Jean-Étienne Seytre. Prêtre, savant, poéte...

Le texte histoire d'une paroisse qualifie ce curé d'Écoche entre 1877 et 1901 de "bon". Et donne beaucoup de précisions notamment sur sa spiritualité. voir ce travail histoire d'une paroisse

Jean-Étienne Seytre naquit le 14 février 1820 à Thélis-la-Combe au hameau de Lestival à environ 1000m d'altitude, dans le massif du Pilat


Ses parents étaient cultivateurs sur une ferme familiale transmise de génération en génération ; la mère venait d'une commune proche, Graix. Pour leur mariage en 1817, Jean Seytre appose sa signature. Ils eurent 6 enfants : l'aîné Jean-Étienne  puis Jeanne Marie Marguerite  en 1823, Jean-Pierre en 1925, Marie Catherine en 1829, Marie Rose en 1833 puis Jeanne Marie Virginie Solange en 1842.

La dilection pour les prénoms de Marie et Jean montre les racines catholiques de la famille.

Dans la biographie on le fait parfois naître à Ruthiange. L'erreur s'explique par une situation alors complexe : la commune de Thélis-la-combe est de création récente (1793) mais ne possède ni église ni paroisse avant 1860. Les baptêmes devaient être célébrés dans une paroisse extérieure à la commune ; celle de Ruthianges correspond à la commune proche de La Versanne (dénommée au XVIIIème siècle St Didier -de-Ruthiange).

Quoi qu'il en soit, toute sa vie il resta très attaché à ce massif du Pilat au relief tourmenté et aux conditions d'existence rudes. Il devait y marcher souvent et en connaître les chemins et aussi les légendes. Il publia -lorsqu'il était à Écoche- un recueil de poèmes intitulé tout autour du Pilat. Un poème de 1871 y est dédié à son frère instituteur à Thélis.

C'est au petit séminaire de l'Argentière qu'il fait ses études. Fondé par le cardinal Fesch -et aujourd'hui centre de soins sur la commune d'Aveize- cet établissement fut en partie encadré par les prêtres dits de Saint-Irénée.

Le Progrès, quotidien régional en parlait en ces termes en 2016 :

Le 5 décembre 1802, le Cardinal Joseph Fesch, oncle de l’empereur Napoléon 1er , prend possession de l’archevêché de Lyon. Sa priorité est de fonder des séminaires, car l’Église de France a besoin de prêtres, nombre d’entre eux ayant été guillotinés, portés disparus ou mis en fuite lors de la Révolution. C’est ainsi qu’il décide de fonder à l’Argentière le séminaire le plus distingué de France.

Alors qu’il est ambassadeur à Rome, auprès du Saint Siège, en vue de faire consentir les cardinaux et le pape Pie VII au sacre de Napoléon, ses émissaires lui font l’éloge des bâtiments vides de l’Argentière. Le 11 juillet 1804, il achète l’ancienne abbaye abandonnée. Au début de novembre 1804, 176 élèves prennent possession des lieux, ébahis par cette construction qui ressemble à un palais, dans un cadre enchanteur. En 1809, ils sont 350, attirés par la notoriété de cet établissement.

Parmi les élèves de l’Argentière, nombreux devinrent évêques, cardinaux, poètes, écrivains, militaires de haut rang, etc. Parmi eux le futur Saint, Jean-Pierre Néel. De 1853 à 1855, ce dernier fit ses classes de philosophie et de mathématiques à l’Argentière avant de partir en 1858 pour la mission de Koui-Tchéou, en Chine, où il sera décapité le 18 février 1862. Il a été béatifié le 27 mai 1900 par le pape Léon XIII et canonisé le 1er octobre 2000 par le pape Jean Paul II. Le 9 décembre 1905 : La loi de séparation des biens de l’Église et l’État est proclamée et en 1906, le séminaire ferme définitivement.

Quant aux prêtres de Saint-Irénée on explique sur le site du Musée du diocèse de Lyon :

La Société des Missionnaires des Chartreux. L'idée en revient au cardinal Fesch. Dès 1803, le nouvel archevêque saisit le besoin de raffermir la foi des fidèles, bien secouée par la Révolution, en usant du moyen traditionnel de la prédication. Une brève expérience dans la paroisse Saint-Bruno, où il plaça quelques prêtres, à la fois vicaires et prédicateurs, lui montra la nécessité de confier cette tâche à une institution particulière et stable, qu'il voyait comme maison de missionnaires et foyer d'études.

