière Bonnet (1918) et est bien connu des Écochois puisqu’il est depuis quelques années déjà le voiturier, facteur, receveur mais résidant au But. C’est sa voiture à cheval que l’on voit sur certaines cartes postales de l’époque.

 

Pour l’anecdote, une fille de François et Pierrette Bonnet, Julie, après avoir épousé en 1872 Claude Marie Fouilland s’en alla habiter à la Croix de l’Orme ; la réputation de sa beauté fit que longtemps on appela le chemin qui longeait sa demeure « chemin de la Belle Julie » Il est savoureux qu’aujourd’hui ce soit celui de la Madone !

 

En 1926, il reste dans les bâtiments, Clotilde veuve Rousset et son fils Paul, Louis Crétin cordonnier et une épinceteuse* Pélagie Buchet mais plus de Paillard. La mort de Louis Crétin sans descendance (vers 1929) fait ainsi disparaître du But le dernier héritier des Poulette arrivés à la fin du XVIIIème siècle à Écoche.

 

Entre 1935 et 1943, un menuisier originaire de Coublanc, Bénédicte Lacôte s’installe avec sa famille dans les locaux. Lesquels après la guerre redeviennent une scierie pendant quelques années avant que les frères Danière (Arthur et Louis) ne construisent un peu plus haut leur propre atelier de scieurs –qui existe toujours. Aujourd’hui l’ancien moulin du But est devenu une habitation presque comme les autres.

Meunerie (céréales, huile), forge, textile, voiturage, sciage, agriculture, menuiserie, cordonnerie...à lui seul le moulin du But est un petit condensé de l'histoire des activités d'Écoche.

 

 *celle qui débarrasse le drap des impuretés, des grosseurs


Et les autres moulins?

Sur le cadastre napoléonien, (voir la rubrique histoires d'eau) on retrouve l'existence de plusieurs moulins -en plus de celui du But-  visibles par les aménagements hydrauliques bien nettement dessinés par Ragot. Ces moulins semblent ne plus exister dans la deuxième moitié du XIXème siècle, si l'on en croit les recensements qui ne donnent aucune trace de meuniers. Ils n'avient jamais dû être très importants et plutôt que des moulins à farine, devaient servir au foulage du chanvre (le ruisseau de Goutte sourde est dénommé sur Cassini la Foule), comme pressoir à huile ou comme moteur d'une scie, et cela de façon intermittente vu le faible débit des ruisseaux.

Sauf en deux endroits :

-le moulin des Bruyères. Après avoir été une carderie de coton pour les premiers pas de manufacturier de Laurent Glatard, il fut utilisé comme scierie/menuiserie jusqu'en 1960 environ, le dernier scieur fut Claudius Danière.

-le moulin de Fonteret qui a laissé le nom du lieu "au meunier blanc". Ce microtoponyme indique que ce fut sans doute là le dernier moulin à farine de la commune. Le dernier meunier, Benoît Verchère exerçait encore en 1931 ; s'il y réside avec son épouse encore en 1936, il n'est plus noté comme "meunier". Originaire de Coublanc il a alors 73 ans. Au recensement de 1906 il est déjà là. Avant lui, faute peut-être d'une activité suffisante les meuniers ont souvent changé. Antoine Poizat (et sa femme meunière ausi) en 1901 et déjà en 1886 mais entre les deux Jean Carette. Cet Antoine Poizat est le même qui fut domestique au moulin du But en 1851. En 1876 et1881 Jean-Louis Barriquand originaire de Saint Hilaire, avec domestiques. En 1872 Antoine Gardette originaire de Ligny. En 1866 Latuilière. En 1861 Pierre Démurger avec 1 domestique. En 1856 Latuilière Michel, le même qui est passé au But en 1841, et son gendre Besson. Latuilière était déjà là en 1851 comme meunier-locataire -à 60 ans tout de même ; il est né à Mars, fils et petit-fils de meunier ; à noter que son fils de 18 ans est boulanger, on reste dans la farine!. En 1841 c'était Benoît Accary originaire d'Arcinges.

Cette liste pose des questions : puisqu'on parle de locataire, qui en était le propriétaire?. Deux meuniers sont passés au But : pour apprentissage? Plusieurs ne sont pas originaires d'Écoche : le métier de meunier, bien spécifique était-il un peu "gyrovague"? Ou au contraire étaitce une profession annexe car certains sont parfois notés cultivateurs,voire tisseurs...

En tout cas le dernier "meunier blanc" survécut à l'arrêt de son moulin : Benoît Verchère mourut après la seconde guerre mondiale à presque 81 ans. Présent à la Libération, peut-il se voir appliquer ce vers de Senghor ?

"Que nous répondions présents à la renaissance du monde, tel le levain nécessaire à la farine blanche".


Au fil des registres paroissiaux puis de l'état-civil, d'autres habitants sont qualifiés de meunier, comme  Jean Larue, à la fois tonnelier, charpentier et meunier (au mariage de sa fille en 1713) ; Jean Auberger (né à Varennes sous Dun) ; François Forest (mort en 1834),etc. Sans qu'on sache dans quel moulin ils travaillaient.