Les gouvernantes.

 

Les prêtres appellent ainsi les dames chargées de leur intendance quotidienne ; le commun préfère les appeler les bonnes du curé ; les agents recenseurs les nomment le plus souvent domestiques, parfois cuisinières, parfois couturières. Souvent célibataires, elles peuvent résider au presbytère et leur rôle est beaucoup plus important qu’il n’y paraît, surtout dans une paroisse où la pratique religieuse est élevée. On peut dire qu’elles remplissent trois fonctions :

 

-la première, celle de gouvernante au sens strict, c’est-à-dire d’organiser la vie matérielle du presbytère : cuisiner, faire le ménage, repasser, bref ce sont des bonnes à tout faire classiques, ce qui explique leur dénomination habituelle.

 

-la deuxième, plus officieuse, celle de lien avec l’église, avec les marguillers*, le sacristain et les dames de la paroisse qui s’occupent de laver et repasser les vêtements sacerdotaux, de fleurir le lieu de culte.

 

-la troisième, moins facile à discerner, une fonction de communication entre le curé et ses ouailles, surtout quand elles sont originaires d’Écoche ou y ont de la famille. Elles peuvent entendre les ragots pour ou contre l’action des curés, les démentir, etc.

 

On connaît leur nom, au moment des recensements.

 

En 1841, autour du curé Chemin et de son vicaire Puillet, elles sont deux : Benoîte Marie Larue et Catherine Bonnefond. Benoite Marie était née en 1775 à Écoche dans une famille de Laval et sa mère venait d’Arcinges. Un de ses neveux et un de ses petits-neveux se firent prêtres (peut-être sous l’influence du curé Chemin) ; un autre de ses petits neveux épousa la fille de l’ébéniste qui sculpta les boiseries de la nouvelle église. C’est dire qu’elle venait d’un milieu particulièrement catholique, marqué aussi par les tourments de la période révolutionnaire (elle avait eu 20 ans en 1795). Elle est décédée en février 1848 au domicile de Catherine Bonnefond. Cette dernière était la nièce ou la petite nièce du curé. En 1848 elle était veuve depuis quelques années.

 

En 1846 c’est Pierrette Puillet la sœur du curé, assistée d'une autre soeur Adèle Puillet ; un neveu est aussi présent Jules Auclerc. Mathieu Puillet bénéficie donc d’excellents relais auprès de la population jeune. Pierrette, née à Fontimpe, n’a que 27 ans et se mariera en 1852 avec un héritier de familles bien connues à Écoche, les Guyot. ; Adèle a 24 ans (et non 19 comme l'avait noté l'agent recenseur)

 

En 1851 toujours Pierrette Puillet ; on note la présence d’une  nièce de 13 ans Cécile Dubouis.

 

En 1856 et 1861 Françoise Verchère

 

En 1866 Claudine Clémençon, âgée de 50 ans, peut-être une veuve originaire de St Just en Chevalet, comme les Epinat voisins des Puillet à Fontimpe ?

 

En 1872 et 76 Mathieu Puillet a repris sa sœur Pierrette, désormais femme Guyot, dont le mari est sonneur, conseiller municipal ; elle est revenue après que ses enfants aient commencé de grandir ; elle a 53 ans en 1872 et on peut penser que son rôle est grand dans la paroisse

 

En 1881 l’abbé Seytre a comme gouvernante Marie Démurger, 44 ans. C’est une femme mariée et son rôle n’a dû être qu’intérimaire. Néanmoins elle aura pour petite fille Germaine Magnin née en 1900.

 

En 1886, 91, 1901 Philomène Ducruix. Née en 1847 à Coublanc, elle descend par sa mère Françoise Auvolat de Marie Chavoin donc des Batailly. Son cousin Cyrille Ducruix épouse une fille Larue, à côté du presbytère, et fut un des militants pour la cause de l’école des sœurs. Elle est aussi apparentée au futur maire Claudius Auvolat.

 

En 1906, 1911, 1921, 1926 les curés et vicaires sont servis par Victorine Lefranc, originaire de Saint Bonnet de Cray. Fille d’un vigneron et d'une ouvrière en soie.

 

En 1931, le curé Beaudoux a à son service Marie Magat née en 1865 et originaire de Civin ( ??), sans doute Civens dans la plaine du Forez

 

Enfin en 1936, c’est Marie Desroches, une Écochoise de 63 ans (le même âge que le curé Beaudoux), ancienne tisseuse à bras de Fillon.

 

Les recensements publiés sur la Toile s’arrêtant là, on ne connaît pas toute la suite. Le curé Albert Briday n’avait pas de véritable gouvernante et son service était assuré alternativement par des dames (ou demoiselles) de la commune, qui ne résidaient pas au presbytère ; parmi elles, Germaine Lacôte de La Forest ou Marie Vivier de Juin. Mais quand une nuit un sévère infarctus obligea l'abbé Briday à appeler ses voisins Larue avant d'être hospitalisé, les autorités diocésaines lui imposèrent à son retour de prendre une gouvernante, et l'on vit arriver une femme austère vêtue de noir comme une religieuse. Sa mission était de limiter les dérangements pour un prêtre fatigué ; elle faisait aussi le catéchisme : les enfants la craignait car elle utilisait une langue assez pointue pour des petits Écochois comme lorsque, au lieu de dire un "notre père" elle demandait de réciter le "pater noster". Heureusement Albert Briday restait apprécié, lui qui avait gardé des moutons dans le pré de la cure, se déplaçait chaussé d'un béret comme beaucoup de villageois et ne prenait pas des airs intellectuels. Mais la bonne, dont personne n'avait retenu le patronyme, remplissait bien le rôle assigné par le diocèse. Le père Châtelet la garda encore  deux ans mais finit par s'en séparer. Lui succéda en 1965 Mademoiselle Germaine (Magnin) qui assista Louis Châtelet jusqu’à son décès, assurant aussi l’entretien de l’église ; elle resta ensuite dans la cure pour accueillir les prêtres qui n’y résidaient plus, puis termina sa vie à la maison de retraite de Belmont. Il faut dire que cette ouvrière textile, à la retraite en 1965 -elle était née en 1900 à Écoche- avait toujours vécu ici (au lieu-dit le Couvent, ça ne s'invente pas) et connaissait pratiquement tout le monde dans la commune.

Bref, des femmes souvent très pieuses, discrètes mais au rôle non négligeable pour la religion catholique, même si parfois certains pouvaient se moquer de leur apparence "grenouille de bénitier" il est vrai.

 

*Un dimanche par an, le curé recevait à sa table les quatre membres du conseil de Fabrique et la gouvernante devait organiser un bon repas dans la salle à manger située à l'arrière, côté ouest, et donnant sur la campagne ; il s'agissait de faire le point sur les finances et les événements de l'année écoulée, mais la bonne chère se devait d'être au rendez-vous. Or toutes les bonnes n'avaient pas le même talent culinaire, heureusement les curés avaient souvent d'excellents pousse-café...