 Manquaient les locaux, et un responsable. Pour les premiers, il avait en vue l'ancienne Chartreuse, dont les bâtiments, vendus naguère comme biens nationaux, étaient partagés entre plusieurs propriétaires. Sans tarder, il commença d'en préparer l'acquisition, qu'il put réaliser, sur ses deniers, entre 1810 et 1815.

 Quand à l'homme, il le trouva à Bordeaux, en la personne de l'abbé Rauzan, qu'il installa dès 1807, en compagnie d'une dizaine de prêtres : les « Missionnaires de France », comme il les appela, usant de son autorité de Grand Aumônier de l'Empire. Il voyait large, et loin. Les missions se donnèrent tout de suite : à Lyon, Feurs, Bourg. Mais Napoléon ne supportait aucune institution qui put échapper à son contrôle : un décret du 26 décembre 1809 supprima toutes les congrégations et sociétés de prêtres, et donc les maisons de missionnaires. Rauzan partit pour Paris, où il devait, après 1815, restaurer la Société des Missionnaires de France, née à Lyon. Mais Fesch était têtu. Il garda comme vicaire à Saint-Bruno plusieurs des missionnaires, et réalisa son rêve immobilier aux Chartreux, c'est même là qu'il résida le plus souvent durant sa disgrâce, entre 1811 et 1814.

 Si la chute de l'Empire entraîna l'exil définitif du cardinal à Rome, elle permit en revanche à son projet de prendre corps. Pour le faire aboutir, le fidèle Bochard, vicaire général, qui gouverna le diocèse jusqu'en 1824 selon l'esprit et les consignes de l'archevêque absent, ne rencontra plus d'obstacles. Le 11 juin 1816, il autorisa la formation de la Société de la Croix de Jésus, sur le modèle de la congrégation de Saint-Ambroise, fondée jadis à Milan par saint Charles Borromée. Très vite, M. Mioland en fut le supérieur. Autour de lui, MM. de La Croix d'Azolette, Furnton, Coindre, de Lupé, Chevallon, Barricand. Le 6 octobre 1816, ils purent s'installer solennellement « aux Chartreux », et inaugurer la vie d'une communauté non religieuse, certes, mais liée par la cohabitation, des prières en commun, une règle de vie personnelle, des travaux et un ministère semblables et souvent communs.

 Tout en prêchant dans les églises de Lyon, ils commencèrent par assurer en novembre les prédications de rentrée dans les petits séminaires : Venières, l'Argentière, Alix. Puis ce fut leur première grande mission, à Saint Sauveur-en-Rue, du 7 décembre 1816 au 7 janvier 1817. Ils purent y rôder leur méthode : prédications sur la conduite morale du chrétien face aux grandes vérités de la Croix et du Salut, offices solennels, processions, cantiques, gestes collectifs spectaculaires, plantation de croix pour finir. Ils prirent en 1817 leur rythme d'activité ordinaire. Grâce aux Frères du Sacré Cœur, nous connaissons celui d'A. Coindre, qui dut ressembler à celui de ses confrères. En 1817 : 18 prêches, 1 station de carême, 4 retraites (de 4 à 8 jours), 1 mission de 4 semaines. En 1818 : 12 prêches, 4 retraites, 3 missions.

 On ne demande qu'à ceux qui donnent. La Société fut rapidement sollicitée pour des tâches nouvelles. En 1819, elle se vit confier le petit séminaire de l'Argentière. Déjà, elle recevait des séminaristes venus faire auprès d'elle leur théologie (…). En 1832, ils allaient prendre en charge l'école de Saint Bruno, fondée en 1825 par l'abbé Pousset, et dont M. Hyvrier, prestigieux directeur, allait faire un collège renommé, dans l'esprit libéral de la maison, reçu des origines. Libéral, non certes dans le domaine doctrinal, mais dans la pensée d'une entente entre Eglise et société civile, entre intelligence et foi.

 C'est en 1833 que les missionnaires prirent le nom de « Prêtres de Saint-Irénée ». La Société l'a conservé, à travers bien des changements de vie et d'activité, mais toujours dans l'amour de la liberté et de l'esprit.

 

Le futur curé reçut donc un enseignement de qualité, pétri de littérature latine, ce qui transparaît dans ses poèmes ; formé au zèle missionnaire, que l'on retrouve dans ses fonctions ; mais aussi riche d'une science botanique qu'enseignait l'abbé Chirat. Les élèves furent nombreux à devenir botanistes notamment en effectuant l'inventaire des plantes de la région. Jean-Etienne Seytre publia de nombreux articles et ouvrages, dont certains sont encore au début du XXIème siècle cités dans les revues spécialisées

Après le séminaire et l'ordination vers l'âge de 25 ans, il fut successivement professeur aux Chartreux à Lyon (1845-1848), au petit séminaire d'Alix (1848-1855) aumônier des religieuses de Vernaison et en même temps missionnaire à Lyon (c'est-à-dire allant prêcher des missions dans diverse paroisses) de 1855 à 1876. C'est pendant cette période qu'il eut la joie de voir se construire une église à Thélis-la-Combe qu'il bénit lui-même sous le vocable de Sainte Marie le 12 août 1860, en présence de son père conseiller municipal et de son frère instituteur local.

Et en 1877, à 57 ans donc, l'archevêque le nomme desservant de la paroisse d'Écoche en remplacement de l'abbé Puillet. Le changement dut être d'importance pour les paroissiens qui passèrent d'un pasteur très "local"  à un pasteur véritable intellectuel éclairé. Mais d'après la brochure Histoire d'une paroisse la greffe prit. L'église était alors achevée ; on peut penser que l'abbé Seytre développa la prédication, continua son travail de missionnaire ; peut-être est-ce lui qui fit ériger la croix de la mission qui domine encore le village ; c'est lui qui, toujours à l'occasion d'une mission, fit élever la madone sur un terrain de la famille Puillet (sans lien direct avec son prédécesseur).

Lui aussi adopta Écoche au point de désirer y avoir sa sépulture, toujours là au centre du cimetière nouveau. Ses liens avec sa patrie du Pilat restèrent dans ses textes ; mais son père était mort depuis 1866, sa mère depuis1873, son frère en 1895 ; ses soeurs, mariées avaient quitté Lestival. A sa mort il fit don de 500 francs de l'époque à l'Oeuvre de la propagation de la foi.

En 1892, son neveu Jean-Pierre Richard né en 1855 et fils de sa soeur Jeanne Marie Marguerite était venu  le seconder à Écoche comme vicaire ; après la mort de Jean Etienne Seytre, ce prêtre fut curé de Propières puis curé intérimaire de Villers où il mourut en 1917, demandant à être enterré au côté de son oncle dans le cimetière d'Écoche.

En 1894, un autre  neveu (peut-être son filleul) Étienne Seytre fut ordonné prêtre. Vicaire à Véranne, il devait décéder à 37 ans, ne survivant que 3 ans à notre curé.


Aujourd'hui à Thélis-la-Combe, une voie publique porte son nom

Ci-contre l'exemplaire de la BNF pour ses poèmes (édition de 1875)

Autres ouvrages :

La Sainteté dans la souffrance, par l'abbé E. Seytre, Paris : Lecoffre fils  1869, 2e ed 1870

 

Les Signes de la prédestination, par l'abbé E. Seytre, Roanne : impr. de Marion et Vignal , 1870.

 

Quant à son herbier, après sa mort il fut conservé par son neveu l'abbé Richard ; il est ensuite passé chez un certain Joasson de Chauffailles.

Photo de l'époque lyonnaise ci-dessous.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ci-contre, la tombe de ses parents, de son frère, de son neveu...au cimetière de Thélis-la-Combe.




Et l'année qui suivit son trépas, la paroisse d'Écoche bénissait une troisième cloche (cloche intermédiaire entre la grosse et la petite, qui sonne un la bémol et baptisée Marie*). En voici le "récit" dans le journal de Roanne :

D'importantes cérémonies religieuses ont eu lieu sous la présidence de Mgr Vindry, vicaire général de Lyon.

A 3 heures après les vêpres, bénédiction de la nouvelle cloche, don du regretté curé, l'abbé Seytre, décédé l'an passé. A l'occasion de cette cérémonie, l'église avait été décorée avec goût, de guirlandes, d'oriflammes et de drapeaux. Le parrain de la cloche était M. l'abbé Richard, ancien vicaire, actuellement curé de Propières, et la marraine, Mme Antony Vadon. Deux beaux morceaux de musique religieuse dont un Ave maria ont été chantés par M. Antony Vadon.

La bénédiction de la nouvelle école libre de filles a eu lieu ensuite.

 

*Peut-être en l'honneur de la fille de Mme Vadon, prénommée Marie Camille, alors âgée de 25 ans et religieuse bénédictine.